La philosophie des épreuves



Asheq sho ar na rûzi, kâr-e jahân sar âyad

Nâkhândeh naqsh-e maqsud, az kârgâh-e hasti

Sois amoureux, sinon, le monde touchera à sa fin 
sans que tu n’aies rien compris au but de l’existence

(Divân-e Hâfez, Ghazaliyât : 435, 2)

Dans le monde, le mal absolu n’existe pas. La preuve en est que les hommes continuent de croire au bonheur. Les hommes sont en effet les seuls êtres terrestres capables de discerner le bien et le mal et d’en parler.

Les savants musulmans distinguent deux approches pour interpréter l’ordre et la volonté divine, et traiter des problèmes similaires à ceux du bien et du mal :

L’une est celle de considérer les lois qui régissent l’univers tel qu’il est. Ils qualifient cette réalité de takwini, qui désigne tout ce qui est relatif à la façon dont l’univers, kawn, a été créé en soi, à ses lois qui sont invariables. Toutes les lois qui régissent l’univers et que les hommes découvrent sont des lois que le Créateur a fixées à cet univers. Ces lois sont universelles et concernent aussi les hommes.

La seconde approche est celle des prescriptions divines que Dieu propose aux hommes qui croient en Dieu, et qui leur sont apportées par l’intermédiaire des prophètes. Elle est qualifiée de tashrî’î – c'est-à-dire tout ce qui implique d’une part, un Législateur et d’autre part, une responsabilité légale (taklîf) des personnes concernées par cette Loi religieuse (shari'a). Elle consiste en un corpus de lois mères que les hommes sont appelés à suivre s’ils souhaitent obtenir la récompense divine et échapper à Son châtiment. Elle régit les relations des hommes avec Dieu. Ce sont des lois importantes parce que les religions ont occupé et continuent d’occuper une grande place dans les motivations profondes des hommes. Ces lois qui visent l’ensemble des créatures sans exception ne sont pas obéies par tous, mais seulement par une certaine catégorie d’humains qui adhèrent à l’idée de création du monde par Dieu et à un lien permanent bien qu’invisible entre le Créateur et les créatures.

Pour un croyant, le mal n’est que ce que Dieu définit comme le mal. Le mal est ce qui empêche ou suspend l’obtention de l’agrément divin. Le reste est coup du sort, accident résultant d’une négligence ou sanction d’un mal, c'est-à-dire d’une désobéissance à un ordre divin. C’est en fonction de ce but divin que les choses peuvent être un mal ou non. Les autres « maux Â» ne sont que des épreuves inscrites au programme normal de la vie. On est récompensé quand on les subit avec succès, par exemple en faisant preuve de patience face à la maladie.

Dieu n’a promis nulle part aux hommes que la vie sur terre allait être dépourvue de mal, de troubles, de situation douloureuse ou inconvenante. Bien au contraire. Il est question en maints versets coraniques d’épreuves pour consolider la foi. Dieu demande même le sacrifice de la vie. Dans l’épisode où le couple Adam et Eve est invité à s’exiler sur terre, il leur est expressément dit : « Nous leur dîmes : "Descendez. L’un à l’autre vous serez ennemis. Vous trouverez sur la terre établissement, et jouissance pour un temps" Â» (1) . (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 36).



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