La philosophie des épreuves



« ... L’homme obtient seulement le fruit de sa tribulation (de ses efforts). Â» (Sourate Al-Najm (L'étoile) ; 53 : 39).

Dieu entend nos plaintes et Il prend plaisir à entendre les plaintes insistantes de ceux qui l’aiment et de ceux qu’Il aime. Il ne les récompense que mieux.

« Dis : "Si vous aimez Dieu, suivez-moi pour que Dieu vous aime et vous pardonne vos péchés". Dieu est Tout pardon, Miséricordieux. Â» (Sourate Âl ‘Imrân (La famille de 'Imrân) ; 3 : 31).

Nous avons donné ici un exposé rapide justifiant la thèse religieuse fondée sur une approche globale ou totale du problème de l’être dans lequel le mal n’est qu’un épiphénomène. Sur beaucoup de points que nous avons évoqués ici, les positions sont partagées grosso modo par toutes les religions et doctrines traditionnelles. Nous sommes loin des élaborations philosophiques qui ont exagéré la portée et la signification du mal au point de prôner des idées sceptiques ou d’élever le mal au rang d’essence même de l’être. Nous n'avons sûrement pas l'intention de dire que l’œuvre de certains philosophes soit elle-même un mal ! Loin de là ! Ils sont pour la plupart du temps des hommes sincères et bien intentionnés. Mais leur savoir basé uniquement sur la logique formelle aboutit à des conclusions qui laissent perplexe le croyant. Démontrer l’existence d’un être nécessaire n’étanche pas la soif du croyant pour qui Dieu ne fait pas de doute, et qui cherche bien mieux que de se rassurer de son existence, mais de se rapprocher de Lui.

Ibn 'Arabî conteste même l’être nécessaire des philosophes en écrivant : « Pourtant certains penseurs, dont Abû Hâmed (19) , prétendent qu’Allah peut être connu sans que l’on considère le monde, mais c’est là une erreur. Certes, on peut savoir qu’il y a une Essence principielle et éternelle, mais non que celle-ci est "Dieu" tant que l’on ne connaît pas ce qui est soumis à la fonction divine, et qui est l’"informateur" à son sujet. Â» (20) Comme on le voit pour Ibn 'Arabî, sans les « informateurs Â» c'est-à-dire les prophètes, on ne saurait pas ce qu’est Dieu, encore nos devoirs envers Lui et ce qu’Il attend de nous.

Le « mal Â» qui ne peut se définir que par des critères religieux n’est que l’élément décoratif de la scène où se joue la pièce de la rédemption des hommes. Il est nécessaire pour que les hommes aient du mérite à s’en libérer. Les grands hommes, les saints et les saintes ont montré que l’on peut s’en débarrasser, car il n’est que le bandeau que l’on met, pour un temps, sur les yeux de l’acteur pour le mettre au défi de reconnaître les lieux où il se trouve. Une fois surmonté, il s’évapore car « il est de sa nature de s’évaporer Â», comme dit le Coran : « La Vérité est venue et l’Erreur a disparu. Car l’Erreur est destinée à disparaître” Â» (21) (Sourate Al-Isrâ’ (Le voyage nocturne) ; 17 : 81).

Et faire disparaître le mal, comme par magie, est le miracle des hommes qui ont compris que le monde possède un double décor de vrai et de faux ou de réel et de néant, qu’il est la scène des épreuves et rien d’autre.

L’expérience de cette épreuve est d’ailleurs bien documentée par la littérature mystique dans laquelle sont consignés les enseignements des maîtres de la Voie. Ces enseignements servent aux novices comme des repères, auxquels ils comparent leur propre expérience.

Le combat des hommes pour triompher de l’illusion est le même au cours des âges, des civilisations.

Par rapport aux lois de la nature, les hommes ont mené le combat de la science et ont distingué entre la connaissance empirique et la connaissance scientifique. On pensait que le soleil tournait autour de la terre, on a rétabli la vérité : c’est la terre qui tourne autour du soleil. Même si nous avons gardé la poésie du lever du soleil, nous savons que c’est par illusion que le soleil se lève.



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