Eléments de Science du HadithDe même que les uléma des différentes écoles juridiques ont divergé sur la définition du Compagnon, ils ont divergé également sur la valeur juridique de la Sunnah du Compagnon. En effet, l'École d'Ahl-ul-Bayt a récusé la validité juridique de cette sunnah du Compagnon. La raison en est que les Compagnons eux-mêmes ont montré les contradictions qui existaient entre leurs conduites, leurs coutumes et leurs doctrines. Chacun d'eux avait une conduite, des actes et une doctrine propres à lui, et chacun d'eux ne se considérait pas comme ayant l'obligation de suivre la sunnah d'un autre Compagnon. Rappelons à cet égard le refus de l'Imam `Ali de s'engager à respecter la Sunnah de ses deux prédécesseurs, Abû Bakr et `Omar. En effet, selon les historiens, Abdul-Rahmân Ibn `Awf s'est réuni seul à seul avec `Ali Ibn Abî Tâlib après la mort de `Omar Ibn al-Khattâb et dit: «Tu dois t'engager devant Allah à nous gouverner suivant le Livre d'Allah, la Sunnah du Prophète et la conduite d'Abî Bakr et de `Omar, si tu étais choisi comme Calife». L'Imam `Ali se contenta de répondre: «Je vous accorde mon engagement à vous gouverner autant que possible selon le Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète». Puis Abdul-Rahmân se réunit de nouveau avec l'Imam `Ali et lui répéta la même proposition, et l'Imam `Ali donna la même réponse. Et lorsque Abdul-Rahmân Ibn `Awf revint à l'Imam `Ali pour lui répéter sa proposition pour la troisième fois, ce dernier lui dit: «Le Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète suffisent. Tu peux donc en tant que mujtahid, me dispenser de cette affaire...†Mais `Othmân Ibn `Affân contrairement à l'Imam `Ali accepta la condition de Abdul-Rahmân pour accéder au califat, sans pour autant respecter la sunnah de `Omar dans de nombreuses occasions, durant son califat. D'autre part, l'Imam `Ali, lorsqu'il accéda, enfin, au califat, opéra beaucoup de changements dans ce qui avait été adopté par son prédécesseur `Othmân. Il est donc évident, si l'on s'en tient à ces exemples illustres et révélateurs, que la Sunnah du Compagnon n'a pas une valeur d’obligation et ne constitue pas une source de la Loi et de la législation. La raison en est simple. La compagnie du Prophète ne confère pas au Compagnon l'infaillibilité et sa conduite reste exposée à l'erreur. L'histoire nous porte le meilleur témoignage à cet égard à travers les conflits sanglants et les guerres horribles qui opposèrent les Compagnons les uns aux autres et les erreurs que les uns relevèrent chez les autres. De même que les Musulmans divergèrent sur "l’argumentalité" de la Sunnah du Compagnon de même ils divergèrent sur la valeur d'argument de sa doctrine, à savoir ses décrets religieux et ses actes dont on ignore la référence ou le fondement. Certains uléma et imams d'écoles juridiques la considérèrent comme un argument juridique, d'autres refusèrent de lui conférer cette légalité.
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