Récit du martyr de l'Imam Hussein



- Soukeina s'approcha de son oncle Abbas. Une outre vide à la main. Derrière elle tous les autres enfants s'étaient rassemblés. Ils pleuraient, ils gémissaient, tant la soif les torturait. Soukeina tendit son outre à Abbas :

- Mon oncle, je sais que tu feras tout ce que tu peux pour nous apporter de l'eau. Même si tu ne peux remplir qu'une seule outre, au moins pourrons-nous mouiller un peu nos gorges desséchées !

Abbas prit l'outre plate, et demanda à l'Imam Hussein la permission d'aller chercher de l'eau pour les enfants. Ceux-ci le suivirent jusqu'à l'extrême limite du camp, et tant qu'ils purent voir sa silhouette, ils restèrent là, sans bouger.

- Son épée dans une main, l'étendard de l'Imam Hussein dans l'autre, et l'outre attachée sur son dos, le fidèle Abbas s'élança à bride abattue. Arrivé au bord du fleuve, il chargea les soldats qui se trouvaient là, et les mit en fuite. L'instant d'après il était dans l'eau jusqu'à mi-jambe ; l'instant suivant l'outre était remplie d'eau fraîche. Il recueillit dans sa main un peu du précieux liquide, pour le porter à sa bouche et apaiser la soif qui ne lui laissait pas de répit ; mais, se ressaisissant, il rejeta l'eau promptement. Comment pourrait-il en avaler une seule goutte alors que Soukeina et les enfants se mourraient de soif ? Comment pourrait-il oublier que son Maître Hussein n'avait rien bu depuis trois jours ?

- Son outre pleine, Abbas se remit en selle, avec une seule pensée : apporter aussi vite que possible cette eau aux enfants qui l'attendaient dans la poussière brûlante. En le voyant galoper vers le campement,

- les soldats de Yazid se dirent que si l'Imam Hussein et ses gens pouvaient se désaltérer si peu que ce fut, il serait difficile de les vaincre. Alors ils se ruèrent à sa poursuite. Abbas se battit comme se battait son noble père, l'Imam Ali, le Lion de Dieu. La faim et la soif terribles ne l'empêchaient pas de semer l'effroi dans les rangs ennemis.

Puisqu'il n'était pas possible de venir à bout d'un tel adversaire en le combattant de front, les hommes de Yazid lancèrent sur lui une grêle de flèches.

Abbas n'avait plus qu'un souci : protéger coûte que coûte l'outre et la porter intacte au campement. Un ennemi perfide, jaillissant tel un diable de derrière une dune de sable, porta un coup terrible tranchant net sa main droite. En un éclair Abbas saisi son épée de la main gauche, serrant l'étendard contre sa poitrine.

Le lion devenu infirme, les poltrons s'enhardirent. Ils vinrent plus près. encore plus près. Un coup d'épée blessa profondément le bras gauche. Abbas serra l'outre entre ses dents, coinça l'étendard entre sa poitrine et sa monture, et força le barrage. Il n'était plus habité que par la pensée de Soukeina et des enfants, qui avaient mis en lui tous leurs espoirs. Dans une prière silencieuse, il supplia Dieu de l'épargner le temps de mener à bien sa mission.

Mais cela ne devait pas être. Une flèche transperça l'outre. qui se vida en peu d'instants. Une autre se ficha dans l'Å“il du héros désemparé par l'échec de son entreprise. Un coup mortel fut asséné à Abbas par derrière, avec une massue de fer. IL chancela et tomba sur le sable brûlant. Sentant la mort approcher à grand pas, Abbas appela L'Imam Hussein... Comme en réponse à son cri de détresse, il sentit sa présence à ses côtés. IL ne voyait rien qu'un brouillard rougeâtre. car un Å“il avait été percé d'une flèche, et l'autre était noyé de sang. IL ne pouvait voir, mais il sentit son Maître s'agenouiller près de lui, et soulever sa tête, et la poser sur ses genoux. Aucun d'eux ne parla pendant plusieurs secondes car tous deux étaient brisés par l'émotion. A la fin, l'Imam Hussein rompit le silence, parlant d'une voix entrecoupée de sanglots :



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