Récit du martyr de l'Imam HusseinLes soldats virent l'Imam Hussein venir à leur rencontre. Comme il avait changé en un jour ! Comme il était devenu méconnaissable ! Son dos s'était voûté, ses cheveux et sa barbe étaient devenus presque blancs, tant il avait enduré de tourments et de peines depuis le matin. Ils voyaient qu'il portait quelque chose sous son vêtement. Un grand nombre pensait que ce devait être le Saint Coran, et qu'il souhaitait sans doute s'en remettre à l'arbitrage du Livre pour décider entre lui et Yazid. L'Imam Hussein approcha encore, jusqu'à ce qu'il soit certain que tous pourraient voir distinctement ce qu'il voulait leur montrer. Alors il sortit Abdallah et l'éleva à bout de bras. Il déclara d'une voix forte : - O soldats de Koufa et de Damas ! Je suis venu ici sur l'invitation des v6tres pour leur prêcher les Principes de l'Islam. Au lieu de nous traiter, moi et les miens, comme vos invités, vous nous avez trahis. Vous nous empêchez même de boire la moindre goutte d'eau depuis trois jours. Vous avez tué mes fidèles amis, mes neveux, mes frères. mon fils... Si dans votre esprit nous avons commis un crime impardonnable en refusant de nous incliner devant Yazid le dictateur, mon enfant que. voici, qui est encore un nourrisson. n'a commis aucune faute, lui ! Depuis trois jours il n'a reçu aucune nourriture. Il est en train de mourir de soif... L'Islam est la Religion que vous affirmez suivre, et c'est au nom de l'Islam que je vous conjure de donner à boire à cet enfant innocent. Je suis sûr que nombreux sont ceux parmi vous qui ont des enfants de cet âge. Je vous supplie, pour l'amour de vos enfants, de ne pas laisser celui-ci mourir de soif ! Les paroles de !'Imam Hussein, et la vue d'Abdallah mourant de soif, bouleversèrent ces hommes qui n'avaient pourtant pas hésité à massacrer des garçons de douze et quatorze ans. Certains ne pouvaient retenir des larmes. Plusieurs commençaient à chuchoter que l'on devrait demander à Omar fils de Saad, le commandant de l'armée, la permission de désaltérer l'enfant. L'Imam Hussein reprit : - Armée de Yazid ! Peut-être certains parmis vous craignent-ils que ma demande ne soit une ruse pour obtenir de l'eau pour moi-même, pour apaiser ma propre soif. Je vous jure que je suis incapable de ce genre de ruse ! Pour vous démontrer ma bonne foi, je suis prêt à vous confier mon enfant, pour que vous lui donniez vous-mêmes à boire. Ce n'est que lorsque vous l'aurez vous-mêmes désaltéré que vous me le rendrez. Je vais poser Abdallah par terre. Ainsi n'importe lequel d'entre vous pourra venir le prendre... En disant cela, l'Imam Hussein étala un morceau d'étoffe sur le sol et y déposa Abdallah. Son geste acheva de ramener des sentiments humains dans le cœur des soldats de Yazid. Plusieurs se rendirent auprès d'Omar fils de Saad. et lui dirent qu'il ne pouvait pas refuser un peu d'eau à un enfant à peine âgé de quelques mois. Omar se rendit compte que, s'il refusait, certains de ses hommes étaient prêts à se révolter contre lui. Il se tourna vers son archer Harmala. qui était un tireur d’élite : Harmala ! Voici pour toi l'occasion de gagner la reconnaissance du Calife Yazid ! Mets fin à cette situation qui ne saurait durer plus longtemps : montre-nous ton adresse en perçant la gorge de l'enfant ! Harmala imagina de quelles faveurs le prince ne manquerait pas de le gratifier lorsqu'il apprendrait comment il avait tiré Omar fils de Saad d'une situation embarrassante. Sans perdre une seconde, il se leva, prit son arc et ses flèches, et se posta au meilleur endroit pour viser sa cible. A la seconde même où il décochait sa flèche, l'Imam Hussein s'était baissé et avait reprit Abdallah dans ses bras. La flèche manqua son but. Harmala sortit une autre flèche de son carquois et visa soigneusement. Dans le lointain, il apercevait une femme, debout à l'entrée d'une tente... Sans doute la mère de l'enfant attendant. angoissée... Cela le troubla, et la deuxième flèche se perdit elle aussi dans le sable. Omar fils de Saad, qui avait vu les deux échecs de son meilleur archer, s'impatientait. La situation risquait de devenir critique pour lui. Quelques soldats. indignés de ce que l'on était en train de faire, commençaient à murmurer. Il fallait en finir, vite ! II fit à Harmala des promesses délirantes. Mais ce n'était pas la peine, car l'archer se sentait humilié d'avoir à deux reprises manquées sa cible. Il ajusta avec soin son tir, bloqua sa respiration, et sur de lui lâcha sa troisième flèche. Un jet de sang inonda le visage de l'Imam Hussein La flèche avait frappé avec tant de violence la fragile gorge du tout petit enfant qu'elle l'avait emportée dans sa course.
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