Récit du martyr de l'Imam Hussein- Madame, je suis la veuve de Hor. Mon époux était général dans l'armée de Yazid. Il commandait un millier d'hommes. Hier il est venu rejoindre votre frère et a combattu à ses côtés. Quelques-uns des soldats d'Omar fils de Saad ont craint que vous ne mourriez de faim et de soif, et de ne pouvoir vous conduire jusqu'à Yazid, comme celui-ci leur a ordonné de le faire. Ils m'ont demandé de les accompagner pour vous apporter à boire et à manger. -O ma sœur, répondit Zaynab. Nous avons tous une dette envers votre mari, qui a donné sa précieuse vie pour défendre Hussein Il était notre hôte, et nous n'avons rien pu lui offrir, ni à boire, ni à manger ! Zaynab se souvint de la promesse qu'elle avait faite à son frère, avant qu'il ne les quitte. Elle prit un broc d'eau et alla réveiller Soukeina. - Soukeina, mon enfant ! Il y a enfin de l'eau pour toi. Lève-toi ! Bois ! Rafraîchis tes lèvres et ta gorge desséchées ! - Ma tante, toi aussi tu es restée sans rien boire depuis des jours. Pourquoi toi-même ne bois tu pas - Bois, Soukeina ! Ni ton père, ni ton oncle Abbas, ni ton frère Akbar n'ont encore bu l'eau fraîche des sources du Paradis ! Ils attendent que tu aies d'abord étanché ta soif. Bois, Soukeina, pour qu'eux aussi puissent boire l'eau de Kawsar ! *** Après la mise à sac du camp de la Famille du Prophète, les officiers de l'armée de Yazid s'étaient réunis autour de leur commandant. Ils cherchaient un moyen d'assouvir leur soif de vengeance. L'un d'eux suggéra de faire piétiner les corps des Martyrs du camp de l'Imam Hussein sous les sabots des chevaux. Omar fils de Saad trouva l'idée excellente, et ordonna de la mettre à exécution. Mais plusieurs membres du clan des Beni Asad déclarèrent qu'ils ne permettraient pas que l'on profane de la sorte les cadavres de ceux des morts qui étaient leurs parents. D'autres soulevèrent la même objection à propos des compagnons de l'Imam Hussein, qu'ils soient ou non membres de leur tribu. Finalement Omar fils de Saad ordonna que seul le corps de l'Imam Hussein subirait ce traitement. On ferra spécialement de neuf pour cette occasion plusieurs chevaux. Quand les morts de l'armée de Yazid eurent été enterrés, quand les corps des Martyrs eurent tous été décapités, les cavaliers passèrent et repassèrent sur le corps de l'Imam Hussein, sur le corps de l'enfant préféré du Saint Prophète, sur le corps de l'un des deux Princes de la jeunesse du Paradis... *** C'est un soleil de la couleur du sang qui se leva sur le matin du 11 Moharrem. Etait-ce l'effet de la poussière qui emplissait l'air au-dessus de la plaine de Karbala ? Ou bien l'astre du jour avait-il honte de devoir éclairer le spectacle de la profanation des corps des Martyrs, de l'humiliation de la Famille du Prophète ? Ou rougissait-il de colère d'être le témoin impuissant de tant de bassesse et d’ignominie ?
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