LE SHIISME, PROLONGEMENT NATUREL DE LA LIGNE DU SAINT PROPHETE



effectivement, abû bakr s'adressa à eux (ançâr) et fit le discours suivant : «nous les musulmans emigrés (muhâjirine), étions les premiers à nous convertir à l'islam. les gens nous ont suivis. nous sommes la tribut du messager de dieu et nous descendons des plus honorables des arabes».

et lorsque les ançârs suggérèrent que le califat revînt alternativement aux ançâr et aux muhâjirine, abû bakr répondit : «lorsque le messager de dieu fut révélé, les arabes ne voulurent pas renoncer à la religion de leurs ancêtres. c'est pourquoi, ils s'opposèrent à lui et lui créèrent des difficultés. dieu désigne les premiers emigrés de sa tribu (du prophète) pour le croire. ils sont donc les premiers à adorer allah sur la terre. ils sont les fidèles compagnons du prophète et les membres de sa famille. ils ont plus que quiconque, le droit à sa succession. ne peut leur disputer ce droit qu'un injuste».

et lorsque, al-habbâb ibn al-munthir s'adressa aux ançârs pour les inciter à rester sur leur position en leur disant : «tenez bien ce que vous avez entre vos mains. les gens vivent sous votre ombre et sur votre terre. si ceux-ci (les emigrés) refusent(34), alors un prince à nous et un prince à eux».

omar ibn al-khattâb lui répondit: «jamais deux épées ne se réunissent dans un fourneau... celui qui nous dispute le pouvoir et la succession de muhammad, dont nous sommes pourtant les compagnons fidèles et la tribut, n'est peut-être qu'un faux, tendant au péché ou compromis dans une grande faute».(35)

le procédé de désignation d'un successeur, adopté par le premier et le second califes, l'absence de protestation contre ce procédé, l'esprit général qui prévalait le jour de la saqîfah chez les deux ailes rivales de la génération de l'avant-garde (les muhâjirine et les ançâr), la tendance manifeste des muhâjirine à limiter le pouvoir à eux-mêmes en en excluant les ançâr, leur insistance sur les conditions héréditaires, selon lesquelles la tribu du prophète avait la priorité dans la succession sur les autres arabes, la disposition de beaucoup d'ançâr à accepter l'idée de deux émirs (califes), l'un parmi les ançâr, l'autre parmi les muhâjirine, le fait qu'abû bakr a manifesté, le jour où il était porté au califat, son regret de n'avoir pas demandé au prophète à qui reviendrait la succession... tout cela montre d'une façon indiscutable que cette génération d'avant-garde de la ummah islamique - y compris le secteur qui a eu le pouvoir après le décès du prophète - ne pensait pas dans un esprit de choura et qu'elle n'avait pas une idée précise du système de choura. comment peut-on, dès lors, concevoir que le prophète ait oeuvré en vue de préparer les musulmans - au système de choura, et qu'il ait formé la génération de muhâjirine et d'ançâr pour qu'elle se charge de la direction de l'appel selon ce système, alors que nous ne remarquons aucune application consciente, ni aucune idée précise de ce système chez cette même génération! d'un autre côté, on ne saurait concevoir que le messager ait institué ce système et en ait défini la notion et la législation, sans s'appliquer à y préparer les musulmans.

il ressort de ce qui précède que le prophète n'a pas proposé à la ummah le système de chourâ, comme solution à sa succession. car il n'est pas possible normalement qu'un projet de cette importance ait pu être débattu d'une façon proportionnelle à son importance, et qu'il ne laisse aucune trace nulle part.

récapitulons pour mieux expliquer notre raisonnement:

a) - le système de chourâ était, de par sa nature, une nouveauté pour le milieu des musulmans de l'époque, milieu qui n'avait connu aucun régime gouvernemental structuré. il était donc indispensable de mener une campagne intensive d'explication sur ce thème, comme nous l'avons expliqué.

b) - le chourâ, en tant qu'idée, est une notion floue. pour l'appliquer, il ne suffisait donc pas de l'énoncer sans en expliquer les détails, les règles et les critères de nature à faire pencher la balance d'un côté ou d'un autre au cas d'un désaccord dans le choura, et sans préciser si ces critères devaient être fondés sur le nombre et la quantité ou sur la qualité et l'expérience. bien d'autres détails de nature à déterminer les différents aspects de l'idée de choura et à la rendre praticable et applicable directement après le décès du prophète, auraient dû être mis en évidence, si le guide de l'appel avait vraiment lancé et choisi cette idée pour résoudre la question de sa succession.

c) - le chourâ est, en vérité, l'expression de l'exercice du pouvoir, d'une façon autre, par la ummah, et de la détermination du sort du gouvernement par la concertation. il s'agit donc d'une responsabilité que doit assumer un grand nombre de citoyens, c'est-à-dire tous ceux qui sont concernés par le choura; ce qui signifie que s'il constituait une prescription canonique (légale), destinée à être appliquée après le décès du prophète, le plus grand nombre de ces citoyens auraient dû en être informés, étant donné qu'ils avaient le devoir d'y participer activement et que chacun d'eux y assumait sa part de responsabilité.



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