LE SHIISME, PROLONGEMENT NATUREL DE LA LIGNE DU SAINT PROPHETEles événements survenus après la mort du prophète ont prouvé que la génération des emigrés et des partisans ne possédaient pas de prescriptions précises concernant beaucoup de problèmes que l'appel devait rencontrer inéluctablement après la disparition du guide, et ce à tel point que le calife attitré et ses conseillers ne savaient pas exactement quel était le statut canonique (légal) à appliquer sur une grande superficie de territoires conquis par l'islam, et si ceux-ci devaient être partagés entre les combattants et devenir le legs pieux des musulmans. comment peut-on penser, dès lors, que le prophète affirme aux musulmans qu'ils conquerront les territoire de cyrus et césar, et qu'il confie à la génération des muhâjirine et ançâr la tutelle de l'appel et la responsabilité de cette conquête, sans pour autant les informer du statut à appliquer à cette grande superficie du monde sur laquelle l'islam s'étendra? pis encore, nous pouvons constater que la génération contemporaine du prophète n'avait pas d'idées claires et précises même sur des questions d'ordre religieux (cultuel), en l'occurrence la prière de morts. bien que cette prière constituât une pratique cultuelle que le prophète accomplit des centaines de fois n public et devant les foules qui assistaient aux funérailles et aux prières, beaucoup de compagnons ne semblaient pas croire à la nécessité d'en connaître la forme exacte, tant que le messager le faisait lui-même et en tant qu'ils pouvaient se contenter de le suivre passivement et pas à pas dans ses mouvements. la preuve en est qu'ils n'ont pas tardé à diverger sur le nombre de takbîr(45) dans cette prière. selon al-tahawî, citant ibrâhim: «le prophète a rendu l'âme et les musulmans n'étaient pas d'accord sur le nombre de takbir à prononcer sur la dépouille mortelle. l'un disait: "j'ai entendu que le messager de dieu faisait sept takbir", l'autre affirme: "j'ai entendu que le messager de dieu faisait cinq takbir". ils sont restés sur leur désaccord jusqu'à la mort d'abû bakr. et lorsque omar a accédé au califat et constaté ce désaccord, il en a été très peine. il a convoqué quelques compagnons du messager de dieu et leur dit: "vous, compagnons du messager de dieu, lorsque vous tombez en désaccord, les gens vous suivent dans ce désaccord, et lorsque vous vous mettez d'accord sur une affaire, les gens se mettez eux aussi d'accord. voyez donc sur quoi vous vous accordez!" c'était comme s'il les avait réveillés. ils ont dit: «vous avez bien raison».(46) cela confirme que les compagnons comptaient souvent sur la personne du prophète, de son vivant, et n'éprouvaient pas la nécessité d'assimiler les statuts et les concepts de la législation tant qu'il s'en occupait lui-même. peut-être objectera-t-on que le portrait, ainsi brossé, des compagnons - avec tout ce qu'il comporte de faits montrant leur incompétence de diriger l'appel - est en contradiction avec ce que nous connaissons tous: à savoir que l'éducation que le prophète avait donnée aux compagnons a enregistré un grand succès et permis de former une génération missionnaire merveilleuse! nous répondons à cette objection que le portrait réel que nous avons dessiné de la génération d'avant-garde ne s'oppose en rien à la haute appréciation que nous faisons de l'action éducative que le messager avait menée durant sa noble vie. car tout en croyant que l'action éducative prophétique constituait le modèle éducatif divin par excellence et l'exemple caractéristique de révélations missionnaires tout au long de l'histoire de l'action prophétique, nous estimons que pour parvenir à cette croyance et faire une appréciation juste du résultat de cette éducation, il faut éviter de dissocier ce résultat des circonstances et des péripéties de l'éducation, et de voir la quantité séparément de la qualité. pour nous expliquer, prenons l'exemple suivant. lorsque nous voulons apprécier l'aptitude d'un professeur qui dispense l'enseignement de la langue et de la littérature anglaises, nous ne nous bornons pas à examiner le degré de connaissance - en matière - auquel sont parvenus ses étudiants, mais nous devons tenir compte du nombre de cours qu'il leur a fait, du degré de leur connaissance en la matière avant le commencement de ces cours, du degré de leur éloignement ou de leur proximité des ambiances de la langue et de la littérature anglaises, de la somme de difficultés et d'obstacles exceptionnels auxquels l'opération de l'enseignement s'est heurtée, du but que le professeur avait fixé en enseignant à ses étudiants cette langue et cette littérature, du coefficient déterminé du résultat final de l'opération de l'enseignement en question par rapport à d'autres opérations d'enseignement. revenons au sujet de l'appréciation de l'opération éducative menée par le prophète. dans ce domaine, nous devons tenir compte de ce qui suit: 1)- la courte durée pendant laquelle le prophète a pu exercer son action éducative. elle ne dépasse pas deux décennies, en ce qui concerne les rares compagnons qui l'ont accompagné dès ses débuts, une décennie, pour la plupart des partisans, trois ou quatre ans pour les très nombreux musulmans qui se sont convertis au message islamique à partir de la réconciliation de hudaybiyyah et en passant par la conquête de la mecque. 2)- la situation antérieure dans laquelle vivaient ces compagnons sur les plans intellectuel, spirituel, religieux et comportemental avant que le prophète n'ait entrepris son action missionnaire, la naïveté, la spontanéité et le vide qui caractérisaient les différents domaines de leur vie. on n'a pas besoin d'une explication supplémentaire de ce dernier point, car il est évident; si l'on tient compte que l'islam ne consistait pas en une action de changement superficiel dans la société, mais en une transformation radicale et une restructuration révolutionnaire d'une nouvelle ummah; c'est dire combien était profond le fossé moral qui séparait la situation antérieure à l'action du messager et la situation nouvelle où il a entrepris son action. 3)- du fait que la période pendant laquelle le prophète diffusait le message était riche en événements, en luttes politiques et militaires sur différents fronts; c'est ce qui fait que la nature de la religion entre le messager et ses compagnons était différente de celle de la relation entre jésus christ et ses disciples, la première relation étant caractérisée par la position du prophète en tant qu'éducateur, commandant des campagnes militaires et chef d'État, la seconde par la position de jésus en tant que professeur et éducateur disponible et se consacrant à la formation de ses disciples.
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