LE SHIISME, PROLONGEMENT NATUREL DE LA LIGNE DU SAINT PROPHETE



on est donc habitué à voir mohammad bâqir al-sadr soucieux, avant tout, de confronter dans l'ensemble de son oeuvre l'acculturation et de lui opposer la charia(1) islamique constante et porteuse de tous les éléments mobiles et flexibles qui la rendent toujours vivante et conforme aux exigences de tous temps et de toutes circonstances.

or qui dit souci de la sauvegarde de l'islam, dit aussi souci de l'unité islamique, lequel n'a jamais fait défaut chez l'auteur du célèbre appel pathétique: «frère sunnite, frère chiite...», qu'il a lancé en irak à un moment où le sort de l'islam y était mis en jeu.

cela dit, faut-il considérer le présent ouvrage(2): "le chiisme: prolongement naturel de la ligne du prophète", comme une exception à la règle dans les préoccupations de l'auteur et le cheminement de son oeuvre? en écrivant ce livre, le mujtahid al-sadr ne risque-t-il pas de paraître partisan et de s'écarter de la ligne qu'il a toujours suivie, celle de l'islam universel et au-dessus de tendances et de courants?
vaines interrogations!
loin de remettre en cause l'unité et la continuité d l'oeuvre et des préoccupations de notre auteur, le présent ouvrage ne fait que les confirmer.

en effet, ici comme ailleurs, le principal souci de l'auteur reste la sauvegarde du message de l'islam, laquelle passe, comme nous l'avons dit, par son unité. mais l'unité islamique n'est pas un mot creux. il ne suffit de la prêcher pour qu'elle se réalise. l'unité islamique ne peut se faire que par la dissipation des malentendus et l'éradication des préjugés, des idées préconçues et des contre-vérités qui rongent le corps de la umma (la nation islamique). c'est justement à ce noble but que s'efforce d'atteidre al-sadr dans ce livre, au risque de déplaire à quelques esprits sectaires, soucieux plus de vénérer certaines traditions que de connaître la vérité du cheminement de l'expérience islamique.

aujourd'hui, beaucoup de musulmans s'interrogent sur les raisons de la décadence et du sous-développement de la umma, pourtant héritière du message divin le plus sublime, qui sacralise la recherche du savoir et de la science au point d'en faire un acte de dévotion!

certes, les sceptiques, les esprits malveillants et les détracteurs de la foi tentent d'attribuer cette décadence au message lui-même, en passant sous silence ses appels réitérés à l'acquisition des sciences, et ses incitations inlassables à la recherche du savoir. mais le croyant lui, qui est éclairé par a lumière de la foi et guidé par les enseignements du message, ne doit-il pas être assez lucide pour rechercher l'origine du mal et la cause du déclin dans les diverses déviations qu'a connues la ligne islamique tracée par le prophète (p) et dans la mauvaise application du message?

le malheur est que ces déviations se sont tellement enracinées (à force de se perpétuer, et à cause de continuelles campagnes de désinformation menées par les «prédicateurs de la cour» et reprises et consacrées - consciemment ou inconsciemment - par des «historiens» portés plus à rapporter des «témoignages» et des «documents», fussent-ils tendancieux, qu'à rechercher la vérité) que bon nombre de musulmans ne distinguent plus le vraie du faux, le légal de l'illégal, le fait du préjugé, dans les péripéties de la longue histoire de l'islam.

jadis, les différentes dynasties qui ont gouverné la umma au nom de l'islam, étaient plus préoccupés de la conservation du pouvoir que du respect scrupuleux et à la lettre, des préceptes du message. aussi, sachant que la légitimité islamique de leur règne était pour le moins douteuse, ont-elles tout fait pour maintenir les déviations et mieux, encourager la pratique de désinformation et de dénigrement à l'encontre du courant islamique chiite, puriste et légitimiste. mais aujourd'hui, alors que la umma a pris du recul vis-à-vis de cette passion sordide pour le pouvoir, et qu'elle éprouve un besoin impérieux de retour à la source et de retrouvailles avec la ligne islamique telle qu'elle fut dessinée par le coran et la sunnah du prophète (p), al-sadr nous propose ici de nous rappeler, dans un esprit purement islamique et loin de toute velléité de polémique ou de débat passionnel, quelques vérités évidentes, mais longuement ignorées et délibérément déformées.

la principale vérité sur laquelle l'auteur attire l'attention du musulman, concerne l'origine du chiisme. pour ce faire, il nous rappelle tout d'abord que du vivant du prophète, la première génération de musulmans - les compagnons - était répartie entre deux courants, quant à leur attitude vis-à-vis des décisions, des commandements et des recommandations du messager (p) - c'est-à-dire de la sunnah. un courant «suiviste»(3) se soumettait totalement aux faits et dires du prophète (p) et les considérait comme infaillibles; un autre, qui s'arrogeait le droit de les discuter et même de les contester. l'auteur dénomme le premier courant, «le courant de l'observance du texte »(4) (ou du culte du texte)(5), et appelle le second, «le courant de l'opinion prsonnel (ijtihâd) dans le texte»(6).

la différence entre les deux tendances va éclater au grand jour lors du décès du prophète (p). alors que le premier courant, celui de l' «observance du texte» estimait que la succession du prophète (p) était déjà résolue puisque celui-ci (p) en avait - explicitement et implicitement - confié le soins à l'imam ali (p), à travers beaucoup de hadith et notamment  «hadith al-thaqalayn» et «ghadîr khum», et que de ce fait les musulmans devaient s'en tenir au testament ou aux déclarations et recommandations du prophète (le texte); les tenants du second courant se sont réunis à la saqîfah pour choisir l'un d'entre eux comme successeur (calife) du prophète, invoquant pour cela le principe de chourâ.



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