La rencontre de Mûsâ (as) et de Khidhr (as) selon le Coran et les hadiths



A la suite des versets précédents de la sourate Al-Kahf (La caverne, sourate 18), Dieu dévoile les secrets cachés au cÅ“ur de ces événements : « Le bateau appartenait à de pauvres gens qui travaillaient sur la mer. J’ai voulu l'endommager, parce que, derrière eux, venait un roi qui s'emparait de tous les bateaux. Le jeune homme avait pour parents deux croyants : nous avons craint qu'il ne leur imposât la rébellion et l'incrédulité et nous avons voulu que leur Seigneur leur donne en échange un fils meilleur que celui-ci, plus pur et plus digne d'affection. Quant au mur : il appartenait à deux garçons orphelins, originaires de cette ville. Un trésor qui leur est destiné se trouve dessous. Leur père était un homme juste et ton Seigneur a voulu qu'ils découvrent leur trésor à leur majorité. Comme une miséricorde de ton Seigneur. Je n'ai pas fait tout cela de ma propre initiative : Voici l'explication que tu n'as pas eu la patience d'attendre ! » (versets 79 à 82). Après la séparation de Mûsâ (as) et de Khidhr (as), le maître divin se fait l’écho des secrets de ses actions que Mûsâ (as) n’a pas eu la patience de supporter. En réalité, le fait que Mûsâ (as) ait pu jouir de sa compagnie est le secret de la compréhension de ces trois événements étranges qui constituent la clef de bien des questions, la réponse à tant d’interrogations.

Le dessein de la brèche pratiquée dans la coque du bateau

Pour commencer, Khidhr (as) aborde le récit du bateau : « Le bateau appartenait à de pauvres gens qui travaillaient sur la mer. J’ai voulu l'endommager, parce que, derrière eux (warâ'ahum), venait un roi qui s'emparait de tous les bateaux. Â» (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 79) Ainsi, au revers de la face apparemment choquante de la brèche pratiquée dans la coque du bateau, se trouve un dessein important qui consiste à le sauver des griffes d’un roi inique, parce que ce roi se désintéresse des bateaux endommagés qui ne lui servent à rien. En résumé, cet acte consiste à sauvegarder les intérêts des pauvres gens et il devait être accompli. Le mot warâ’ / وراء / « derrière », n’a évidemment rien à voir ici avec la notion de lieu ; il s’agit d’une allusion au fait que ces gens allaient se trouver pris dans les griffes de ce tyran, alors même qu’ils l’ignoraient. Cette formulation est employée pour illustrer le fait que l’être humain ne voit pas ce qui se trame derrière ou après lui. En sus, lorsque l’être humain est menacé par un individu ou par un groupe, on emploie également l’expression « [Il est / ils sont] derrière / après lui Â» ; on dit par exemple : « Les créanciers sont après moi, et ne me lâchent pas. Â» Dans le seizième verset de la sourate Ibrâhîm (14), nous pouvons lire : « Il est tiré vers la Géhenne où il sera abreuvé d’une eau fétide. Â». L’expression warâ’ / وراء / « derrière », y est là aussi employée. ‘Allâmeh Tabâtabâ’î déclare : « Le mot warâ’ / وراء a pour signification ‘derrière’. Il s’agit d’un adverbe qui se trouve à l’opposé d’un autre adverbe signifiant ‘se trouver devant quelqu’un’, ce qui est rendu par qadâm / قدام et par imâm / امام. Cependant, le mot warâ’ / وراء s’applique parfois au lieu où un ennemi se cache alors que celui dont il est l’ennemi l’ignore, bien que dans ce cas-là, il ne soit pas derrière lui, mais face à lui. Il s’applique également dans une certaine mesure à une chose dont un individu se détourne et/ou à la chose qui occupe un individu en détournant son attention vers autre chose, et ce bien qu’elle ne soit pas derrière lui. Exactement comme lorsque quelqu’un se tourne vers la direction opposée à cette chose. Dieu le Très-Haut a utilisé les trois sens de ce terme. Il dit : ‘tandis que ceux qui convoitent [d’autres femmes] que celle-là (wara'a zhalika) sont transgresseurs.’ (sourate Al-Mu’minûn (Les croyants) ; 23 : 7). Il dit également : ‘Il n’a pas été donné à un mortel que Dieu lui parle si ce n’est par inspiration ou derrière un voile (min wara'i hijâbin)...’ (sourate Al-Shûrâ (La consultation) ; 42 : 51). Et Il dit aussi : ‘alors que Dieu les tient à Sa merci.’ C'est-à-dire "derrière eux (min warâ'ihim), Allah les cerne de toutes parts" (sourate Al-Burûj (Les constellations) ; 85 : 20). Â» En somme, le verset signifie : « Le bateau en question appartenait à des nécessiteux qui s’en servaient pour travailler en mer, ils en obtenaient quelques bouchées de pain, or il se trouvait là un roi qui usurpait les embarcations marines ; j’ai voulu l’endommager afin que ce tyran ne le convoite pas et s’en détourne. Â»

Par ailleurs, c’est le mot masâkîn / مساكين / « les pauvres Â» qui est ici employé. Or le pauvre n’est pas nécessairement un individu qui ne possède rien, ce mot peut au contraire être attribué à ceux qui possèdent des biens et une fortune mais qui ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins. Il est également possible que ce mot ne s’applique pas à eux en raison de leur pauvreté matérielle mais en raison de leur pauvreté de force, leur manque de puissance, car cette notion existe dans la langue arabe. Quant à sa racine, le mot miskîn / مسكين se rapporte à sukûn / سكون qui relève des notions de faiblesse et d’impuissance, ce qui est également valable dans ce cas-ci. Dans le Nahj al-Balâgha (33) , nous lisons : « Pauvre fils d’Âdam (as) ! … Un moustique le tourmente, un peu d’eau le fait s’étrangler et sa sueur empeste. Â»

Le secret de l’assassinat du jeune homme

Khidhr (as) s’emploie ensuite à dévoiler le secret du second événement, à savoir le meurtre du jeune homme : « Le jeune homme avait pour parents deux croyants : nous avons craint (khashînâ) qu'il ne leur imposât la rébellion et l'incrédulité. Â» (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 80). Un groupe d’exégètes citent également l’éventualité qu’il ne s’agisse pas d’un jeune mécréant et rebelle qui entraîne son père et sa mère hors de la voie droite, mais d’un jeune qui leur fait du mal et les tourmente à cause de sa mécréance et de sa rébellion. Cela dit, la première exégèse (34) semble plus plausible. Quoi qu’il en soit, ce savant a perpétré le meurtre de ce jeune homme, arguant l’événement déplaisant qui devait survenir concernant un père et une mère croyants, dans le cas où il aurait vécu. L’expression khashînâ / خشينا (nous avons craint que dans l’avenir survienne…) est une expression pleine de sens. Elle montre que ce savant se considère également responsable de l’avenir des autres, et n’est pas prêt à ce qu’un père et une mère croyants ne se trouvent en butte au malheur à cause de la déviation de leur jeune fils. D’ailleurs, l’emploi de l’expression khashînâ / خشينا (nous avons craint) a ici davantage le sens de « nous n’avons pas aimé Â», car pour un homme ayant ce savoir, cette connaissance et cette capacité, il ne saurait être question de peur. Autrement dit, c’est le dessein qui consiste à éviter un événement déplaisant qui fait que l’être humain, sur la base de l’amour, cherche à éviter un tel événement. Il existe également l’éventualité que ce mot signifie « je savais Â», car on rapporte d’Ibn ‘Abbâs les propos suivants : « Je savais que s’il devait rester, un tel événement déplaisant surviendrait pour son père et sa mère dans l’avenir. Â» ‘Allâmeh Tabâtabâ’î déclare : « L’objet de crainte (khashîyat / خشيت) est allégorique et consiste à éviter une chose par clémence et miséricorde. Il ne s’agit pas ici du véritable sens de cette expression qui désigne en fait un effet particulier sur le cÅ“ur (35) . Parce que Dieu le Très-Haut dit dans un verset : ‘Ceux qui transmettaient les messages de Dieu et qui le redoutaient, ne redoutaient personne en dehors de Lui.’ (sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 39). Aussi, la véritable signification de khashîyat / خشيت est interdite à Ses grands prophètes (as). Â» De même, il apparaît clairement que l’objet de la phrase : « qu'il ne leur imposât (yurhiqahumâ) la rébellion et l'incrédulité Â» est que le jeune homme tente son père et sa mère et, au moyen de l’influence morale, il les livre à la rébellion et à la mécréance, parce que le père et la mère éprouvent un grand amour pour leur fils. Cependant, la phrase : « et plus digne d'affection Â» que l’on trouve dans le verset suivant confirme jusqu’à un certain point que les termes « rébellion Â» et « incrédulité Â» sont en réalité deux précisions attribuées à irhâq / ارهاق (le fait d'imposer) et que, de ce fait, ce soit là encore deux qualités propres au jeune homme, et non à ses parents. Maintenant, pour savoir comment des pronoms pluriels peuvent s’appliquer à un seul individu, la réponse est claire, car ce n’est pas la première fois que nous voyons cela dans le Coran. De même, dans d’autres expressions arabes ou non-arabes, il arrive que pour parler de personnages illustres, on ait recours au pluriel. Ceci est dû au fait qu’ils ont généralement sous leurs ordres des individus chargés d’accomplir des actions à leur place : Dieu ordonne à Ses anges et les êtres humains à leurs subalternes.

Ensuite, Khidhr (as) ajoute : « et nous avons voulu que leur Seigneur leur donne en échange un fils meilleur que celui-ci, plus pur (khayran minhu zakâtan) et plus digne d'affection. Â» (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 81). Lorsqu’il dit cela, son dessein est le suivant : « qu’il soit meilleur que lui en termes de convenance et de foi, car face à la rébellion et à l’incrédulité du verset précédent, se trouvent la convenance et la foi. Ici, le mot zakât / زكات signifie « pureté Â», et comporte une signification étendue, qui englobe la foi et l’acte vertueux tant au regard des affaires spirituelles qu’à celui des affaires matérielles. Il se peut que cette expression soit une réponse à cette objection de Mûsâ (as) : « Tu as tué un homme innocent. Â» Voici maintenant qu’il dit : « Non, il n’était pas pur, et je voulais que Dieu leur donne à sa place un fils plus pur ! Â» Dans plusieurs hadiths rapportés dans différentes sources musulmanes, nous lisons : « A la place de ce garçon, Dieu leur donna une fille qui donna naissance à une lignée de soixante-dix prophètes ! Â»

Et lorsque Khidhr (as) dit : « et plus digne d'affection (aqraba ruhman) Â», cela désigne un être qui fasse davantage preuve de compassion, doté de l’esprit de famille, c’est pour cette raison qu’il ne veut pas laisser son père et sa mère livrés à la rébellion et à l’incrédulité. Penchons-nous à présent sur : « afin qu’il soit plus miséricordieux envers son père et sa mère Â». Ce propos ne s’accorde pas à la phrase aqrab minhu / اقرب منه, parce que l’on ne dit généralement pas « qu’il soit plus digne de compassion et d’affection Â». Aussi, la signification première convient mieux, elle confirme par ailleurs que : « il ne leur imposât la rébellion et l'incrédulité Â», qui se trouve dans le verset précédent, précise bien que le fils en question fait désobéir son père et sa mère, c'est-à-dire qu’il les entraîne vers l’insoumission et la mécréance sans toutefois les leur imposer. Quoi qu’il en soit, ce verset témoigne que la foi de son père et de sa mère a de la valeur auprès de Dieu, à tel point qu’Il juge nécessaire qu’ils aient un fils croyant et juste, et qu’Il leur fasse la grâce de le leur offrir. Or, le fils qu’ils avaient exprimait tout le contraire, aussi, Dieu ordonna qu’il soit tué afin que leur soit donné un autre fils, meilleur que lui, plus juste et plus enclin à la miséricorde.

Le mystère de la reconstruction du mur

Dans le dernier verset de notre discussion, le savant lève le voile sur le secret de sa troisième action, à savoir la reconstruction du mur. Il dit : « Quant au mur : il appartenait à deux garçons orphelins, originaires de cette ville. Un trésor qui leur est destiné se trouve dessous. Leur père était un homme juste et ton Seigneur a voulu qu'ils découvrent leur trésor à leur majorité. Comme une miséricorde de ton Seigneur. Â» (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 82). En d’autres termes : « En raison de la bienfaisance du père et de la mère de ces deux orphelins, j’étais chargé de reconstruire ce mur, de peur qu’il ne s’écroule, que le trésor n’apparaisse et qu’il ne soit découvert. Â» ‘Allâmeh Tabâtabâ’î nous indique : « Il n’est pas improbable que, d’après le style du verset, on puisse déduire que la ville mentionnée dans ce verset n’est pas la même que la cité dans laquelle se trouvait le mur écroulé, car si cette ville avait été cette même cité, il n’aurait pas été vraiment besoin de préciser que les deux orphelins s’y trouvaient Â». Aussi, il semble que les deux orphelins et leur tuteur ne se trouvaient pas dans cette cité. Le fait de nous informer que ces deux orphelins sont des garçons, qu’un trésor leur étant destiné se trouve sous le mur, et que si le mur s’écroule, le trésor sera découvert et perdu, ainsi que le père de ces deux orphelins était un homme juste, tout cela semble servir à la suite : « et ton Seigneur a voulu qu'ils découvrent leur trésor à leur majorité. Â» (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 82). Tandis que la phrase : « Comme une miséricorde de ton Seigneur Â» (ibid.) constitue la cause de cette volonté. Ainsi, la miséricorde de Dieu le Très-Haut se trouve être la cause de Sa volonté pour que les orphelins parviennent à leur trésor, et comme le fait de garder le trésor caché dépend de la reconstruction du mur, Khidhr (as) se trouve donc obligé de le remettre sur pied. Face à cela, l’origine de l’émanation de la miséricorde de Dieu se trouve dans la bienfaisance de leur père, maintenant décédé, qui a caché un trésor lui appartenant. La correspondance entre la bienfaisance du père des orphelins et un trésor enfoui pour ses fils a engagé de longs débats parmi les exégètes, car que Dieu le Très-Haut blâme l’action qui consiste à cacher de l’argent : « Annonce un châtiment douloureux à ceux qui thésaurisent l’or et l’argent sans rien dépenser dans le chemin de Dieu. Â» (sourate Al-Tawba (Le repentir) ; 9 : 34). Cependant, le verset qui fait l’objet de ce débat ne précise rien de plus qu’au pied de ce mur se trouve un trésor destiné à ces deux orphelins, ni davantage de preuves sur l’identité de celui qui l’a enfoui. En sus, à supposer que ce soit leur père qui l’ait enseveli, le décrire comme un homme juste apporte une preuve que le trésor en question, quel qu’il soit, ne correspond à rien de blâmable. Et si nous passons là-dessus, il est possible que le père juste de ces deux orphelins ait enseveli pour eux un trésor selon un principe licite. Cet acte n’est pas plus considérable que le fait de pratiquer une brèche dans la coque d’un bateau, alors comment ces deux actes correspondant à des ordres divins, peuvent-ils être licites ? Cela ne correspond-il pas nécessairement à une interprétation ? Ce verset prouve le fait que la bienfaisance de l’être humain peut produire un effet bénéfique à son héritier et apporter à son endroit félicité et bien, de même que le dit ce saint verset : « Ceux qui laisseraient après eux une postérité sans ressources et qui seraient inquiets à leur sujet, recourront à Dieu avec crainte et piété et ils prononceront une parole juste. Â» (sourate Al-Nisâ’ (Les femmes) ; 4 : 9) Ceci atteste que le bien présent chez le père et la mère influe sur le devenir de leur enfant. 



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