Les étapes de la voie mystique



 

Apprentissage et Exercice

« Puis il aura besoin de pratiquer des exercices. L’exercice vise trois objectifs : l’un est d’écarter du chemin tout ce qui n’est pas de Dieu, le deuxième de soumettre l’âme concupiscente à l’âme pacifiée, le troisième est de raffiner l’intériorité pour le rendre conscient. Â» Après l’étape de la volonté qui est celle du début de l’envol, vient celle de l’exercice et de la préparation de soi. Cette préparation de soi est appelée « exercice Â» (riyâzat), et signifie imposer la mortification à son âme. Dans certaines écoles réprouvées par l'islam, le châtiment corporel et la mortification sont la règle de base, au point qu’elle résume tout l’enseignement de ces écoles. L’exemple en est dans la pratique du Yoga en Inde. Mais dans le vocabulaire d’Avicenne, le terme riyâzat possède une acception propre. Dans la langue arabe, le terme désigne l’entrainement, et le dressage d’un cheval, spécialement le poulain, en lui apprenant les allures et autres techniques du dressage. Puis le terme a servi à désigner les pratiques sportives, comme c’est le cas de nos jours dans les médias de langue arabe. Mais auprès des maîtres spirituels, il continue à désigner l’entrainement et la préparation de l’esprit à recevoir la lumière de la connaissance parfaite.

Quoiqu’il en soit, c’est dans ce dernier sens que nous entendons ici le terme riyâzat, et cette préparation comprend trois objectifs. L’un de ces objectifs concerne l’élément externe, c'est-à-dire l’élimination des préoccupations et soucis qui sont cause de l’inattention et de la négligence. Le deuxième concerne la réorganisation des forces et facultés de manière à repousser les causes d’inquiétude et de troubles psychiques, et ce afin de dompter l’âme insoumise et de la transformer en âme tranquillisée. Le troisième concerne une sorte de changements qualitatifs au fond de l’âme, et que l’on appelle « raffinement du secret intime Â» de l’esprit.

« Le premier objectif s’obtient à l’aide de l’ascèse réelle. Au deuxième objectif, revient aussi un certain nombre de choses : l’adoration accompagnée de méditation, puis un chant mélodieux compatible avec les significations spirituelles qui suscitent la bonne concentration spirituelle. En troisième lieu, une parole porteuse de conseils recueillis auprès d’un locuteur au cÅ“ur pur, s’exprimant avec éloquence et clarté, d’une voie douce et pénétrante, et ayant les compétences d’un maître qualifié pour guider. Quant au troisième objectif, c'est-à-dire le raffinement de l’âme, la débarrasser de ses défauts grossiers, de ses excès, il peut s’obtenir à l’aide de pensées subtiles et pénétrantes, par l’amour accompagné de pudeur et de chasteté, à condition que ce soit un amour spirituel, pas un désir corporel ou lubrique, et aussi que le critère en soit la beauté et l’équilibre des qualités de l’aimé, et non pas la recherche du plaisir. Â»

Puis quand la volonté et l’exercice l’auront conduit à un certain degré, il sera sujet à des états d’extase, à cause du fait que la lumière de Dieu se lèvera sur lui, douce et réjouissante, comme des éclairs qui fulgurent puis cessent brusquement. C’est ce qu’ils appellent dans leur vocabulaire des « instants Â» (awqât, pluriel de waqt). Puis ces états de perte de soi se produiront avec plus de fréquence au fur et à mesure qu’il avancera dans ses exercices.

« Puis, il se familiarisera avec cet état qui le couvrira même hors de l’exercice. Il suffira qu’un simple regard sur une chose lui rappelle le monde divin pour qu’il soit envahi par cet état, presqu’au point de voir Dieu en toute chose. Â»

Il arrivera que ces états le dominent au point de lui faire perdre sa sérénité et de le perturber, ce qui ne manquera pas d’être constaté aussi par une personne qui serat présente à ses côtés. 

« Puis, ses efforts le conduiront à un état où « l’instant Â» se changera en « paix de l’âme Â», à cause de sa familiarité avec ces instants qui le perturbaient et qui deviendront désormais source de paix. Ce qui était un état de ravissement à soi lui deviendra désormais familier. L’éclair éblouissant lui deviendra un flambeau brillant. Il obtiendra ainsi une connaissance stable, comme s’il avait été de tout temps dans la compagnie joyeuse de Dieu. Lorsqu’il sortira de cet état, il tombera sous l’emprise de la perplexité. Â»

« Puis à ce stade, se manifesteront encore en lui les états qu’il tentent de contenir, comme la joie ou le dépit, de telle sorte que cela soit observable par un témoin qui sera proche de lui. Et si cette connaissance s’accroit de plus en plus, ses états cesseront petit à petit à se manifester. Quand le gnostique parvient à un stade de plus grande perfection, il réunit tous les degrés. Qu’il soit absent ou présent (son âme est dans un autre monde), il sera perçu dans le même état. Et s’il lui arrive de déménager, de changer de lieu, il s’installera encore parmi les gens. Â» 

Cette phrase me rappelle la parole de l’Emir des croyants, 'Alî ibn abî Tâleb (as) rapportée dans le Nahj al-Balâghah (16) , et dans laquelle il s’adresse à son disciple et compagnon Komayl ibn Ziyâd (17) , au sujet des amis de Dieu (18) (awliyâ Allah) qui existent à toutes les époques.



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