Imam HoseinSachant sans doute que la plupart des Kufites (les habitants de Kûfa) n'avaient pas vu personnellement al-Hussayn et ne connaissaient donc pas ses traits physiques, il dissimula son visage et se coiffa d'un turban noir lorsqu'il entra à Kûfa. Les habitants de cette ville l'ayant pris pour al-Hussayn, lui réservèrent un accueil chaleureux en scandant à son passage: «Bienvenu! Fils du Messager de Dieu...»(97) 'Obeidullah n'apprécia pas l'attitude des Kûfites et la joie qu'ils exprimèrent en le croyant al-Hussayn. Cet accueil et les comportements de la population lui permirent de jauger l'attachement de celle-ci à al-Hussayn, et l'impopularité de son commanditaire Yazid dans cette ville. Son compagnon Muslim Ibn 'Amr al-Bâhili, irrité par ce spectacle, et voulant couper court à la joie inopportunément exprimée par la population en faveur d'al-Hussayn, s'écria à son intention: «Reculez, c'est l'Emir 'Obeidullah Ibn Ziyâd».(98) Mais le malentendu demeura alors que 'Obeidullah et ses hommes se dirigeaient vers le Palais du Gouverneur encore occupé par al-Nu'mân. Lorsque le cortège parvint à «Je te conjure, par Dieu, de t'éloigner. Je ne te délivrerai pas le dépôt qui m'est confié, et je n'ai pas besoin de te combattre...».(99) 'Obeidullah Ibn Ziyâd garda le silence et continua de s'approcher du Palais. Al-Nu'mân, agité, observait l'arrivant et la foule. Il finit par reconnaître la véritable identité de l'étranger. Il ouvrit Le lendemain, à l'aube, il surprit la population en appelant, du Palais, à la prière. Lorsque les foules se rassemblèrent, il leur tint un discours dans lequel il faisait miroiter aux loyalistes du gouvernement, des perspectives alléchantes, et il promettait aux opposants un sort peu enviable. Il conclut son discours par ces termes menaçants: «Mon fouet et mon épée s'appliqueront sur quiconque aura désobéi à mes ordres...».(100) Puis il imposa aux assistants la charge ingrate d'espionner pour le gouvernement et de dénoncer les opposants, en les menaçant des plus sévères représailles s'ils refusaient de coopérer dans ce sens: « ... celui qui nous en amène (les opposants parmi ses connaissances) sera quitte... et celui qui ne le ferait pas, qu'il nous garantisse qu'aucune de ses connaissances ne s'opposera à nous. Autrement, il sera déchu de tous ses droits (civils et humains) et nous disposerons, à notre guise, de son sang et de ses biens. Quiconque aura trouvé parmi ses connaissances des gens recherchés par Amir al-Mu'minîn (Yazid) et ne l'aura pas dénoncé à nous, sera crucifié sur sa porte et sa famille sera privée de ses dons (allocations)».(101) En instituant la délation et en imposant l'espionnage quotidien et familial, en généralisant et en banalisant la répression, la torture et toutes sortes de pression, et en recourant aux pots-de-vin et aux attributions illégales, le pouvoir de 'Obeidullah put consolider sa position et passer à la contre-attaque en préparant une campagne de propagande, de dénigrement et de désinformation contre la Révolution d'al-Hussayn et de ses partisans. Dans ce climat de répression, de peur, d'incertitude et de doute, la position du représentant d'al-Hussayn, Muslim Ibn 'Aqil fut sérieusement ébranlée par la défection de ses partisans. Et on assista à un vrai retournement de la situation. Muslim Ibn 'Aqil fut contraint de changer sa méthode d'action et de se cantonner dans la clandestinité. Il changea d'adresse et quitta sa maison habituelle (chez al-Mukhtar Ibn 'Obeidah al-Thaqafi) pour s'installer secrètement chez le leader kufite des partisans d'Ahl-ul-Bayt, Hâni Ibn 'Orwah, loin des regards des autorités et de leur persécution. Mais le service des renseignements du gouvernement finit par connaître sa cachette. Les autorités décidèrent de frapper leur coup discrètement et d'éviter toute action de nature à provoquer des troubles qu'elles ne pourraient pas maîtriser. 'Obeidullah Ibn Ziyâd envoya chez Hâni Ibn 'Urwah une délégation qui l'invita à se rendre au Palais pour dégeler le froid qui marquait ses relations avec le nouveau gouverneur.
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