Imam Hosein2- Evaluant la victoire en termes de prise de pouvoir et de triomphe militaire, ils craignaient que l'entreprise d'al-Hussayn ne puisse pas assurer dans les circonstances actuelles une telle victoire. En revanche al-Hussayn ne considérait pas les choses en politicien ni en un simple homme politique avisé, mais en missionnaire ayant vécu dans le giron du Messager de Dieu et de l'Imam 'Ali, élevé dans une atmosphère de révélation et de prédiction, et investi d'une mission divine en tant qu'héritier du Prophète, continuateur de son action, et gardien du Message qu'il avait apporté. Il se préoccupait moins de l'issue immédiate de sa Révolution que de l'avenir d'un Message qui devrait s'étendre au restant de la vie de l'humanité. Ainsi, alors que les proches et les partisans d'al-Hussayn pensaient que sa présence constituait dans les circonstances actuelles une nécessité historique, al-Hussayn, lui, pensait que c'étaient le sacrifice de sa vie et son martyre qui s'imposaient et qui marquerait bénéfiquement tout l'avenir de la Umma. Alors qu'ils pensaient que l'incapacité d'al-Hussayn de balayer actuellement le régime omayyade par la force armée, devait l'inciter à reculer et à renoncer à la confrontation, al-Hussayn, lui estimait que faute de force armée et de solution militaire, il devait offrir son sang et sa vie, dont les échos traverseraient les horizons de l'histoire et susciteraient pour toujours l'esprit de martyre qui ébranlerait les trônes de tous les tyrans à venir et dont il voyait l'incarnation actuelle dans le régime omayyade. En un mot, alors que les interlocuteurs et amis d'al-Hussayn ne voyaient la victoire qu'en termes de conquête militaire, al-Hussayn, lui, considérait que la seule victoire valable consistait à ce moment-là à défendre à tout prix la vérité et à réorienter la marche de la Umma vers la voie que le Prophète lui avait tracée. On comprend dès lors pourquoi les raisonnements tenus par les interlocuteurs d'al-Hussayn qui lui demandaient de renoncer à sa marche vers Kûfa, et les réponses qu'il leur donnait paraissaient se situer sur deux ondes tout à fait différentes, et traduisaient en fait, la différence profonde des soucis et des préoccupations respectives des deux parties. Ainsi lorsque 'Abdullah Ibn Ja'far al-Tayyâr obtint de 'Amr Ibn Sa'ïd Ibn al-'Âç, représentant de Yazid à la Mecque la promesse de ne pas inquiéter al-Hussayn s'il restait dans cette ville, et qu'il parla de cette promesse à l'intéressé, celui-ci (al-Hussayn), lui dit: «J'ai fait un rêve dans lequel j'ai vu le Messager de Dieu, et reçu de lui l'ordre de faire quelque chose que je vais exécuter jusqu au bout». Lorsque son interlocuteur lui demanda quelle était la teneur de ce rêve, il répondit: «Je n'en ai parlé à personne, et je n'en parlerais pas jusqu'à ce que je rencontre mon Seigneur».(106) Il est clair qu'al-Hussayn loin de se soucier d'avoir la vie sauve, était conscient du sort qui l'attendait, et se préparait à affronter courageusement le destin que son grand-père et son père lui avaient prédit.
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