Imam Hosein



Al-Hussayn lança un dernier appel pour qu'on protège et défende les veufs et les orphelins de la famille du Prophète, dont les cris et les gémissements le touchèrent profondément:

«N'y a-t-il donc personne pour défendre la famille du Messager de Dieu? N'y a-t-il pas un monothéiste qui craint Dieu pour ce qui nous arrive? N'y a-t-il personne qui nous vienne en aide par amour de Dieu?»(139)

Son appel pathétique n'eut pour échos que les cris des femmes et les lamentations affligeantes des enfants. Il comprit qu'il restait seul ou presque dans ce champ de bataille où planait déjà le climat lugubre de la désolation. Il sentit venir son dernier moment. Aussi avant de livrer à l'ennemi le combat final, ses sentiments paternels connurent un dernier sursaut. Il fut pris d'un désir ardent de voir son fils cadet, 'Abdullah, un nourrisson, avant de le quitter pour toujours. Il s'approcha de la porte de la tente et demanda à sa soeur Zaynab de lui apporter l'enfant pour lui faire le baiser d'adieu. Lorsque Zaynab apporta son fils, il l'étreignit et voulut l'embrasser sur ses lèvres asséchées par la soif. Mais une flèche venant du camp ennemi atteignit la gorge du bébé et lui ôta la vie.(140) Quelle pouvait être la réaction, le sentiment, d'un père qui venait de voir assassiner son fils nourrisson entre ses mains, alors que l'ennemi pointait vers lui des milliers de flèches et de lances, et que ses femmes et enfants ainsi que ceux de ses compagnons tués, gémissaient de soif? Al-Hussayn ne s'effondra pas. Il ne fut guère ébranlé dans sa détermination. Il leva calmement les mains vers le ciel, et dit:

«Ce qui me console de ce qui vient de lui arriver, est le fait que Dieu en est témoin».(141)

A ce moment-là, son frère al-'Abbas, le seul survivant du massacre dont ses hommes furent victimes, vint le rejoindre. Tous deux montèrent sur leurs chevaux et se dirigèrent vers l'Euphrate pour apporter de l'eau aux femmes et aux enfants dont la soif attisée par un soleil brûlant et une chaleur insoutenable, devenait insupportable. Mais une charge de l'ennemi les obligea à se séparer, et al-'Abbas qui était le porte-drapeau se trouva entraîné vers le camp des Omayyades où il se battit jusqu'à la mort.(142) Al-Hussayn qui continuait à se diriger vers le fleuve fut attaqué lui aussi par un autre groupe de soldats voulant l'empêcher d'arriver à son objectif. Il fut atteint d'une flèche au menton. Il l'arracha et s'adressa à Dieu:

«Mon Dieu! Je me plains auprès de Toi de ce qu'on est en train de faire du petit-fils de Ton Prophète».(143)

Cette fois, il était vraiment seul. Il regardait autour de lui, les cadavres de tous ses combattants parsemés dans le champ de bataille, gisant dans le sang, mutilés. Mais qu'importe! Il portait sur lui l'épée de son grand-père, le coeur de l'Imam 'Ali et le drapeau de la vérité. Il brandit son sabre et se précipita sur l'ennemi qui l'entourait. Et voyant à ce moment-là les soldats omayyades investir les tentes en flammes, qui n'abritaient plus que femmes et enfants, il s'écria:

«C'est moi qui vous combats. Les femmes n'y sont pour rien. Je vous interdis de vous en prendre à ma famille tant que je serais vivant».(144)

Sur ce, il chargea de nouveau. Il reçut une flèche au cou, suivie d'une pluie de coups d'épées et de lances qui finirent par mettre fin à sa résistance héroïque et désespérée mais inlassable. Si la vie terrestre et la résistance d'al-Hussayn s'arrêtèrent là, la haine de l'un des principaux participants à cette tragédie, Chemr Ibn al-Jawchan, ne semblait pas encore assouvie. D'un coup d'épée haineux, il décapita le cadavre encore chaud, et porta la tête sur une lance jusqu'à Kûfa - où elle fut l'objet d'une exposition "itinérante" - avant de l'envoyer à ses commanditaires à Damas, d'où elle fut renvoyée à Karbalâ' pour reposer aux côtés du corps décapité. Après le massacre de la famille du Prophète et de leurs proches compagnons, suivra bientôt la cérémonie de la mutilation et de la profanation de leurs cadavres.

Les Veuves... les Orphelins et

la Mutilation des Cadavres

Le campement d'al-Hussayn fut dans un état de dévastation et de désolation terrible. Il offrait aux pilleurs et aux assassins un spectacle macabre. Partout des tentes brûlées et fumantes, des cadavres mutilés et démembrés, des femmes et des enfants assoiffés, effrayés et hébétés, des cris et des gémissements. Le corps décapité du petit-fils du Prophète gisait déchiqueté, dénudé, recouvert seulement de la poussière soulevée par la bataille, et du sang qui formait autour de lui une petite mare. Le nombre de martyrs du camp d'al-Hussayn s'élevait à soixante-dix-sept(145): soixante compagnons et dix-sept frères, cousins et neveux de l'Imam.



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