LE CHIISMEa ce propos, al-harawi, citant, dans son "tham al-kalam", yahiyâ ibn sa'd, a rapporté ce témoignage de abdullâh ibn dinar: «ni les compagnons ni les suivants (al-tabi'în)(42) n'enregistraient les hadith du prophète. ils se sont contentés de les apprendre oralement et de les mémoriser». selon "tabaqât" d'ibn sa'd, le deuxième calife (omar) réfléchissait pendant un mois sur la meilleure décision (ou attitude) à prendre vis-à -vis de la sunnah du prophète. il a fini par interdire de l'enregistrer. il s'en est suivi que cette sunnah, la plus importante référence de l'islam après le noble livre (le coran), reste pendant environ 250 ans à la merci du destin, risquant tantôt l'oubli, tantôt la déviation et tantôt la mort des «mémorisateurs» (hafidoun).(43) cela dit, comment peut-on concevoir, un instant, que les tenants de cette tendance naïve - encore s'il sagissait vraiment de naïveté - qui dédaignaient de poser des questions sur un problème avant qu'il ne se produise effectivement, et refusaient d'enregistrer les sunan(44) du prophète une fois celles-ci décrétées, soient compétents pour diriger le nouveau message, pendant l'étape la plus importante et la plus difficile de sa longue marche? pis, comment peut-on imaginer que le prophète ait pu laisser sa sunnah dispersée, sans enregistrement ni précision, tout en ordonnant à ses fidèles de s'y attacher? s'il préparait les musulmans vraiment à l'idée de choura, naurait-il pas été nécessaire de fixer la constitution du choura et de préciser sa sunnah afin que le choura suive une direction précise et déterminée, à labri des caprices. la seule explication rationnelle de lattitude du prophète n'est-elle pas que celui-ci avait préparé l'imam ali pour être la haute autorité et le dirigeant de l'expérience islamique après lui, en lui apprenant «mille chapitres du savoir» et en lui confiant l'intégralité de sa sunnah? car la seule exception à la règle ou à la tendance dominante les événements survenus après la mort du prophète ont prouvé que la génération des emigrés et des partisans ne possédaient pas de prescriptions précises concernant beaucoup de problèmes que lappel devait rencontrer inéluctablement après la disparition du guide, et ce à tel point que le calife attitré et ses conseillers ne savaient pas exactement quel était le statut canonique (légal) à appliquer sur une grande superficie de territoires conquis par l'islam, et si ceux-ci devaient être partagés entre les combattants et devenir le legs pieux des musulmans. comment peut-on penser, dès lors, que le prophète affirme aux musulmans qu'ils conquerront les territoire de cyrus et césar, et qu'il confie à la génération des muhâjirine et ançâr la tutelle de lappel et la responsabilité de cette conquête, sans pour autant les informer du statut à appliquer à cette grande superficie du monde sur laquelle l'islam s'étendra? pis encore, nous pouvons constater que la génération contemporaine du prophète navait pas d'idées claires et précises même sur des questions d'ordre religieux (cultuel), en l'occurrence la prière de morts. bien que cette prière constituât une pratique cultuelle que le prophète accomplit des centaines de fois n public et devant les foules qui assistaient aux funérailles et aux prières, beaucoup de compagnons ne semblaient pas croire à la nécessité d'en connaître la forme exacte, tant que le messager le faisait lui-même et en tant qu'ils pouvaient se contenter de le suivre passivement et pas à pas dans ses mouvements. la preuve en est qu'ils n'ont pas tardé à diverger sur le nombre de takbîr(45) dans cette prière. selon al-tahawî, citant ibrâhim: «le prophète a rendu l'âme et les musulmans n'étaient pas daccord sur le nombre de takbir à prononcer sur la dépouille mortelle. l'un disait: "jai entendu que le messager de dieu faisait sept takbir", lautre affirme: "jai entendu que le messager de dieu faisait cinq takbir". ils sont restés sur leur désaccord jusqu'à la mort dabû bakr. et lorsque omar a accédé au califat et constaté ce désaccord, il en a été très peine. il a convoqué quelques compagnons du messager de dieu et leur dit: "vous, compagnons du messager de dieu, lorsque vous tombez en désaccord, les gens vous suivent dans ce désaccord, et lorsque vous vous mettez daccord sur une affaire, les gens se mettez eux aussi daccord. voyez donc sur quoi vous vous accordez!" c'était comme s'il les avait réveillés. ils ont dit: «vous avez bien raison».(46) cela confirme que les compagnons comptaient souvent sur la personne du prophète, de son vivant, et n'éprouvaient pas la nécessité dassimiler les statuts et les concepts de la législation tant qu'il s'en occupait lui-même. peut-être objectera-t-on que le portrait, ainsi brossé, des compagnons - avec tout ce qu'il comporte de faits montrant leur incompétence de diriger lappel - est en contradiction avec ce que nous connaissons tous: à savoir que l'éducation que le prophète avait donnée aux compagnons a enregistré un grand succès et permis de former une génération missionnaire merveilleuse! nous répondons à cette objection que le portrait réel que nous avons dessiné de la génération davant-garde ne s'oppose en rien à la haute appréciation que nous faisons de laction éducative que le messager avait menée durant sa noble vie. car tout en croyant que laction éducative prophétique constituait le modèle éducatif divin par excellence et l'exemple caractéristique de révélations missionnaires tout au long de l'histoire de laction prophétique, nous estimons que pour parvenir à cette croyance et faire une appréciation juste du résultat de cette éducation, il faut éviter de dissocier ce résultat des circonstances et des péripéties de l'éducation, et de voir la quantité séparément de la qualité. pour nous expliquer, prenons l'exemple suivant. lorsque nous voulons apprécier laptitude d'un professeur qui dispense l'enseignement de la langue et de la littérature anglaises, nous ne nous bornons pas à examiner le degré de connaissance - en matière - auquel sont parvenus ses étudiants, mais nous devons tenir compte du nombre de cours qu'il leur a fait, du degré de leur connaissance en la matière avant le commencement de ces cours, du degré de leur éloignement ou de leur proximité des ambiances de la langue et de la littérature anglaises, de la somme de difficultés et d'obstacles exceptionnels auxquels l'opération de l'enseignement s'est heurtée, du but que le professeur avait fixé en enseignant à ses étudiants cette langue et cette littérature, du coefficient déterminé du résultat final de l'opération de l'enseignement en question par rapport à dautres opérations d'enseignement.
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