LE CHIISMEle malheur est que ces déviations se sont tellement enracinées (à force de se perpétuer, et à cause de continuelles campagnes de désinformation menées par les «prédicateurs de la cour» et reprises et consacrées - consciemment ou inconsciemment - par des «historiens» portés plus à rapporter des «témoignages» et des «documents», fussent-ils tendancieux, qu'à rechercher la vérité) que bon nombre de musulmans ne distinguent plus le vraie du faux, le légal de l'illégal, le fait du préjugé, dans les péripéties de la longue histoire de l'islam. jadis, les différentes dynasties qui ont gouverné la umma au nom de l'islam, étaient plus préoccupés de la conservation du pouvoir que du respect scrupuleux et à la lettre, des préceptes du message. aussi, sachant que la légitimité islamique de leur règne était pour le moins douteuse, ont-elles tout fait pour maintenir les déviations et mieux, encourager la pratique de désinformation et de dénigrement à l'encontre du courant islamique chiite, puriste et légitimiste. mais aujourd'hui, alors que la umma a pris du recul vis-à -vis de cette passion sordide pour le pouvoir, et qu'elle éprouve un besoin impérieux de retour à la source et de retrouvailles avec la ligne islamique telle qu'elle fut dessinée par le coran et la sunnah du prophète (p), al-sadr nous propose ici de nous rappeler, dans un esprit purement islamique et loin de toute velléité de polémique ou de débat passionnel, quelques vérités évidentes, mais longuement ignorées et délibérément déformées. la principale vérité sur laquelle lauteur attire lattention du musulman, concerne l'origine du chiisme. pour ce faire, il nous rappelle tout dabord que du vivant du prophète, la première génération de musulmans - les compagnons - était répartie entre deux courants, quant à leur attitude vis-à -vis des décisions, des commandements et des recommandations du messager (p) - c'est-à -dire de la sunnah. un courant «suiviste»(3) se soumettait totalement aux faits et dires du prophète (p) et les considérait comme infaillibles; un autre, qui sarrogeait le droit de les discuter et même de les contester. lauteur dénomme le premier courant, «le courant de l'observance du texte »(4) (ou du culte du texte)(5), et appelle le second, «le courant de l'opinion prsonnel (ijtihâd) dans le texte»(6). la différence entre les deux tendances va éclater au grand jour lors du décès du prophète (p). alors que le premier courant, celui de l' «observance du texte» estimait que la succession du prophète (p) était déjà résolue puisque celui-ci (p) en avait - explicitement et implicitement - confié le soins à l'imam ali (p), à travers beaucoup de hadith et notamment «hadith al-thaqalayn» et «ghadîr khum», et que de ce fait les musulmans devaient s'en tenir au testament ou aux déclarations et recommandations du prophète (le texte); les tenants du second courant se sont réunis à la saqîfah pour choisir l'un d'entre eux comme successeur (calife) du prophète, invoquant pour cela le principe de chourâ. ainsi, contrairement à ce que pourrait croire un profane ou un musulman non averti, c'est le premier courant, celui de l'«observance du texte» ou du «respect scrupuleux de la sunnah du prophète» qui constitue l'origine, le noyau et la base du chiisme.(7) par conséquent, la première constatation que lauteur nous invite à faire, c'est que le chiisme est né d'un courant islamique attaché au respect scrupuleux de la sunnah du prophète (p), et opposé à un autre courant islamique tendant à faire prévaloir son opinion personnellehé face aux directives prophétiques. après le décès du prophète (p), alors que le courant de l' «opinion personnelle face au texte du prophète» - celui de la saqîfah - accéda au pouvoir et devient de ce fait majoritaire dans la ummah; lautre courant, celui de l' «observance du texte» estima que le respect de la sunnah lui imposait l'obligation de considérer l'imam ali ibn abî tâlib (p) comme le successeur légitime du prophète (p), et devient - du fait de son opposition au pouvoir - le courant minoritaire au sein de l'état islamique. ainsi l'imam ali (p) et ses descendants dahl-ul-bayt se transformèrent peu à peu en symbole de lattachement à la sunnah prophétique et de la ligne islamique légitimiste. les partisans de cette ligne ou de ce courant islamique seront appelés les chiites (les partisans de al i(p). comme on peut le constater, les termes «sunnisme» et «chiisme» par lesquels on oppose généralement les héritiers respectifs des deux courants initiaux, ne correspondent pas à la réalité historique et sont improprement conçus et utilisés, surtout lorsqu'ils sont définis l'un par rapport à lautre ou l'un par opposition à lautre. en effet, on a généralement tendance à définir le chiisme comme le courant des partisans de l'imam ali (p) et le sunnisme comme la tendance des partisans de la sunnah. or, si l'on définit le terme «sunnisme», dérivé du mot «sunnah» comme lattachement à la sunnah, les chiites ont plus d'un titre de s'en réclamer et de le revendiquer. car, comme nous venons de le voir, la «raison d'être» du chiisme, c'est dabord l' «observance du texte» et le refus de s'en écarter; de là son opposition au courant de la saqîfah. ensuite les chiites ne sont les «partisans de ali (p)» que parce qu'ils sont attachés à la sunnah et que ce dernier symbolise, incarne et traduit cet attachement. c'est dire que lattachement à l'imam al i(p) est un trait secondaire et non essentiel du musulman chiite. il est subordonné à lattachement à la sunnah du prophète. enfin, faut-il rappeler que de même que l' «observance du texte» ne se limite pas, chez les chiites, à la désignation de l'imam ali (p) comme successeur du prophète (p), mais s'étend à toutes les stipulations de la sunnah, de même le recours à donc les appellations «sunnisme» et «chiisme» par lesquelles on désigne généralement les adeptes des deux courants originels précités, contribuent à entretenir le malentendu et les préjugés, à fausser la signification réelle de lattachement à la sunnah et à cultiver un terrain favorable à la propagation des contre-vérités. aussi faudrait-il assigner aux deux termes leur signification réelle qui correspond à la vérité des faits: le «sunnisme» peut être défini comme l'orthodoxie loyaliste, c'est-à -dire la tendance dominante et caractérisée par sa loyauté envers le pouvoir califal établi; par opposition au chiisme, courant légitimiste, considérant l'imam ali (p) (et la ligne qu'il représente) comme le seul successeur légitime et légal du prophète (p). cela étant dit, il convient de noter que sayyed mohammad bâqir al-sadr ne cherche guère à opposer dans ce livre le chiisme au sunnisme - dailleurs ce dernier terme n'y figure point - mais seulement de corriger la désinformation et dissiper les malentendus afin de permettre aux masses de musulmans de s'unir autour de la charia représentée par le coran et la sunnah auxquels elles sont toutes solidement attachées.
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