LE CHIISME2)- la sunnah du prophète et de la famille impeccable dahl-ul-bayt (du prophète), laquelle est inséparable du livre comme la dit le messager dans le hadith précité. quant au second courant des musulmans, lequel a penché vers l'ijtihâd au lieu du «culte du texte», il a décidé dès le décès du prophète, de confier «lautorité directoriale», chargée d'exercer le pouvoir, à des hommes choisis parmi les muhâjirine, selon des bases changeantes, souples et variables. ainsi abû bakr était porté au pouvoir, directement après la mort du messager, à la suite d'une concertation limitée dans le conseil de saqîfah. et enfin othmân a succédé à omar grâce à un testament de celui-ci, le désignant indirectement au califat. aussi cette souplesse dans les règles de laccession à la direction officielle de la ummah a-t-elle abouti, un tiers de siècle après la mort du prophète, à l'infiltration des «fils des relâchés (tulaqâ')» (ou libérés)(72) - qui avaient combattu la veille, l'islam - dans les centres de lautorités (le pouvoir). «lautorité directorial» (le pouvoir, le califat) des ahl-ul-bayt étant ainsi confisquée grâce à l'ijtihâd, il était difficile de laisser «lautorité intellectuelle» (idéologique) à ses héritiers légitimes (ahl-ul-bayt); car cela aurait permis à ces derniers de trouver les conditions objectives qui les conduiraient au pouvoir, et de réunir ainsi pour eux les deux autorités. mais d'un autre côté, il était également difficile de conférer des exigences de l'exercice du pouvoir. en effet, reconnaître la compétence de quelqu'un pour diriger le pouvoir et appliquer les lois, ne signifie en aucun cas qu'on ladmette du même coup comme imam spirituel et autorité idéologique suprême (en matière de connaissance de la théorie islamique) après le coran et la sunnah prophétique. car cet imamat(73) spirituel et idéologique exige un haut degré de culture, de connaissances générales et dassimilation de la théorie. or, il est évident que personne parmi les compagnons - les ahl-ul-bayt mis à part - ne pouvait y prétendre à titre individuel. pour cela, la balance de lautorité spirituelle restait oscillante pendant un certain temps. les califes continuèrent pendant longtemps à traiter avec alî en sa qualité d' «imam spirituel»(74), ou presque. aussi, le second calife, omar, répétait-il à plusieurs reprises: «sans alî, omar aurait péri. que dieu ne me confronte à un problème qui naie pas un abû-l-hassan(75)- l'imam alî- (pour le résoudre)(76)». après la mort du prophète (p) et au fur et à mesure qu'on s'éloignait de cet événement, et que les musulmans s'habituaient peu à peu à considérer lahl-ul-bayt et l'imam alî comme des hommes ordinaires et des «gouvernés», on a fini par ignorer leur position de «haute autorité spirituelle». mais cette position ne pouvant pas être vacante, elle fut conférée, non pas au calife au pouvoir, mais à l'ensemble des compagnons. et lautorité spirituelle dahl-ul-bayt n'étant plus de mise, de cette façon ahl-ul-bayt ont perdu pratiquement leur privilège divin, leur primauté spirituelle, et furent réduits à une part de lautorité spirituelle, en leur qualité de compagnon parmi les compagnons. et étant donné que les compagnons eux-mêmes étaient déchirés par des différends graves et des contradictions profondes qui les opposaient les uns aux autres et conduisaient parfois à des batailles, à l'effusion du sang, à latteindre à la dignité de ladversaire, à des accusations réciproques de déviation t de trahison, il s'en est suivi que diverses contradictions doctrinales et idéologiques apparurent dans le corps de la ummah, comme reflet des diverses contradictions à l'intérieur de cette même autorité spirituelle quavait créée l'ijtihâd. avant de terminer mon exposé, jaimerais attirer lattention sur un point dont l'explication revêt une tendance à scinder le chiisme en deux courants distincts: le chiisme spirituel et le chiisme politique, croyant que le premier est plus ancien que le second, et que, après la tuerie de karbalâ' où l'imam al-hussayn (p) fut assassiné, les imams dahl-ul-bayt (p), descendants de celui-ci, se sont désintéressés de ce bas-monde, ont renoncé à la vie politique et se sont consacrés à la prédication et aux pratiques cultuelles. or, cette distinction ne correspond pas à la vérité, car depuis sa naissance, le chiisme na jamais été une tendance purement spirituelle. mieux, il est né tel que nous lavons expliqué exactement lorsque nous exposions les circonstances de la naissance du chiisme - comme une thèse défendre la désignation de l'imam alî pour la poursuite de la direction spirituelle et sociale de la communauté islamique après la disparition du prophète. il n'est pas donc possible, vu les circonstances précitées, de séparer laspect spirituel de laspect social dans la thèse du chiisme, pas plus qu'on ne peut faire une telle distinction dans l'islam lui-même. le chiisme ne pourrait faire l'objet d'une telle distinction que s'il était vidé de son contenu, c'est-à -dire de sa qualité de thèse visant à sauvegarder lavenir de lappel après le prophète. car pour sauvegarder cet avenir, l'expérience islamique avait besoin et d'une autorité spirituelle - idéologique, et d'une direction socio-politique. en tant que successeur digne de poursuivre le rôle de ses trois prédécesseurs(77), à la tête du pouvoir, l'imam ali jouissait largement de lallégeance des musulmans à son égard, allégeance qui la conduit effectivement au califat après lassassinat du troisième calife, othmân. mais cette allégeance n'est ni chiisme spirituel, ni chiisme socio-politique, car le chiisme signifie: «la croyance à la thèse faisant de alî le successeur légitime direct du prophète, au lieu de trois califes qui l'ont précédé au pouvoir». elle est donc plus large que le vrai chiisme intégral, spirituel et socio-politique. c'est pourquoi, bien que le chiisme intégral fût développé dans le cadre de cette vaste allégeance, on ne saurait considérer celle-ci comme un exemple de chiisme partiel.
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