LE CHIISME



a propos de la protestation contre la décision de la saqîfah, al-tabarcî cite le témoignage suivant de abân ibn taghlib qui dit: «lorsque jai demandé à ja'far ibn muhammad al-sâdiq s'il y avait quelqu'un parmi les compagnons du prophète à s'être élevé contre lacte dabû bakr, il ma répondu:

- oui, il y en avait douze: khâlid ibn sa'd ibn abî waqqâç, salmân al-farecî, abû tharr al-ghifârî, al-muqdâd ibn al-aswad, ammâr ibn yâcir, buraydah al-aslami, parmi les muhâjirine, et abû haytham ibn al-tayhan, othmân ibn hanafi, khuzayma ibn thâbit thoul chahâdatayn, abî ibn ka'b, abû ayyûb al-ançârî, parmi les ançârites.

certes, on peut opposer à cette affirmation l'objection suivante: «si le courant chiite représente la fidélité au texte et que lautre courant représente le recours à l'ijtihâd, cela signifierait que les chiites refusent et rejettent l'ijtihâd. or, on sait que les chiites pratiquent toujours l'ijtihâd!»

la réponse à cette objection est que l'ijtihâd que les chiites pratiquent et considèrent du moins permis, sinon «conditionnellement obligatoire»(61), c'est l'ijtihâd dans la déduction d'un jugement à partir du texte, et non pas un ijtihâd dans le refus du texte lorsque le mujtahid en voit la nécessité ou en suppose l'intérêt. un tel l'ijtihâd n'est pas permis. le courant chiite refuse de pratiquer tout ijtihâd pris dans ce sens. lorsque nous parlons de deux courants apparus au début de l'islam, l'un prêchant «le culte du texte»(62), lautre partisan de l'ijtihâd, nous entendons par ijtihâd ici, l'ijtihâd dans lacceptation ou le refus du texte (c'est-à-dire le fait que mujtahid décide lui-même de l'opportunité ou de l'inopportunité de lapplication d'un texte dans une situation donnée)(63).

lapplication de ces deux courants est tout à fait naturelle, dans tout message radicalement révolutionnaire qui vise à changer dès les racines la réalité corrompue. car un tel message exerce des degrés d'influence qui varient selon lampleur des séquelles du passé, et le degré de ladhésion et de lallégeance de l'homme nouveau au nouveau message. de là nous pouvons alléguer que, dans le cas de l'expérience islamique, le courant du «culte du texte» représente le degré supérieur de ladhésion et de la soumission totale au message, sans pour cela refuser l'ijtihâd, si celui-ci se fait dans le cadre du texte, ni l'effort personnel en vue de déduire de celui-ci un jugement légal. il est important de noter à ce propos que le culte du texte ne signifie pas figement et raideur, lesquels s'opposent aux exigences de l'évolution et aux facteurs du renouveau dans la vie de l'homme. car, certes, comme nous lavons vu, le «culte du texte» signifie fidélité à la religion t son acceptation intégrale et non partielle; mais cette religion elle-même porte dans ses entrailles tous les éléments de la souplesse et de laptitude de sadapter aux changements des circonstances, ainsi qu'à toutes les formes du renouveau et de l'évolution que ces changements comportent. en conséquence, la fidélité à tous ces éléments et à tout ce qu'ils comportent d'esprit de création, d'invention et de renouveau.

telles sont les lignes générales de l'interprétation du chiisme, en tant que phénomène naturel né dans le cadre de lappel islamique, et de l'explication de lapparition des chiites comme une conséquence de ce phénomène naturel.

l'imamat dahl-ul-bayt (et de l'imam alî) que ce phénomène naturel représente, exprime deux autorités (références): lautorité intellectuelle (autorité en matière de la pensée) et lautorité directoriale (autorité en matière de laction dirigeante et de laction sociale). ces deux autorités étaient représentées dans la personne du prophète. aussi était-il inévitable que celui-ci prenne en considération les circonstances de la formation de l'expérience, et prépare, en conséquence, un successeur sain susceptible dassumer le rôle de ces deux autorités, afin qu'il puisse, en sa qualité dautorité intellectuelle, remplir les vides qui pourraient se créer dans la mentalité des musulmans, présenter la conception islamique appropriée et le point de vue islamique concernant toute nouvelle situation, expliquer les parties ambiguës du noble livre qui constitue la première autorité intellectuelle de l'islam; et afin qu'il (le successeur) poursuive, en sa qualité dautorité directoriale et sociale, la direction de l'expérience islamique dans sa ligne sociale.

en examinant les circonstances et les péripéties de l'expérience islamique, on peut constater que les ahl-ul-bayt étaient les seuls qualifiés à incarner ces deux autorités. les textes prophétiques venaient continuellement confirmer cette vérité.

le principal exemple de texte prophétique réaffirmant lappartenance de lautorité intellectuelle de lappel, aux ahl-ul-bayt, après la disparition du messager, c'est le hadith al-thaqalayn. dans un discours célèbre, le prophète (p) a, en effet, tenu les propos suivants: «je mapproche du moment où je serai appelé et où je devrai répondre à cet appel.(64) je vous laisse donc les thaqalayn (les deux poids)(65): le livre de dieu, lequel est une corde étendue entre le ciel et la terre, et ma famille, ahl-ul-bayt (les gens de ma maison). le doux(66) et le bien informé(67)ma appris qu'ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils reviennent à moi auprès du bassin(68). regardez donc bien comment vous vous y prenez».(69)

quant au principal exemple de texte prophétique concernant «lautorité» dahl-ul-bayt, en matière daction directoriale et sociale, c'est hadith al-ghadir qual-tabari a rapporté selon une chaîne (de transmetteurs) dont lauthenticité est unanimement admise et qui remonte jusqu'à zayd ibn arqam, selon ce hadith, le prophète (p) sadressant aux masses des musulmans dit :



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