LES DROITS (1)



Tous les mouvements sociaux qui surgirent depuis le 17e siècle en Occident tournaient autour de la liberté et de l'égalité. Et étant donné que le mouvement des droits de la femme était le dernier de la série, et que l'histoire du sort de la femme en Europe sur le plan de l'égalité et de la liberté était pleine d'amertume, la Déclaration des Droits de l'Homme des Nations Unies ne parla que de liberté et d'égalité.

Les protagonistes de ce mouvement maintinrent que celui-ci était complémentaire du mouvement des droits de l'homme. Ils soutinrent qu'il était insensé de parler de la liberté et des droits de l'homme sans assurer la liberté et l'égalité pour la femme. Ils affirmèrent en outre que la principale cause de tous les troubles familiaux tient au fait de la privation de la femme de sa liberté et de l'égalité de ses droits avec l'homme, et qu'une fois qu'on tiendrait compte de cette question, tous les problèmes seraient résolus.

Mais ce qui fut oublié dans cette affaire, c'est ce que nous avons considéré comme une question fondamentale concernant le système des droits familiaux, c'est-à-dire la question de savoir si ce système est indépendant ou non des autres systèmes sociaux, et s'il a ou non un critère et une logique différents. L'attention a été concentrée seulement sur les principes généraux de la liberté et de l'égalité, et le seul point pris en considération fut celui des droits humains naturels et indéniables, point à partir duquel on a argué que puisque la femme est un être humain, elle a droit à tous les droits dont jouit l'homme.

Or, dans certains chapitres de ce livre, nous traiterons pertinemment de la question de savoir de quelles sources sont dérivés les droits naturels. Et là, nous verrons que la base de tous les droits naturels est la nature elle-même. Ainsi, si l'homme a des droits spécifiques que ne possèdent pas un cheval, un mouton, un poisson ou un oiseau, cela est dû à sa nature et à la façon dont il a été créé. Si tous les êtres humains sont égaux en matière de droits naturels, et qu'ils doivent tous vivre librement, c'est parce que cela fait partie de leur création même. Les intellectuels qui défendent l'idée de la liberté et de l'égalité comme un droit inné, n'ont que cet argument à l'appui de leur thèse. Par conséquent en matière de droits familiaux aussi, nous devons être guidés par la nature elle-même.

A présent, voyons pourquoi on n'a pas accordé l'attention due à la question que nous avons soulignée comme fondamentale. Est-ce parce qu'il aurait été établi, à la lumière de la connaissance scientifique moderne, que la différence entre l'homme et la femme serait simplement organique, et qu'elle n'affecterait pas leurs êtres fondamentaux physiques et spirituels, ni leurs droits et obligations ?

En fait, c'est tout à fait le contraire.

 

En effet il a été établi, à la lumière de la recherche scientifique et des découvertes biologiques et psychologiques, qu'il existe des différences significatives entre les deux sexes. Nous allons discuter de cette question dans ce livre et citer les avis des biologistes et des physiologistes à cet égard. Il est surprenant que, malgré ce fait, la question fondamentale ait été ignorée. Peut-être l'ignorance de cette question vitale est-elle due au développement rapide du mouvement de la libération de la femme. C'est pourquoi, s'il a pu réparer certaines injustices dont la femme faisait l'objet, il a causé d'autres injustices, à elle et à la société humaine. Nous allons voir, dans divers chapitres de ce livre, que la femme occidentale était privée jusqu'au début du 20e siècle des droits les plus élémentaires, et que c'est seulement au début de ce siècle que les peuples occidentaux commencèrent à penser à y remédier. Et étant donné que le mouvement féminin a fait suite à tous les autres mouvements fondés sur "la liberté" et "l'égalité", on a chargé ces deux mots de la réalisation de tous les miracles, oubliant que l'égalité et la liberté ont trait aux relations entre les êtres humains en tant qu'êtres humains seulement. Il ne fait pas de doute que la femme, en tant qu'être humain, est née libre, comme tout autre être humain, et qu'elle a, de ce fait, des droits égaux. Mais la femme est un être humain avec certains traits particuliers, tout comme l'homme est un être humain avec certaines autres particularités. Les traits de leurs caractères sont différents, et leurs mentalités sont différentes. Cette différence n'est le résultat d'aucun facteur géographique, historique ou social, mais réside dans leur création même. La nature les a faits différents à dessein, et toute mesure prise à l'encontre du dessein de la nature aboutirait à des désastres. De même que nous nous sommes inspirés de la nature pour proclamer la liberté et l'égalité pour les êtres humains, de même nous devons nous guider sur la nature pour décider si les droits de l'homme et de la femme sont d'une même sorte ou de deux sortes différentes, et si la société familiale est, ou non, au moins une société semi-naturelle. La question de savoir si la bisexualité des animaux -dont les êtres humains- est un fait du hasard ou si elle fait partie du plan de la création, mérite quand même d'être posée. De même, il est intéressant de savoir si la différence entre les deux sexes est une différence superficielle et corporelle, ou si, comme le dit Alexis Carel, chacune des cellules de l'être humain porte un signe sexuel. La logique de la nature innée n'est-elle pas que l'homme et la femme portent chacun un message particulier ? Les droits sont-ils d'une même sorte, ou de deux sortes différentes ? La morale et l'éducation sont-elles de deux sortes ou d'une seule et même sorte ? La question doit être posée à propos des peines, des responsabilités et des messages.

Le mouvement de libération des femmes n'a pas accordé l'attention nécessaire au fait qu'à côté de l'égalité et de la liberté il y a d'autres questions qui se posent. Certes, la liberté et l'égalité sont deux points essentiels, mais ils ne sont pas les seuls, ni tout en tout. L'égalité des droits est une chose, mais leur similitude en est une autre. L'égalité des droits de l'homme et de la femme sur le plan de la valeur morale et matérielle est tout à fait différente de l'uniformité et de la similarité de leurs droits. Pendant la période de ce mouvement, le concept de l'égalité a été utilisé intentionnellement ou involontairement au sens de similarité, et la quantité a ainsi éclipsé la qualité. On a mis l'accent sur le fait que la femme est un être humain, mais on a oublié qu'elle est femme aussi.



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