La philosophie de l’Imâmat chez Mollâ SadrâSi les hommes passent outre ce principe, ils seront induits en erreur ou risqueront d’élire quelqu’un qui serait dépourvu de toute qualité – cela alors que la position de l’Imâm ne peut convenir qu’à l’être méritant, c'est-à -dire à celui qui a atteint le degré de compétence et de perfection lui permettant de mener à bien sa mission. N’oublions jamais que nous sommes dans le contexte de la révélation et que nous ne parlons pas d’un sujet laïc pouvant être traité indifféremment, selon le bon gré des électeurs. L’Imâm (as) a une fonction à l’égard de la prophétie. Il est le gardien du sens de la révélation. Il ne modifie pas la révélation, mais il en est l’interprète autorisé que Dieu a désigné aux hommes comme référent. Personne ne peut accéder à cette station même par un effort spirituel, encore moins par une ruse politique. Il ne s’agit pas seulement d’une station spirituelle, ce qu’elle est à l’évidence aussi, mais d’une fonction religieuse que Dieu a instaurée comme complément à la Révélation pour préserver celle-ci. Le croyant comprend que si Dieu a annoncé la fin du cycle de la prophétie avec le Prophète de l’islam, ce n’est pas pour abandonner les hommes à eux-mêmes, mais pour leur donner la bonne nouvelle de l’avènement de l’Imâmat, qui n’est pas une prophétie mais encore une fois une fonction religieuse de l’herméneutique, c'est-à -dire chargée de maintenir vivant le sens du Coran. Il ne s’agit pas seulement de protéger un livre matériel contre la corruption par les excès des hommes, mais surtout de protéger son sens en le gardant vivant. Ceux qui nient totalement l’Imâmat s’imaginent que le prophète et les Imâms sont apparemment des humains comme tous les autres et ils ne voient pas de raison de croire en l’existence d’une réalité supérieure spécifique. Par conséquent, l’Imâm doit être désigné nommément par le Prophète lui-même, ou par l’Imâm précédent pour éviter toute contestation ou erreur. 2. La fonction d’Imâm est attribuée par Dieu et ne s’obtient pas par le mérite, aussi reconnu qu’il puisse être. L’homme est un « monde total » (kawn-e jâme’) ; c'est-à -dire que tous les degrés de l’être lui sont potentiellement accessibles. Certains de ces degrés lui sont accordés sans qu’il les ait volontairement cherchés, comme lors de la traversée des étapes végétales et animales. Mais l’accès aux autres étapes supérieures est tributaire de l’exercice, de l’effort, de la préparation et de l’édification volontaire. Car sans effort et sans peine, la « deuxième naissance » et le transfert des étapes du monde matériel aux stations du monde des esprits séparés qui en sont les corollaires, est impossible. Cela est donc impossible excepté pour les « aimés » (mahbûb) et les « ravis » (majzûb) de Dieu dont le cheminement initiatique ne se base pas sur l’ascèse et l’effort, mais résulte de la bienveillance de Dieu et de Sa saisie (jadhba). Or, les prophètes et les saints font partie des bien-aimés de Dieu. L’Imâm Rezâ (as) a mis l’accent sur ce point. Et c’est en raison de cette « élection » ou de cette préférence divine dont ils jouissent que les hommes ignorants les ont jalousés. (40) 3. Sur la base de cette interprétation, l’explicitation de la fonction d’Imâm, ainsi que celle de la prophétie, il ressort que cette fonction n’est pas conditionnée par l’âge des personnes – il est arrivé au cours de l'histoire que des hommes vieillissants aient invoqué par mépris, le critère de l'âge pour écarter du pouvoir des jeunes plus qualifiés qu’eux pour la gestion des affaires – car l’éveil de l’Imâm et son éducation se font par un secours divin, une bienveillance et une saisie divines, et non par la voie de l’éducation ordinaire et de l’âge. L’Imâm Rezâ (as) a également commenté ce point. (41)
|