QUESTIONS DE SCIENCESles cheikhs soufis ne cessent de rappeler les commandements de la sounna. leurs ouvrages sont incrustés de concepts et préceptes, définissant la nature et les dimensions de cette haute " politesse " spirituelle. leur conscience est " actuée ", pénétrée foncièrement, du souci constant de s'aligner rigoureusement sur les normes de la chariya, à tous les niveaux cultuels, comportementiels, ou même temporels, préférant s'abstenir, en cas de doute et agir avec circonspection, tact et doigté, se sentant intimement contrôlés par dieu, dans toutes les instances. ils réagissent vivement contre tout écart de conduite ou de langage, grâce à la vivante créativité et à la forte concentration de leur coeur, imbu d'une pureté à toute épreuve. c'est là le cachet normal de tous les elus de dieu, quelles que soient leurs optiques ou leurs options. tout geste doit être bridé, sous les rênes de la sounna, avec une résignation, sans fatalisme, à la volonté suprême de dieu. on doit, ainsi, agir toujours, selon les normes psycho-discursives, abstraction faite des interférences de l'acte accompli, tout en ménageant certaines subtilités et susceptibilités impondérables, que seule une conscience purifiée, est à même de sentir et de concevoir. sur certains plans, une action peut s'identifier à une inertie, si on oublie d'en mesurer et peser toutes les latitudes. zarrouq, censeur des soufis, élaborateur du grand code mystique, conforté par la sounna, cite le cas du grand messager abraham – que dieu le bénisse – qui, jeté dans le brasier par nemrod, se vit intercepté par l'ange gabriel qui lui demanda : " abraham ! as-tu besoin de quelque chose ? " "pas de toi, mais de dieu", lui répondit-il. " invoque le donc. ! " et abraham de répliquer, dans un élan de confiance infinie en dieu: " la pleine conscience divine de mon état me dispense de toute invocation ! " le cheikh zarrouq essaie d'expliquer la nature de ce geste abrahamique, en précisant que c'est là , le comportement normal des elus qui ne conçoivent un retour à dieu, qu'après avoir épuisé exhaustivement, toutes les motivations psycho-somato-discursives. des anecdotes sont, alors, notoirement, citées, comme celle de la mère de moïse, plaçant le bébé par inspiration supérieure, sur un radeau en aval du nil, près du palais royal, pour être recueilli et adopté par pharaon. là , aussi, le mobile rationnel qui l'a incité à agir, est manifeste. mais, dans tout ce processus, la conscience servile du croyant pur, demeure le promoteur sublimement agréé, grâce à son catalyseur humain, actué par un élan esprit-raison, une double motivation. a savoiR : agir toujours, sans se soucier des impondérables coercitifs ou restrictifs appelés fatalité, et en se fiant à dieu, en dernier ressort, en cas d'empêchement dirimant. le coran dépeint spécifiquement ces deux approches, dans un verset proverbial : " quand tu auras pris la décision d'agir, (c'est-à -dire un ferme planning), fie-toi à dieu ". la transconscience humaine est, certes, façonnée, dans ses coins et recoins les plus intimes, pour se rallier au temporel rationalisé, en s'alignant humainement sur des concepts psychosomatiques. rien ne s'oppose au processus humain de causalisation. l'initié, tout en se fiant à la décision intangible de son seigneur, à son impératif actif, ne se défait nullement de ses initiatives agissantes. là , le subconscient corrobore le rationnel. en clôturant le cycle d'équilibration entre le conscient discursif et le subconscient, la psychologie, ainsi rationalisée, finira par réagir bénéfiquement à la thérapeutique spirituelle.
Q : " ni ma terre, ni mon ciel ne me contiennent, mais le coeur de mon serviteur, porteur de foi, me contient " dit dieu, à travers ce hadith sacré. quel enseignement ! R : il y a une autre version de ce " hadith " sacré, qui compare le coeur du croyant à un forum, marqué par une insufflation divine de douceur et de quiétude. les deux versions ne constituent, selon ibn el qayyim qu'un simple " athar " (tradition n'atteignant guère le degré d'un hadith) où le coeur du croyant, par une subtile parabole, est censé être pleinement convaincu de l'unicité d'allah, de sa connaissance, de son amour, de la foi en lui et en ses promesses. beaucoup de soufis le considèrent comme " authentique ", tel ghazzali dans son " ihya "; mais, dans son commentaire des hadiths rapportés par ghazzali, le grand connaisseur des hadiths (el'irâqi) considère ce " athar " comme apocryphe et le grand imam ibn taïmyya n'y voit qu'une pure création "israélite". il est donc dépourvu de tout " sanad " (chaîne de transmission) authentique. d'autres " mouhaddith " (commentateurs des hadiths) invoquent d'autres raisons qui lui retirent toute crédibilité. son acception réelle, dans le cas où on pourrait lui accorder un certain crédit, ne saurait dépasser cette explication , avancée par ibn el qayyim, sans aucune implication hérétique d'une quelconque " ittihad " (union créateur-créature), qui semble découler de ce vers de hallaj : " je suis ce que j'aime et ce que j'aime est moi-même ". il n'y a, là , qu'une marque de profonde unicité d'allah, ne comportant aucun élément implicite de " houloul " ou " ittihad " qui nierait toute existence de l'homme sur terre. c'est surtout la précarité de cette existence qu'on est tenté de considérer comme " néant ". ibn 'arabi lui-même s'est dit tenté de réduire en cendres les foyers de ceux qui prêchent l'inexistence de l'être humain. où est donc le " taklif " (responsabilité) du " moumin " ? dit-il. cette précarité a été prise, par certains, comme un signe de son " anéantissement ". ainsi, il ne s'agit, en fait, que d'une vision de virtualité, marquée par l'existence relativement passagère de l'homme sur terre, par rapport à l'unicité d'existence absolue et éternelle d'allah ; ce qui n'implique nullement une quelconque " fusion " ou " union " du relatif et de l'absolu, ni une dénégation de l'existence effective et non fictive de l'homme ; autrement, comment justifier - se demande ibn 'arabi – la responsabilité de l'être humain , dans ce bas monde ? tout cela veut dire, plutôt, - expliquent certains soufis -, " wahdat es-chouhoûd " et non " wahdat el oujoûd ", c'est-à -dire, une union virtuelle.
Q : y a-t-il en islam des connaissances secrètes, non révélées par le prophète ? R : le compagnon ali, gendre du prophète disait : " mon for intérieur est submergé de connaissance ; je ne trouve personne pouvant en assumer le fardeau ". ce grand savant, qualifié par le messager d'allah, comme le gardien de la " cité de la science prophétique ", ne cessait de répéteR : " ne dites aux gens que ce qu'ils peuvent comprendre ". ainsi, ali, dépositaire des secrets de la grande gnose de notre apôtre vénéré, se prévalait d'un savoir infini dont il ne trouva guère un digne porteur. abou horéïra, compagnon intime du prophète, affirme avoir puisé, dans la source des sciences apostoliques, deux sortes de connaissances; il n'est autorisé à en révéler qu'une seule, l'autre demeure un apanage inaccessible, dont la divulgation expose le récalcitrant à la peine capitale. la philosophie rationalisée affirme constamment que les extrêmes se touchent, intimement rapprochés l'un de l'autre; seul un initié est apte à en saisir discursivement cette réalité à deux bouts. c'est dans ce contexte subtil, que le grand imam al-jonéïd, promoteur d'un soufisme sunnite, basé sur une double source coranique et traditioniste , précisait bien que " nul ne pourra atteindre le grade sublime de la réalité, sans être taxé d'hérésie, par un millier d'hommes véridiques ". parfois, le relatif confine à l'absolu, répondant aux exigences d'une conformation psychosomatique où émerge le terre-à -terre de la norme humaine. chaque insufflation divine peut susciter un état, soit de béatitude, soit d'aise et d'espoir, soit de crainte. les prophètes vénérés, jean et jésus se sont rencontrés un jour, chacun d'eux se trouvait sous l'emprise d'une haute communion appropriée. l'un, mû par l'attribut de la domination astucieuse de dieu qui écrase et annihile, l'autre " actué " par la généreuse clémence. chacun se prévalait de l'attribut qui l'animait. deux attitudes superficiellement disparates, mais suscitées, chacune, par l'instant extatique, propre à l'un et à l'autre. apparemment opposés dans leurs options, les deux prophètes évoluent, pourtant, dans une étroite corrélation. c'est le cas de khadir (dit khidr) avec l'éminent messager moïse, semblant, d'après le coran, moins initié que son interlocuteur qui n'a point dépassé le grade de saint. pourtant, moïse se vit octroyer par dieu, durant les mille séances qu'il eut, de son vivant, avec lui, des flots de cognition ineffables. il ne faut donc guère se fier à certaines disparités externes. l'homme n'est pas toujours tel qu'il paraît l'être.
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