QUESTIONS DE SCIENCES
Q : souvent, hélas, des optiques littéralites nuisent à l'esprit du coran. certains affirment, même, haut et fort, que l'ésotérisme coranique est inexistant. existe-t-il, selon vous, des preuves canoniques qui invalident cette idée ?. et, si c'est le cas, pourriez-vous nous citer quelques exemples révélateurs de ce fameux " sens caché " ? R : l'ésotérisme coranique a pour assise la sourate dite al-anfâl, les dépouilles (verset 29) où allah dit: " o vous qui avez cru ! si vous craignez pieusement dieu, il vous donnera un pouvoir de discernement ". cette sourate est explicitée par une autre dite de la répudiation, verset 2, qui souligne : " celui qui craint pieusement, dieu lui aménage une issue ". cette science ésotérique infuse, qu'allah insuffle dans le coeur du croyant sincère, comporte deux phases ou étapes: la première est la source de l'initiation comportementielle, identifiée à un humanisme social, qui régit les rapports entre les hommes; mais, il s'agit, là , d'un humanisme qui vise l'épanouissement interne de l'être, car il touche les élans du for intérieur et le conditionnement conscient ou inconscient de ses réactions : autant d'éléments qui définissent la foi. quant à la seconde phase, degré sublime de " l'initié connaisseur " ('arif), elle est une mise en contact avec une sorte d'introspection ou " observation de la conscience par elle-même ", comme diraient certains théosophes. véritable lumière, émanant d'un coeur purifié, dans lequel se projettent quelques flashs de la lumière divine; il s'agit de la " firâça " du moumin, définie par un hadith du prophète comme " source de la connaissance ". abou horeïra, compagnon du messager d'allah, nous rapporte un hadith, cité par " boukhari ": " le prophète m'a inculqué deux sortes de connaissance dont je ne peux révéler qu'une seule ; la divulgation de l'autre est susceptible de m'être fatale "; le hadith fait allusion à un certain savoir occulte, infus, insufflé dans l'âme dépurée, qui n'est souvent pas conforme aux données littérales et dont la révélation troublerait les esprits. " abou hodhéïfa ", autre compagnon du prophète, avait reçu de celui-ci, un thesaurus de connaissances qu'il tient en strict secret. ali, gendre du prophète, qualifié de creuset de la connaissance mohammadienne, disait: " que de savoir comporte mon coeur ! hélas, je ne trouve guère un réceptacle digne de le recevoir ; si j'avais voulu, je vous aurais inculqué – dit-il encore – sur la fatiha (première sourate du coran), des connaissances dont le poids équivaudrait à la masse pesante de soixante dix mules" ; et il enchaîne cet adage si sage: " ne dites aux gens que ce qu'ils peuvent comprendre ". c'est, là , le secret de ce " sens caché " des connaissances ésotériques du coran ou de la tradition authentique du prophète. un hadith, figurant dans la chaîne de transmission mystique, fait évoluer ce " sens caché ", jusqu'à ce que cette vision transcendante se répercute sur les coins et les recoins les plus intimes des soufis. l'initié, lors de ses stades et états hiérarchiques, empreints parfois, d'épiphanies et de contemplation extatique, donne libre cours à l'ouverture. alors, le " mourid " entrevoit certains signes de la réalité cosmique, à travers un voile épais qui, en transcendant, devient transparent, pour finalement déboucher sur la " moukâchafa "; là , le rideau se lève entièrement, par aboutissement final à la " vision directe ". il est à noter qu'un processus similaire, sans transcendance, se profile, sous un voile métaphorique, chez les profanes. le langage du coeur est allusif. quand on essaie de le traduire expressivement, il s'obscurcit, s'occulte et s'offusque.
Q : la raison peut-elle concevoir que toute adoration est en fait amour du dieu unique, même si l'amant n'a pas conscience que ce qu'il adore n'est autre qu'épiphanie de la réalité divine ? R : l'amour, depuis des temps immémoriaux, était passionnément attaché à une divinité dont la nature s'est transcendée dans l'esprit de l'homme, d'une conception affective terre-à -terre, à une omnipotence " maîtrisante ", vers une essence sublime d'un etre supérieur, qui créa l'homme et son ambiance terrestre, par amour. l'adoration que l'être humain identifie à un culte rendu à dieu, procède d'un amour pour un etre éminemment généreux. un hadith du prophète précise bien que "le croyant doit aimer allah, pour les biens infinis qu'il lui octroie". mais, pour les soufis bien initiés, il s'agit là , d'un état vulgaire, car l'amour véritable n'est pas conditionné. bien mieux, cet amour est voué foncièrement à une divinité dont l'essence transcendante est inaccessible à l'esprit humain. l'amour, certes, procède de la connaissance de l'aimé, mais, là , la véritable connaissance d'allah, s'identifie à "une conviction indélébile et à l'incapacité de l'homme de le connaître". c'est un adage formulé par le premier khalife abou bekr es-siddic, repris par pascal. l'homme ne saurait, ainsi, accéder à cette connaissance qu'à travers les manifestations épiphaniques de la réalité divine, d'où cet amour conséquent que les créatures humaines doivent se vouer les unes aux autres, simplement par amour du créateur. ceux qui adorent les idoles, n'y voient, au fond, qu'une épiphanie d'une réalité supérieure. dans tout amour qui anime un fidèle sincère, un véritable initié, vis-à -vis de dieu, le moi n'existe plus, car tout ego éloigne d'allah. autant cet amour est véritablement adéquat, autant il est dégagé, et intrinsèquement dépourvu de tout sentiment d'aspiration aux dons et miracles éventuels, qu'allah n'accorde, que rarement, à ceux qu'il affectionne. quand allah aime un de ses elus, il ne lui concède aucun pouvoir exceptionnel, qui pourrait être, pour lui, un mobile de vaine gloriole, d'une défaillance de l'aimé dans la mémoire de l'amant, oubli ou négligence mentale, source de perdition. l'initié est constamment vigilant. il est bien conscient que satan est toujours aux aguets, dans la sournoise expectative d'une déviance de l'elu, qui adore allah, mû par son amour. c'est là , un état exceptionnel pour l'initié, à la merci des épreuves. les autres êtres humains sont constamment attachés, par attirance spontanée, à la rentabilité de leurs actes cultuels, mais dans le cas d'une sublime initiation, le 'arif "connaisseur" n'est aimé que conséquemment à un amour provenant d'allah. un verset du coran affirme que cet amour du 'arif, pour son seigneur, n'est que le résultat d'un amour qui lui est voué par dieu (sourate 5, verset 54). les initiés savent bien que toute invocation d'allah, pour être exaucée, doit être sincère et désintéressée. " l'intégrité et la droiture de l'initié, prévalent sur un millier de miracles " dit le grand maître sidi ahmed tijani. les" wali" (élus) considèrent ces miracles comme des menstrues, sources d'impuretés. même sur un plan socialement profane, l'amour maternel désintéressé est d'autant plus plausible qu'il est naturel et spontané. si, même, dans une conjoncture anormale, un père ou une mère croient faussement à la filiation propre d'un enfant qui, réellement, n'est pas le leur, ils lui vouent le même amour. c'est un état déterminé par le sentiment, plus que par la réflexion. la foi elle-même n'est autre chose qu'un amour de dieu, secouant le for intérieur de l'amant, l'illuminant, assurant sa transcendance. le moi est alors éliminé, et l'amant est ramené à l'état du "fana" (extinction) où il ne se reconnaît plus, éteint dans le soi de son bien aimé. la transcendance vers allah est une voie d'amour. en réalisant son propre être, en communion parfaite avec l'etre, le 'arif, qui aura accédé à la grande ouverture, redeviendra lui-même, en réintégrant, par un amour plus intense, son état normal de subsistance "baqâ" où il incarnera l'homme universel parfait "el insà n el kâmil ", miroir pur où allah se reflète par amour, à travers ses noms et attributs.
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