CHIISME DANS L’ISLAM



Quand à la théologie, Kalâm, il est clair que dès le début, quand les shi'ites se séparèrent de la majorité sunnite, ils se mirent à débattre avec leurs opposants au sujet de leur point de vue particulier. II est vrai qu'un débat a deux côtés et que les deux partis y prennent part. Toutefois, les shi'ites prenant l'initiative, passèrent continuellement à l'offensive, alors que l'autre parti se tint sur la défensive. Dans le développement graduel du «Kalâm»,qui atteignit son apogée au 2ème/8ème siècle, avec l'expansion de l'école mu'ta-zilite, des savants shi'ites et des hommes de science, disciples de l'école de la famille du Prophète furent au nombre des maitres les plus célèbres du Kalâm (2). Qui plus est, la chaine des théologiens du monde sunnite, qu'ils soient Asharites, Mutazilites, ou autres, remonte au premier Imam des shi'ites, Ali.

Quant à la philosophie (3), ceux qui connaissent les dits et les œuvres des Compagnons du Prophète (parmi lesquels 12.000 furent enregistrés) savent qu'on n'y trouve pratiquement aucune discussion sérieuse de questions philosophiques. Seules les admirables paroles métaphysiques d'Ali contiennent la pensée philosophique la plus profonde.

Les Compagnons et les savants qui les suivirent, et en fait les Arabes de cette époque en général, n'étaient pas habitués à la libre discussion philosophique. Il n'y a aucun exemple de pensée philosophique dans les ceuvres des savants des deux premiers siècles. Seules les paroles profondes des Imams shi'ites, du premier et du huitième en particulier, contiennent un trésor inépuisable de méditations philosophiques. Ce sont eux qui familiarisèrent quelques-uns de leurs élèves avec cette forme de pensée.

Les Arabes ignoraient la pensée philosophique, jusqu'à ce qu'ils en connurent des exemples au 2ème/8ème siècle, par la traduction de certaines Å“uvres philosophiques en Arabe. Plus tard, pendant le 3ème/9ème siècle, de nombreux écrits philosophiques furent traduits en Axabe à partir du grec, du syriaque et d'autres langues et à travers ces écrits, la pensée philosophique atteignit un vaste public. Pourtant, la plupart des juristes et des théologiens ne considérèrent pas la philosophie et les autres sciences intellectuelles nouvelles venues favorablement. Au début, grâce à l'intérêt que les autorités portaient aux sciences, leur opposition n'eut pas d'effet considérable. Mais les conditions se modifièrent rapidement et des ordres très stricts conduisirent à la destruction de nombreuses Å“uvres  philosophiques. Les Epitres des ((Frères de la Pureté», Å“uvre d'un groupe d'auteurs inconnus, constituent un rappel de ces jours et attestent des conditions défavorables de cette époque. Après cet période difficile, la philosophie fut revivifiée au début du 4ème/10ème   siècle   par  le  célèbre  philosophe, Abu  Nasr al  Farabi.  Au 5ème/11ème siècle grâce à l'Å“uvre du très célèbre philosophe Ibn Sina (Avicenne), la philosophie péripatéticienne atteignait son plein épanouissement. Au 6ème/12ème siècle le cheikh Shihab al Din Sohrawardi systématisa la philosophie de l'Illumination (Hikmat ul ishiaq), ce qui lui valut d'être exécuté sur l'ordre de Salah-el Din Ayyubi. Par la suite, la philosophie cessa d'exister dans la majorité musulmane sunnite. II n'y eut plus de philosophe de marque, sauf en Andalousie, aux confins du monde islamique où, à la fin du 6ème/12ème siècle, Ibn Rushd (Averroês) chercha à faire revivre l'étude de la philosophie (4).

3- Les contributions shi'ites à la philosophie et aux sciences rationnelles

De même qu'il joua dès le début un rôle effectif dans la formation de la pensée philosophique islamique, de même le shi'isme fut un facteur essentiel dans le développement ultérieur et la diffusion de la philosophie et des sciences islamiques. Si la philosophie s'éteignit dans le monde sunnite, après Ibn Rushd, par contre elle survécut dans le shi'isme. A la suite d'Ibn Rushd, apparurent de brillants philosophes tels Khadjah Nasir al Din Tussi, Mir Damad et Sadr al Din Shirazi, qui étudièrent, développèrent et exposèrent la pensée philosophique.

De même, dans les autres sciences rationnelles apparurent plusieurs figures remarquables dont Nasir al Din Tussi (qui fut à la fois philosophe et mathématicien) et Birdjandi qui fut également un mathématicien hors pair.

Toutes les sciences et en particulier la métaphysique ou théosophie (falsafah-yé ilahi ou hikmate-ilahi) firent des progrès notables grâce aux efforts infatigables des savants shi'ites. On le constate en comparant les œuvre de Nasir al Din Tussi, Shams al Din Turkah, Mir Damad et Sadr al Din Shirazi aux écrits de leurs prédécesseurs (5).

4 - Pourquoi la philosophie continua-t-elle à vivre dans le shi'isme

On sait que le facteur décisif dans l'apparition de la pensée philosophique et métaphysique au sein du shi'isme, et à travers le shi'isme, dans d'autres milieux islamiques, fut l’heritage de connaissances laissées par les Imams. La persistance et la continuité de la pensée philosophique est due à la vénération et au respect des shi'ites pour l'héritage des Imams. Pour attester cela, il suffit de confronter le trésor de connaissance laissée par la famille du Prophète avec les œuvres philosophiques écrites au cours des siècles. Dans cette comparaison. on constate clairement que la philosophie islamique n'a cessé de se rapprocher toujours plus, au fil des années, de cette source de connaissance jusqu'à ce qu'au 11ème/17ème siècle la philosophie islamique et l’héritage des Imams convergèrent plus ou moins parfaitement. Ils ne se distinguèrent plus que par certaines différences d'interprétation relatives à quelques principes de philosophie.



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