CHIISME DANS L’ISLAMPar sa nature innée, l’homme comprend sans hésiter, qu'aucune société organisée, telle qu'un pays, une ville, un village, une tribu ou même un foyer composé de quelques êtres humains, ne peut subsister sans un chef ou une autorité qui meuve cette société, et dont la volonté gouverne chaque volonté individuelle et pousse les membres de cette société à accomplir leur devoir social. Sans une telle autorité, les parties de la société ont tôt fait de se disperser, et le désordre et la confusion de régner. Par conséquent, celui qui dirige une société, grande ou petite, s'il prend soin de sa propre position et de la permanence de sa société, désignera un successeur pour le cas où il quitterait, temporairement ou définitivement, sa fonction. II n'abandonnera jamais son poste de direction, ni ne sera indifférent à son existence ou à son inexistence. Le chef d'un foyer qui avant un voyage de quelques jours ou de quelques mois, fait ses adieux à sa maisonnée, désignera un des membres de la maison ou quelqu'un d'autre comme successeur et lui confiera les affaires de la maison. Le chef d'une institution, le directeur d'une école, ou le propriétaire d'un magasin, s'il doit s'absenter même pour quelques heures, choisira quelqu'un pour le remplacer. De la même manière, l’islam est une religion fondée, selon le texte du Livre sacré et de la Sunnah, sur la nature primordiale des choses. Comme tout observateur peut le remarquer, c'est une religion qui prend en considération la vie sociale. L'attention spéciale accordée par Dieu et le Prophète à la nature sociale de cette religion ne peut être niée ni négligée. C'est un trait incomparable de l'Islam. Jamais le Prophète ne négligeait de former des groupements sociaux là où l'influence de l'Islam pénétrait. Chaque fois qu'une ville ou un village tombait entre les mains musulmanes, il nommait, dans les plus brefs délais, un gouverneur aux mains duquel il confiait les affaires des musulmans (1)- Dans chaque expédition militaire importante ordonnée dans le cadre de la guerre sainte, il nommait plusieurs chefs, selon un ordre hiérarchique. Dans la guerre de Mou'tah il alla jusqu'à nommer quatre commandants, de sorte que si le premier venait à mourir, le second prendrait la tête et assumerait l'autorité, et ainsi de suite (2). Le Prophète montra également un grand intérêt pour les problèmes de succession, et ne manqua jamais de désigner un successeur chaque fois que cela était nécessaire. Chaque fois qu'il quittait Médine, il désignait un gouverneur à sa place (3). Même quand il émigra de la Mecque à Médine et qu'il ne pouvait avoir aucune idée sur ce qui adviendrait, il nomma Ali - sur lui la paix - comme successeur (4) pour s'occuper de ses affaires personnelles (5) et pour remettre aux gens les affaires que ceux-ci lui avaient confiées. De même, après sa mort, Ali lui succèda pour régler ses dettes et ses affaires personnelles. Pour cette raison, les shi'ites soutiennent qu'il est inconcevable que le Prophète soit mort sans avoir nommé au préalable quelqu'un comme successeur, sans avoir choisi un guide pour diriger les affaires des musulmans et gouverner la société islamique. La nature première de l’homme ne doute pas que la création d'une société dépende d'un ensemble de règles et de coutumes communes, acceptées en pratique par la majorité des groupes dans cette société; et que l'existence et la continuation de cette société dépendent d'un gouvernement juste qui promette d'appliquer complètement ces règles. Quiconque réfléchit ne peut qu'admettre ce fait. En même temps, on ne peut douter ni de l'étendue ni de la nature détaillée de la shari'ah islamique, ni de l’importance et de la valeur que le Prophète lui accordait, au point qu'il fit beaucoup de sacrifices pour la faire appliquer et la préserver. On ne peut non plus discuter le génie, la perfection d'intelligence, la perspicacité d'intuition et le pouvoir de délibération du Prophète (en dehors du fait que la révélation et la prophétie confirment ce point). Selon les hadiths établis à la fois par les corpus sunnites et shi'ites (dans les chapitres sur les tentations, séditions et autres), le Prophète prédit les séditions et les tribulations qui devaient menacer la socièté islamique après sa mort, les formes de corruption qui avaient pénêtrer l'Islam, et comment des gouverneurs mondains allaient sacrifier cette pure religion à leurs intérêts personnels impurs. Comment concevoir que le Prophète, qui n'omit pas de prédire le détail des évènements et des épreuves qui devaient survenir des années, voir des milliers d'années après lui, eût pu négliger les questions concernant sa succession immédiate? Ou bien qu'il eùt pu négliger et considérer comme sans importance un devoir d'une part si simple et clair, et d'autre part revètant une signification aussi importante'.' Se serait-il occupé des actes les plus naturels et communs tels que manger, boire et dormir, aurait-il donné des centaines de corrunandements à leur sujet, pour ensuite demeurer muet sur la question capitale de sa succession? Même en acceptant l'hypothèse - que le shiisme rejette - selon laquelle la nomination d'un chef de la société islamique a été laissée par la shari'ah au peuple lui-même, il aurait quand même fallu que le Prophète s'expliquât à ce sujet. II aurait du avoir laissé les instructions nécessaires à la communauté afin que celle-ci soit consciente du problème dont dépendent l'existence et la croissance de la société islamique ainsi que l'observance des rites religieux. Or, il n'y a pas trace d'une telle explication prophétique ou d'une telle instruction religieuse. Si une telle chose avait existé, ceux qui succédèrent au Prophète et tinrent les rénes du pouvoir entre leurs mains, ne s'y seraient pas opposés. En fait, le premier calife transféra le califat au second par legs. Le seconde calife choisit le troisième grâce à un conseil de six hommes dont le futur calife faisait lui-même partie et dont l'ordre de procédure avait été déterminé et ordonné par lui-même. Mu'awiyah fonça l’Imam Hassan a faire la paix et, de cette manière, continua d'être calife. A la suite de cet événement, le califat fut converti en une monarchie héréditaire. Progressivement plusieurs observances religieuses des premières années de l'Islam (telles que la guerre sainte, la commanderie du bien et l'interdiction du mal, l'application des peines légales pour l'actes inhumains) perdirent de leur importance et disparurent même de la vie politique de la communauté, annulant dans ce domaine les efforts du Prophète de l'Islam. Le shi'isme a étudié la nature primordiale de l’homme et la tradition de sagesse qui a toujours survécu parmi les hommes. II a saisi le but principal de l’islam qui consiste à revivifier la nature primordiale de l’homme, et a étudié certaines choses telles que les méthodes utilisées par le Prophète pour diriger la communauté. II a aussi étudié les troubles qui frappèrent l'Islam et les musulmans après la mort du Prophète et qui menèrent à la division et à la séparation, ainsi que la vie éphémère des gouvernements islamiques des premiers siècles, qui furent caractérisés par la négligence et le manque de principes religieux stricts. En conclusion de ces études, le shi'isme affirme qu'il y a assez de textes traditionnels laissés par le Prophète pour indiquer la procédure de désignation de l'Imam ou successeur du Prophète. Cette conclusion est appuyée par des versets coraniques et des hadiths que le shi'isme considère comme authentiques, tels que le verset sur la wailyat et les hadiths de Ghadir, Safînah, Thaqalayn, Haqq, Manzilah, Dawat-i-achirah-i-aqrabin et d'autres (6). Mais bien sûr, ces hadiths, dont beaucoup sont acceptés par le sunnisme, n'ont pas été compris de la même manière par le shi'isme et par le sunnisme. Sinon la question même de la succession n'aurait pas été soulevée. Alors que ces hadiths apparaissaient aux shi'ites comme une claire indication des intentions du Prophète concernant la question de la succession. Ils ont été interprétés par les sunnites d'une toute autre manière, laissant la question ouverte et sans réponse. Pour prouver le califat d'Ali Ibn Abi Tâlib, les shi'ites ont eu recours à des versets coraniques, parmi lesquels, le suivant : « Non, vous n'avez d'autre ami que Dieu et son Messager et les croyants qui établissent l'office et acquittent l'impôt cependant qu'ils s'inclinent» (Coran V, 55). Les commentateurs shi'ites et sunnites s'accordent à dire que ce verset fut révélé au sujet d'Ali Ibn Abi Tâlib, et plusieurs hadiths shi'ites et sunnites confirment cette opinion. Abu Dharr Ghiffâri a dit : « Un jour, nous faisions les prières de midi avec le Prophète; une indigente demanda de Paide, mais personne ne lui fit l'aumône. Le malheureux leva les mains au ciel en disant : 0 mon Dieu! sois témoin que dans la mosquée du Prophète personne ne me donne quelque chose. Ali Ibn Abi Tâlib était en prière, à genoux. II pointa son doigt vers la femme, qui prit sa bague et partit. Le Prophète, qui observait la scène, leva les yeux vers le ciel et dit :«O mon Dieu! Mon frère Moise t'a dit : Elargis ma poitrine, aplanis mes diffîcultés et rends ma langue éloquente afin qu'ils comprennent mes paroles et fais de mon frère Aron mon aide et mon ministre (Coran XXVIII, 35) ô mon Dieu! Je suis aussi ton Prophète élargis ma poitrine, facilite ma tâche et fais d'Ali mon ministre et mon aide ». Abu Dharr dit : « Le Prophète n'avait pas fini de parler que le verset cité ci-dessus fut révélé» (7).
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