Le 'Irfân Ou la Gnose mystique



Le ‘irfân théorique

Le ‘irfân théorique se déploie à analyser l’Existence et traite de la question du Créateur, de l’univers et de l’homme. Sous cet angle, il ressemble à la philosophie théologique qui s’intéresse à l’étude de l’Existence. Et de même que la philosophie théologique a un objet, des sujets et des principes, de même le ‘irfân possède un objet, des sujets et des principes. Mais alors que la philosophie fonde ses raisonnements sur les principes et les fondements rationnels, le ‘irfân fait des divinations mystiques (mukâchafât)[4][4]la principale matière de ses raisonnements, et s’évertue par la suite à les expliquer et justifier rationnellement.

Ainsi, le raisonnement rationnel philosophique est comme un sujet écrit dans une langue donnée afin que le lecteur le lise dans cette langue, tandis que le raisonnement gnostique est pareil à un sujet traduit d’une autre langue, c’est dire que le ‘irfâni prétend soumettre ce qu’il a vu par sa vue intérieure (baçîrah بصيرة) et son existence à l’interprétation rationnelle.

Il y a une différence radicale entre l’interprétation gnostique de l’existence -ou en d’autres termes la vision cosmique de l’existence-  et celle philosophique.

Ainsi, le philosophe théologique attribue le açâlah (le Principe) à Allâh et à d’autres, à cette différence qu’Allâh est l’Être nécessaire et auto-existant, alors que les autres sont des êtres contingents et dépendants de leur existence d'un autre et causés par l’Être nécessaire, alors que le ‘ârif  (ou 'irfânî) considère que tout, à l’exception d’Allâh, n’a pas d’existence réelle lors même qu’il est causé par Allâh, et que la seule réalité est l’Existence d’Allâh qui entoure toute chose, alors que toutes les choses  ne sont que des noms, des attributs et des manifestations (épiphanie divine) d’Allâh – le Très-Haut – et non pas des choses qui s’ajouteraient à Lui.

De même la vision du philosophe diffère de celle du ‘ârif  : le premier veut comprendre le cosmos, c’est dire qu’il essaie de parvenir à une conception correcte, globale et intégrale du cosmos et considère que le sommet de la perfection humaine est que l’on perçoive par son esprit le cosmos tel qu’il est, afin que le cosmos ait une existence rationnelle dans sa propre existence et qu’il devienne lui-même un savant rationnel; ou comme on le définit la philosophie : Â« L’homme devient un savant rationnel semblable à l’homme concret Â».

En revanche le ‘ârif  n’attache aucune importance au ‘aql (raison, esprit, intelligence) ni à la perception; ce qu’il recherche, c’est d’arriver à l’essence de l’existence, c'est-à-dire Allâh -le Sublime- afin de Le "voir" et d’entrer en contact avec Lui.

La perfection de l’homme ne doit pas se limiter chez le ‘ârif   au simple fait de se faire une idée de l’existence dans son esprit, mais il faut aller bien au-delà de cette limite et continuer à se diriger vers le Principe qui lui a donné existence et à détruire les distances entre lui et le Créateur, et à s’approcher de Lui jusqu’à ce qu’il s’anéantisse en Lui et s’éternise dans Son éternité.

Les outils du philosophe sont l’esprit, la logique et le raisonnement, alors que les instruments de travail du ‘irfâni se constituent de l’œil intérieur, la lutte intérieure, la purification et la rééducation de l’âme, ainsi que le mouvement et le combat intérieurs.

On verra plus loin la différence entre la vision cosmique du ‘irfâni et du philosophe.



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