Le 'Irfân Ou la Gnose mystique



En tant que classe scientifique, les cheikhs de la gnose sont connus sous l’appellation de ‘urafâ’, et en tant que couche sociale sous la dénomination de soufis.

Bien que les ‘urafâ’ et les soufis n’aient pas formé pour eux une école juridique particulière au sein de l’Islâm- mais figuraient dans tous les groupes islamiques- ils ont quand même constitué un groupe socialement solidaire et coopératif. Toutefois, leurs idées et leurs opinions sur la fréquentation des gens, ainsi que leur accoutrement spécifique et même leurs habitudes de se laisser pousser la barbe et les cheveux, et de s’enfermer dans les couvents et bien d’autres comportements particuliers les ont détachés comme un groupe doctrinal et social particulier.

Il est indéniable qu’il y a des ‘urafâ’ -notamment parmi les chiites- qui ne se sont pas distingués dans leurs apparences des autres, alors qu’ils étaient en réalité de vrais ‘urafâ’ dans "leur conduite et leur cheminement"; ceux-ci représentent à vrai dire, les vrais ‘urafâ’, contrairement à d'autres qui se sont forgé diverses règles de savoir-vivre et de conduite, ainsi que toutes sortes d’hérésies.       

Dans cet exposé, nous n’allons pas traiter du ‘irfân sur son volet social (le soufisme) et en tant qu’une Voie (tarîqah) empruntée par un groupe social; nous nous contenterons  de l’aborder sous son aspect culturel et en tant qu’une des disciplines ou sciences islamiques. Car si nous voulions l’étudier sous son angle social, nous devrions rechercher les causes et les raisons qui ont conduit à l’émergence de ce groupe social et les rôles positifs ou négatifs qu’il a joués dans la société islamique, ainsi que les influences réciproques entre lui et tous les autres groupes islamiques et son effet sur la propagation de l’Islâm. Mais nous évitons ici d’entrer dans ces détails, nous limitant à aborder le ‘irfân en tant que science et courant culturel islamique.

En tant que science et culture, le ‘irfân a deux aspects : pratique et théorique.

Sur le plan pratique, le ‘irfân est l’attitude de l’homme et ses devoirs envers lui-même, envers l’univers et envers son Créateur. Pris dans cette approche, il ressemble à l’éthique dans le sens qu’il est une science pratique à une différence près que nous expliquerons plus loin. Cette partie de ‘irfân est appelée «La science de la conduite et du comportement Â»[1][1] et elle s’occupe de décrire le premier pas que l’aspirant au ‘irfân doit effectuer en vue d’atteindre à «l’Unicité Â», laquelle est le sommet quasi inaccessible de l’humanité, les différentes positions et les étapes qu’il a à traverser sur son chemin, et les états qu’il risquerait de connaître dans ces étapes. Il va de soi que l’aspirant ‘irfâni doit passer par toutes ces étapes  sous la direction d’un homme parfait qui aurait traversé lui-même cette voie et connu toutes ces positions et que les ‘urafâ’ dénomment parfois «l’oiseau de Jérusalem Â»[2][2] ou «al-Khedhr Â», sans quoi -s’il marche tout seul et sans la guidance de cet homme parfait- il n’aboutirait qu’à l’égarement.

Il est évident qu’il y a une grande différence entre l’Unicité que le gnostique voit comme le sommet inaccessible de l’humanité et l’extrême but final auquel il aboutit dans "son cheminement et sa conduite", et celle à laquelle croient les gens du commun ou les non-initiés, ou même le philosophe qui croit que l’Être nécessaire est Un et pas plus.

En effet, l’Unicité telle que la conçoit le gnostique (‘ârif ) signifie que le seul être existant  réellement  est Allâh - Le Très-Haut -  et que toutes les autres créatures ne sont que Ses ombres (panthéisme), qu’il n’y a aucune autre existence qu’Allâh, et que le ‘ârif  doit emprunter et traverser cette voie pour atteindre au stade dans lequel il ne voit plus qu’Allâh – Exalté soit-Il.

Ceux qui s’opposent aux gnostiques récusent ce stade de l’Unicité et la considèrent même parfois comme une sorte de mécréance et d’athéisme, alors même que les premiers le considèrent comme la vraie Unicité et que tout le reste n’est pas dépouillé de tache polythéiste.

L’approche de ce stade ne relève pas de l’esprit et de la pensée, mais c’est une affaire de cœur, de combat intérieur, de conduite, de comportement, ainsi que de purification et de rééducation de l’âme[3][3].



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