LA QUESTION DE L'IMAMAT



Deux jours avant son décès, le 10 du mois Rabi' al-awwal, le Prophète, profondément indigné des propos de certains compagnons, et bien que gravement souffrant, sortit de sa maison pour s'adresser aux gens. Il monta sur la chaire, et après avoir loué Dieu, il dit:

"ô gens! Que signifie ce propos qui m'est parvenu, de certains d'entre vous au sujet de ma désignation d'Usâma comme chef (amîr). Si vous critiquez ma désignation d'Usâma, vous aviez auparavant dénigré ma désignation de son père, bien avant lui. Dieu sait que son père était qualifié pour le commandement, et son fils possède aussi toutes les qualités requises pour cela."54

L'Envoyé de Dieu s'efforçait de vider Médine de ses principaux chefs des Ansârs et des Muhâdjirouns; c'est dans ce but qu'il prépara l'armée d'Usâma, et lui ordonna de se mettre en mouvement au plus tôt en direction de la Syrie. Il ordonna avec insistance que ses principaux compagnons rejoignent l'étendard d'Usâma, et voulut garder Ali auprès de lui, dans les moments décisifs qui allaient marquer la fin de sa vie. Ces mesures prises par le Prophète ne furent malheureusement pas suivies d'effet, à cause de la désobéissance de certains compagnons.

Jamais, le Prophète n'avait mis Ali en qualité de subordonné à un autre chef que lui-même. Bien au contraire, Ali a toujours été le porte-étendard du Prophète, ou le commandant en chef de l'armée; alors que Abou Bakr et Omar étaient là placés sous les ordres d'Usâma, comme ils furent un jour sous les ordres de Amr ibn al-'As, dans l'expédition de Dhât al-Salâsil.

* * *

L'histoire nous rapporte aussi un événement d'une grande signification, survenu lors de la maladie grave dont souffrit le Prophète avant de quitter ce monde.
Le Prophète voulait, pour une ultime fois tenter de donner une preuve tangible et un texte expliquant une question que le Coran regarde comme faisant partie de la perfection de la religion, et préserver la communauté de toute déviation. Mais ceux des compagnons qui s'étaient soustraits à l'ordre de rejoindre l'armée d'Usâma, se trouvaient au chevet du Prophète, et empêchèrent que l'on lui amenât une tablette et de l'encre.55

Obeydollâh ibn , Abdullâh ibn , Atabeh rapporte qu'lbn Abbas a dit:
"La journée du jeudi! et quel jeudi!" évoquant le jour de la mort du Prophète. Le plus grand malheur arriva aux musulmans, quand la dispute entre certains compagnons -dont Omar Ibn al-Khattab qui voulait suggérer que l'Envoyé de Dieu était en train de divaguer- empêcha le Saint Prophète d'écrire son dernier testament (ce par quoi les croyants ne s'égreraient point après lui).56

Lors d'une discussion qu'il eut avec Ibn Abbâs, le second calife lui dit:
"L'Envoyé de Dieu voulait mentionner Ali, mais je ne l'ai pas laissé faire."57

De nombreux traditionnistes et historiens sunnites ont rapporté cette parole du deuxième calife: "L'Envoyé de Dieu divague". D'autres ont essayé d'en atténuer la gravité, en la rapportant comme suit: "Le Prophète ne résiste plus à la douleur de la maladie; nous avons le Livre de Dieu; le Livre de Dieu nous suffit."58

Comme si l'Envoyé de Dieu ignorait la valeur du Livre de Dieu, et que ses compagnons pouvaient l'estimer mieux que lui! Peut-on dire du Prophète qu'il est plus en possession de ses facultés, quand il veut confirmer, par un document écrit, la dignité de l'Imam dans la communauté musulmane?
Si nous devions expliquer la décision du Prophète comme un signe de l'affaiblissement de sa faculté de jugement, par suite de la maladie, pourquoi n'a-t-on pas accusé le premier calife Abou Bakr de déséquilibre mental quand il a, sur son lit de mort, transmis par écrit la charge califale à Omar ibn al-khattâb?
Pourquoi ce dernier n'a-t-il pas eu la même attitude à l'égard d'Abou Bakr que celle qu'il eut à l'égard du Prophète?



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