LA QUESTION DE L'IMAMAT
L'infaillibilité peut être comprise comme un degré élevé de la perfection, dont nous pouvons constater à toutes les époques des modèles partiels. Il nous arrive de rester admiratif devant les écrits ou les actions de certains grands hommes qui ont pu parvenir dans leurs domaines respectifs, à un degré qui nous paraît être la perfection même. L'imam est tel dans ses fonctions: il a été créé pour guider; Dieu lui a donné les qualités nécessaires pour cela. Il ne commet pas de péchés, pour la bonne raison qu'il est plongé en permanence dans la contemplation divine. Tous les philosophes définissent les mauvaises oeuvres comme le résultat de l'ignorance. Plus un homme connaît, moins il s'expose au risque du péché, ou de la mauvaise action. L'imam est naturellement protégé de l'erreur; il n'a pas besoin d'une contrainte extérieure pour se maintenir sur le droit chemin.
Le Cheikh al-Sadûq rapporte dans son livre Al-Amâli, que Mohammad ibn Abi 'Umayr a dit: "Tout au long de ma longue amitié avec Hicham ibn al-Hakam (le célèbre adepte de l'imam Ja'far al-Sâdeq), je n'ai pas entendu, et je n'ai pas mieux profité de ses paroles que de celle où il me définit l'infaillibilité de l'imam.
Je lui demandai un jour si l'imam était infaillible. Il me répondit: "oui!". Je lui demandai: "En quoi consiste cette qualité? et par quoi la reconnaît-on en lui? Il dit: "Tous les péchés se présentent sous quatre aspects possibles. Il n'en est pas de cinquième: l'avarice,l'envie, la colère, la concupiscence. Or ces défauts ne sont pas en lui (l'imam).
Il ne lui est pas permis d'être avare des biens de ce monde, puisque ce monde est sous son autorité; il est le trésorier des musulmans, de quoi serait-il cupide? Il ne lui est pas non plus licite d'être envieux, car l'on n'est jaloux que de celui qui nous paraî t être meilleur, or il n'est personne de meilleur au-dessus de l'imam, comment envierait-il ceux qui lui sont inférieurs? Il ne lui est pas permis de manifester sa colère pour des affaires de ce monde, à moins que sa colère exprime une désapprobation religieuse, qu'elle soit inspirée par Dieu. Dieu lui a imposé d'appliquerles peines légales, et de ne pas prêter l'oreille aux propos des blâmeurs, ni de faire montre de pitié mal placée, lorsqu'il s'agit de mettre à exécution des jugements de la Loi. Enfin, il ne lui est pas permis de suivre les plaisirs des sens ni de préférer l'ici-bas à l'au-delà ; car Dieu lui a fait aimer l'au-delà autant qu'il nous fait aimer ce monde-ci. Sa face est tournée vers l'au-delà , et la nôtre vers ce monde.
As-tu vu quelqu'un détourner son regard d'un beau visage vers un visage de laideur? Ou abandonner un plat délicieux pour un plat amer; un vêtement doux pour un habit rugueux; une grâce parfaite et éternelle pour un monde transitoire et éphémère?"147
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Les hommes se soumettent à l'imam, en tant que devoir religieux; et ils reçoivent ses enseignements, en tant qu'ils les perçoivent comme des enseignements divins, sans hésitation ou doute. Mais s'ils avaient le doute que cet homme pouvait faillir à tout moment, et se laisser choir dans le péché et les tourments des passions, comment pourraient-ils accorder le moindre crédit à ses paroles, et à ses ordres.
Or nous savons que le commun des hommes sont en permanence exposés aux risques de l'un ou l'autre des péchés, l'un ne manquant pas d'entraîner les autres. Seul un être prémuni par Dieu, peut donc assumer la tâche d'aider les hommes à réaliser totalement leur foi. Sans un tel homme, le message religieux transmis par les Prophètes sera toujours pris en défaut, puisque ne disposant pas d'un critère vivant pouvant trancher en toute équité entre les nombreux jugements contradictoires qui naissent dans les esprits des hommes, ou qui sont impliqués par leurs actes.
Nous sommes chaque jour les témoins, à travers les moyens de communications, de chutes d'hommes politiques ambitieux en raison de certains scandales dans leur vie privée, avant ou après leur arrivée au pouvoir. Ceci, se passe dans des sociétés qui se veulent laï ques et profanes.
A plus forte raison dans une société qui veut réaliser un projet divin, le moindre écart serait pris en compte. C'est la raison pour laquelle on exige de l'imam la perfection. Il ne doit faillir ni avant, ni pendant l'exercice de sa fonction. La moindre faute le disqualifierait.
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