LA QUESTION DE L'IMAMAT
Les sociétés sont multiples, les problèmes sont aussi à différents niveaux: individuel, social, métaphysique, économique, spirituel, psychologique, juridique, etc... La compétence requise doit être à la mesure de la mission dévolue. Un homme ordinaire ne peut pas "succéder" au Prophète, à un homme guidé par Dieu. Le message céleste court le risque d'être déconsidéré, abaissé au niveau des simples philosophies et idéologies des hommes, qui sont toutes imparfaites. Le dépôt divin risque de devenir le jouet des faiblesses humaines.
Si le Prophète avait voulu que son successeur fut désigné par les croyants, il n'aurait pas manqué de le faire savoir, puisque la question est trop grave pour demeurer en suspens. A moins de supposer qu'il en fut ainsi, parce que Dieu et Son Prophète l'avaient voulu ou encore de considérer que les compagnons étaient plus aptes à décider en la matière que Dieu et Son Prophète! Ce qui serait absurde. Si le Prophète n'a désigné personne pour lui succéder, pourquoi alors le premier calife Abou Bakr a-t-il désigné Omar? Mais s'il a désigné quelqu'un, pourquoi l'ont-ils délaissé?
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En outre, s'il est des prérogatives des musulmans de choisir leur imam, pourquoi Omar a-t-il restreint ce droit à un collège de six personnes, tenues de surcroît de choisir l'imam entre elles, et plus grave encore de désigner un arbitre, en l'occurence Abdarrahmân ibn 'Awf, pour départager entre les six membres du collège? Pourquoi Omar a-t-il suspendu les droits des autres com pagnons?
Le Coran dit: "...qui ont répondu à leur Seigneur, ont accompli la Prière, dont l'affaire, entre eux, est objet de délibération..."
Sourate La Délibération (Al-Chûrâ), verset 38
Ce verset veut dire que les musulmans doivent avoir pour qualité de se consulter mutuellement dans leurs affaires, et n'implique ni de près ni de loin que l'imam des musulmans doit être élu à la majorité des voix. Il reste muet en ce qui concerne la consultation générale entre tous les musulmans, et ne confère pas de caractère obligatoire pour tous les musulmans à une décision prise par une partie -même majoritaire- des musulmans.
Si la consultation (Chûrâ) avait valeur de preuve religieuse (Hujja), elle aurait dû revêtir la forme d'une consultation générale de tous les musulmans, et d'une partie d'entre eux, encore moins de six personnes désignées par un seul homme.
Omar lui-même n'a pas consulté les compagnons pour choisir les six personnes candidates au califat Il n'en discuta avec personne. Il accorda même un droit de véto au riche commerçant Abdarrahmân ibn 'Awf, ce qui ne peut se justifier à aucun point de vue dans le droit musulman. Ajoutons en cela que l'atmosphère régnant au sein de ce "Conseil consultatif" (Majlis al-Chûrâ), était une atmosphère de terreur et de menace. Sur quel fondement coranique s'appuyait la clause prévue par Omar de s tuer tous les membres du Conseil s'ils n'arrivaient pas à se décider pour l'un d'entre eux?
Abou Bakr, auparavant, n'avait, non plus, consulté aucun compagnon avant de décider de désigner Omar. Il n'en fit qu'à sa tête. En fait, la consultation que recommande le Coran est celle qui intervient après la désignation de l'imam ou du calife, ou sur ordre de ce dernier pour désigner une assemblée élue pour débattre des différentes questions, ou pour mieux dire, une sorte de conseil délibérant des affaires de la communauté; sans toutefois se substituer à l'imam. Est-il utile enfin de rappeler que le verset en question a été révélé à la Mecque, c'est-à -dire bien avant que l'Etat islamique voie le jour à Médine, après l'Hégire du Prophète, et qu'il ne pouvait pas concerner l'élection de l'imam. On peut aussi se référer au contexte dans lequel fifure le verset pour se rendre compte que ce verset a une valeur d'encouragement pour les croyants, et n'oblige nullement le Prophète à les consulter.
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