LA QUESTION DE L'IMAMAT



Hichâm ibn al-Hakam répondit:
-"Ô fils de l'Envoyé de Dieu, je te vénère trop et j'éprouve trop de honte pour oser parler en ta présence!" L'imam lui dit:
-"Lorsque je vous ordonne quelque chose, agissez conformément à cela. Raconte-moi ce qui s'est passé."
Et Hichâm raconta ce qui suit:
"Je fus informé au sujet de l'enseignement de Amrou ibn Ubayd, et j'appris aussi qu'il tenait école à la mosquée de Bassora. Cela me parut une bonne occasion. Je résolus d'aller le voir, et je rentrais dans Bassora un vendredi. Je me rendis à la mosquée, et je me trouvai devant un grand nombre d'auditeurs faisant cercle autour de Amrou ibn Ubayd.

Je cherchai place parmi les gens, et je m'assis à genou dans le dernier rang, puis je dis:
-Ô Savant homme! Je suis un étranger; me permets-tu de t'interroger?
Il dit: "Oui." Je lui dis: "As-tu des yeux?" Il me dit: "Mon fils, quelle question est-ce là? Comment m'interroges-tu au sujet de ce que tu vois par toi-même?
Je lui dis: "Ma question est ainsi." Il me dit: "Mon fils, interroge-moi, même si ta question est idiote."

-Réponds-moi alors.
- Interroge.
- As-tu des yeux?
- Oui.
- A quoi te servent-ils?
- A voir les personnes, et à distinguer les couleurs.
- As-tu un nez?
- Oui.
- A quoi te sert-il?
- A sentir les odeurs.
- As-tu une bouche?
- Oui.
- A quoi te sert-elle?
- A goûter.
- As-tu des oreilles?
- Oui.
- A quoi te servent-elles?
- A entendre les sons.
- As-tu un coeur?
- Oui.
- A quoi te sert-il?
- A distinguer entre tout ce qui se produit dans les organes et les sens.
- La possession de tous ces organes dispense-t-elle du coeur?
- Non.
- Comment cela? ne sont-ils pas sains!
- Mon fils, quand les organes des sens ont un doute au sujet de ce qu'ils aperçoivent comme odeur, son, goût ou vision d'une chose, ils la rapportent au coeur qui la confirme ou qui lève le doute à son sujet Je lui dis: "Dieu donc a établi le coeur à cause du doute inhérent aux organes."
Il me dit: "Oui."
- Le coeur est donc indipensable. Faute de quoi les organes ne seraient jamais sÛrs de quoi que ce soit?
- Oui.
- Ô Abou Marwân, Dieu n'a pas laissé tes organes des sens sans leur instaurer un imam (directeur) qui leur confirme la bonne perception et leur corrige la perception douteuse. Comment veux-tu que Dieu -qui a fait cela- puisse abandonner toute la création dans le doute, la perplexité, et la division, sans lui désigner un imam auquel elle puisse se rapporter pour surmonter ses incertitudes?"

Hichâm continua ainsi:
"Ibn Ubayd se tut, et ne me dit rien. Puis se tournant vers moi, il me dit: "Tu dois être Hichâm ibn al-Hakam!"
- Non!
- Alors tu es de ses disciples?
-Non!
- D'où es-tu alors?
- Des gens de Koufa.
- Alors, tu es Hichâm ibn al-Hakam." Hichâm dit:
"Il me serra alors contre lui, et me fit asseoir à sa place..." L'imam Ja'far sourit du récit de Hichâm ibn al-Hakam. Il dit à ce dernier:
- Qui t'a appris tout cela?
- C'est quelque chose que j'ai appris chez toi et que j'ai recomposé.

L'imam lui dit:
"Par Dieu, cela est écrit dans les feuillets d'Abraham et de Moïse."127

* * *

Après la disparition de l'Envoyé de Dieu, les imams immaculés ont agi en faveur de la diffusion des enseignements du Coran, dans toute la mesure des possibilités qui leur furent offertes, selon les différentes circonstances, souvent tumultueuses, qui ont prévalu dans la société musulmane, au cours des trois premiers siècles de son histoire.
Ils ont enseigné aux musulmans comment exécuter correctement les commandements de l'islam; cet enseignement-se faisait par la parole et par l'exemple.
C'est grâce aux efforts et au dévouement des gens de la Maison du Prophète que nous disposons aujourd'hui d'un patrimoine d'une richesse inestimable et d'une source intarissable pour résoudre les différents problèmes qu'affronte toute société. Et ce trésor fournit sa propre argumentation, ses propres critères.

Car, chacun le sait, les califes -qui se sont permis de prendre en charge la direction de la communauté musulmane après la mort du Prophète- n'étaient pas très instruits et leurs connaissances étaient très limitées, surtout en matière des prescriptions de l'islam.
Pour illustrer le degré de leur savoir, citons des exemples:
Les compilations des traditions prophétiques ne conti ennent pas plus de quatre-vingts traditions rapportées par le premier calife.128

Al-Nawawi dit dans son livre al-Tahdhîb:
"Abou Bakr a rapporté cent-quarante-deux traditions du Prophète; al-Suyâti en a mentionné cent-quarante dans son Histoire des Califes, et Boukhâri n'en rapporte que vingt deux."129
Abou Bakr, le chef religieux qui se devait d'être le sauveur de la Communauté de tout péril et qui devait résoudre toutes les difficultés religieuses ou autres, avait une culture d'un niveau tel qu'il éprouva la besoin de consulter un homme corrompu et égaré, al-Mughira ibn Chu'ba, au sujet de l'héritage de la grand-mère.130

Lui-même reconnut publiquement son ignorance disant:
"J'ai été désigné comme votre chef, alors que je ne suis pas le meilleur d'entre vous. Si je fais bien, aidez-moi. Si je fais mal, corrigez-moi... Obéissez-moi tant que j'obéirai à Dieu et à Son Envoyé; et si je désobéis à Dieu et à Son Envoyé, vous ne me devrez plus obéissance." 131
Quant à Omar, on ne rapporte de lui qu'une cinquantaine de traditions reconnues authentiques, comme l'a montré Ibn Hazm.132



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