LA QUESTION DE L'IMAMAT
D'autres chercheurs avancent cette thèse que le chiisme remonte à l'époque même du Prophète, et qu'il doit sa naissance à la volonté expresse de ce dernier. Un célèbre hérésiographe musulman, al-Hassan ibn Moussâ al-Nawbakhti, écrit dans son livre al-Maqâlât Wal Firaq (les opinions et les sectes): "la première des sectes (au sein de l'islam) est la chi'a (le chiisme). Il s'agit de la secte de Ali ibn Abi Tâleb, dont les compagnons furent surnommés chi'a tu Aliyyin (les partisans de Ali) à l'époque de l'Envoyé de Dieu et après sa mort. Ils étaient connus pour leur attachement à lui, pour la reconnaissance de son rang d'Imam. Parmi eux, il y avait: al-Miqdâd ibn al-Aswad al-Kindî, Selmân al-Farssi, Abou Dharr al-Ghiffâri, Ammâr ibn Yasser.
Tous ces gens l'aimaient, lui vouaient obéissance, et le considéraient comme leur chef. Ils furent les premiers à être désignés comme chiites dans cette communauté. Car le nom de "chiites" est très ancien; il y a les chiites de Noé, d'Abraham, de Moïse, de Jésus et des autres prophètes.110 Les auteurs chiites insistent sur ce point, et font mention de plusieurs traditions prouvant que le premier transmetteur de l'islam -le Prophète- avait déjà donné le nom de "chiites" aux partisans de Ali.
Des commentateurs du Coran et des traditionnistes sunnites ont rapporté ce qui suit au sujet des circonstances dans lesquelles fut révélé le verset coranique: "Ceux qui ont cru et fait des bonnes actions, ceux-là sont les mneilleurs de la Création."
Coran, sourate La Preuve (al-Bayyina), verset 7
Al-Hafedh Jamâl-ad-D î n al-Zarand î considère comme authentique la tradition rapportée par Ibn Abbâs selon lequel lorsque ce verset fut révélé, le Prophète aurait dit à Ali: "Il s'agit de toi et de ta Ch i'a; tu viendras toi et tes chiites, au jour de la Résurrection, satisfaits et agréés; puis, viendront tes ennemis, humiliés et objets de la colère divine."111 Tabari, célèbre historien et commentateur du Coran, écrit à la suite de son commentaire du verset ci-dessus: "L'Envoyé de Dieu fut le premier à avoir employé le terme (de chiites) pour désigner les compagnons de Ali.
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Nous sommes ainsi amenés à en déduire que le chiisme procède du coeur même de l'islam, qu'il est l'islam lui-même. Il a été baptisé par l'Envoyé de Dieu lui-même. Et si parfois on lui ajoute le qualificatif de "Ja'farite" dans l'expression "chiisme Ja'farite", c'est en raison des efforts inestimables que déploya, le sixième imam, Ja'far al-Sâdeq, pour propager la culture islamique et chiite, mettant à profit les circonstances politiques exceptionnellement propices, et pour combattre les idées pernicieuses qui commençaient à voir le jour dans la pensée musulmane, en particulier dans le droit musulman.
L'écrivain égyptien Muhammad Fekrî Abou Nasr évoque en ces termes l'identité du chiisme: "Les chiites n'ont aucune relation avec la doctrine d'Abou-l-Hassan al-Ach'arî, dans le domaine des principes de la religion (Ossûl) et aucune relation avec les quatre écoles (sunnistes) dans le domaine des applications, pour la raison que la doctrine des imams chiites est plus ancienne que toutes les autres écoles. Elle est par conséquent plus fiable et plus sûre, et plus digne d'être suivie que tous les autres rites. Elle est plus digne d'être suive parce que la porte de l'Ijtîhâd (c'est-à -dire de l'effort indépendant d'interprétation des textes scripturaires en vue de dégager des prescriptions et avis juridiques) y est ouverte jusqu'à la fin des temps. Enfin, cette doctrine a été conçue et élaborée à l'abri de toute manipulation politique."112
Le professeur Abou-l-Wafâ al-Ghanîmî al-Taftâzânî écrit dans le livre: Ma'a Ridjâl-el-Fikr fi-l-Qâhera (Aves les intellectuels de Caire):
De nombreux chercheurs, aussi bien en Orient qu'en Occident, de nos jours et dans le passé, ont porté des jugements erronés sur le chiisme, jugements ne s'appuyant nullement sur des preuves et témoignages dignes de foi. Certains gens ont discuté, entre eux, à propos de ces jugements sans jamais s'interroger sur leur véracité. La principale cause de l'impartialité à l'égard du chiisme, de la part de ces chercheurs, consiste dans l'absence de toute référence à des sources chiites, et dans l'acceptation irréfléchie des thèses de leurs adversaires."113
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