LA QUESTION DE L'IMAMAT
Le coran fait parfois l'éloge des actions des compagnons du Prophète. Mais peut-on déduire de cette louange qu'il les innocente pour tous leurs actes ultérieurs, ou encore peut-on prendre cet éloge comme une preuve de leur intégrité, de leur pureté, voire de leur sacralité, comme si tous leurs actes étaient absolument justes et sans reproches? Ou bien est-il plus raisonnable de dire que l'agrément de Dieu -et le bonheur éternel qui en découle pour celui qui en est l'objet- ne s'obtient que si les bonnes actions se poursuivent tout au long de sa vie, et qu'autrement, c'est à -dire s'il dévie dans sa foi et ses actes, une bonne action passée ne saurait assurer forcément son bonheur dans le futur?
L'Envoyé de Dieu est un maître en matière d'humanisme et de piété, un modèle à imiter en matière de vertu et de morale. Cependant le Coran n'hésite pas à lui dire: "Si tu associes (à Dieu un autre idôle) tes oeuvres s'abaisseront, et tu seras du nombre des perdamts"
Sourate Les Groupes (Al-Zumar), verset 65
Alors qu'on sait que le Prophète, doué de la perfection et préservé de l'erreur, ne s'éloigne jamais de Dieu fut-ce le temps d'un clin d'oeil. Le Coran l'a interpelé en ces termes, pour signifier indirectement aux Compagnons, tentés par l'orgueil qu'ils tirent de leurs oeuvres, qu'ils doivent préserver ces dernières de l'ostentation, et les accomplir uniquement pour l'amour de Dieu, et se mobiliser jusqu'au dernier souffle de leur vie, sur cette voie. L'histoire nous enseigne de toute évidence, que tous les Compagnons n'étaient pas pieux, qu'ils ne faisaient pas que de bonnes actions.
Cela ressort clairement du hadith suivant transmis par Boukhâri dans son Sahîh. Le Prophète aurait dit: "Je vous précèderai au paradis. On m'y présentera des hommes, et quand je serai sur le point de les aider, ils seront engloutis sous mes yeux. Je dirai alors: "Seigneur! Ce sont mes compagnons!" Il me dira: "Tu ne sais pas combien ils ont mal agi après toi."
Toujours selon Boukhâri: Abou Hazim a dit: J'ai entendu Sahl ibn Sa'd al-Sâ'idî dire: J'ai entendu le Prophète dire: "Je vous précèderai au bassin du Paradis. Quiconque entrera au Paradis boira de ce bassin. Et quiconque y boira n'aura plus jamais soif. Des gens que je connais et qui me connaissent seront introduits auprès de moi, puis seront retirés de ma vue." Abou Hazim a continué: Al-Nu'man ibn abi , Ayyâch m'entendit quand je parlais ainsi. Il me demanda: "Est-ce ainsi que tu as entendu parler Sahl?" Je lui répondis affirmativement. Il dit: "Moi-même, je témoigne avoir entendu Abu Sa'ïd al-Khoudârî ajouter à ce hadith les paroles suivantes: "ils font partie de mes proches; et l'on me dira: "Tu ne sais pas combien ils ont changé après toi". Je dirai alors: "Que soient engloutis ceux qui ont changé après moi!"
Ibn Omar rapporte avoir entendu le prophète dire: "Ne devenez pas, après ma mort, des infidèles qui s'entretuent les uns les autres."
Selon ibn Abbâs, le Prophète aurait éclaré: "Des hommes parmi mes compagnons seront conduits vers la gauche (le châtiment), et je dirai: "Mes compagnons! Mes compagnons!" On me dira: "Ils n'ont pas cessé de retourner à leurs pratiques païennes depuis que tu les as quittés." Je dirai alors comme dira Jésus: "j'étais témoin contre eux tant que j'étais avec eux. Et depuis que Tu m'as fait mourir, Tu es Celui qui les surveille."
Abou Hurayra rapporte également la même tradition, toujours dans le Sahîh de Boukhâri. Et dans la même compilation, on peut aussi lire la tradition rapportée par Ammâr ibn Yâsser: "Parmi les compagnons du Prophète, il y a douze hypocrites qui n'entreront au Paradis que lorsque le chameau entrera par le chas d'une aiguille!"
Taftâzânî Châfi'ï le chercheur sunnite écrit: "Les antagonismes et les querelles qui surgissent entre les Compagnons, tels qu'ils ressortent des livres d'Histoire, et qu'ils sont rapportés par des témoins dignes de confiance, prouvent que certains d'entre ces Compagnons se sont écartés du chemin du droit, allant jusqu'aux limites de l'injustice et de la dépravation. Le mobile en était le ressentiment, la haine, l'envie, l'inimitié, l'amour du pouvoir, et le penchant pour les plaisirs et les passions, car tout Compagnon n'est pas infaillible, et tout homme qui rencontra le Prophète ne se caractérise pas le bien."68
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