LA QUESTION DE L'IMAMAT
Le Chiisme à travers L'Histoire
De nombreuses théories ont été élaborées par les spécialistes pour expliquer les origines du chiisme,les causes de son apparition. Beaucoup de ses théories sont entachées de subjectivisme ou de parti-pris. Pour certains le chiisme est apparue après la mort du Prophète, plus exactement au moment où les compagnons eurent à se prononcer au sujet de Sa succession.
"Un groupe de Muhâdjirouns (Emigrés originaires de la Mecque) et de Ansârs (musulmans de Médine) se sont abstenus de prêter allégeance à Abou Bakr, et se montraient favorables à l'investiture de Ali lbn Abi Tâleb. Parmi eux, il y avait al-Abbâs ibn Abd-ul-Muttalib, al-Fadhl ibn al-Abbâs, al-Zoubeyr ibn al-'Awwâm, Khâled ibn Saï'd, al-Miqdâd ibn Amrû, Selmân al-Fârissi, Abou Dharr al-Ghiffâri, Ammâr ibn yasser, al-Barrâ ibn al-Azib et Ubayy ibn Ka'b." 106
D'autres inclinent à penser que le chiisme est apparu sous le califat même de Ali Ibn Abi Tâleb; et d'autres situent sa naissance quelques temps plus tôt, à l'époque du règne de Othmân. Certains avancent aussi que le chiisme a été fondé par Ja'far al-Sâdiq, descendant de l'Imam Ali, et lui-même sixième imam pour les chiites. Il y a des gens qui ont ajouté foi à l'idée que le chiisme à été inventé par les iraniens pour se venger des arabes, et qu'il n'a par conséquent que des causes politiques.
D'autres considèrent que le chiisme est inhérent à la société, et qu'il se propage en raison des développements qui interviennent dans la société musulmane, au cours des âges. La thèse la plus excentrique, mais qui a longtemps passé pour la thèse quasi-officielle, du moins aux yeux des non-chiites, est celle qui fait du chiisme le produit de la pensée d'un personnage illusoire appelé Abdullah ibn Sabâ'. La critique moderne a largement contribué au rejet de cette thèse en en montrant les faiblesses, et en démontrant l'inexistence historique du personnage, simple création imaginaire manipuléepar les ennemis du chiisme en vue de le discréditer.
Le Dr Tâhâ Hussein, le grand penseur égyptien, écrit: "Ce que prouve, pour le moins, l'indifférence des historiens à l'égard de la Sabâ'iyya et d'ibn Sawdâ la bataille de Siffîn, est que cette question de la Sabâ'iyya et d'ibn Sawdâ'(autre nom d'ibn Sabâ), avait été forgé plus tard, lorsque la dispute est née entre les chiites et les autres sectes musulmanes. Les adversaires du chiisme voulaient y introduire un élément judaïque, pour comploter contre lui et lui porter atteinte.
Mais si ce personnage d'Ibn al-Sawdâ avait quelque authenticité, et quelque réalité historique, il aurait été normal et logique que son action eût un effet pertinent dans cette bataille complexe qui eut lieu à Siffî n, et on en aurait retrouvé un effet dans la discorde qui survint entre les compagnons de Ali, et qui les divisa pour toujours, au sujet du gouvernement des musulmans." 107
Le docteur Muhammad Kurd Ali, écrit ce qui suit: "Ce qu'enseignent certains auteurs à savoir que l'origine du chiisme consiste dans une innovation introduite par Abdullah ibn Sabâ, connu sous le surnom d'Ibn al-Sawdâ', est pure imagination, une preuve d'ignorance de la doctrine du chiisme. Quiconque apprend le rang qu'occupe ce personnage chez les chiites, qui le désavouent complètement, constatera l'unanimité de son rejet par les savants chiites. Mais il ne fait aucun doute que le berceau du chiisme fut le Hidjaz, pays natal de l'Imam Ali.
Le chiisme y était faible extérieurement, mais bien ancré dans les coeurs. Puis, il trouva à se répandre plus facilement en Irak sous le califat d'Ali ibn Abi tâleb."108 Quant à Ali al-Wardi, professeur à l'Université de Baghdad, il s'interroge:
"Ibn Sabâ avait-il jamais eu une existence concrète ou bien n'est-il qu'un mythe? C'est une question qui revêt une grande importance aux yeux de quiconque cherche à s'instruire ou à enquêter au sujet de l'histoire de la société musulmane. J'affirme qu'Ibn Sabâ, dont on dit qu'il fut le moteur de la sédition est un personnage irréel; il semble même que ce personnage étrange a été imaginé de façon délibérée. Même le Prophète fut accusé par ses compatriotes qoraychites d'avoir reçu un enseignement de la part d'un chrétien nommé "Jabr", et de se contenter de répéter ces enseignements."109
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