LA QUESTION DE L'IMAMAT



Au lieu de s'attacher à définir les critères de compétence religieuse, de savoir et de vertu à requérir du successeur du Prophète -Imam ou calife- les compagnons présents dans la Saqîfa des Banou Sâ'ïda se limitaient aux critères anciens du tribalisme arabe: la puissance du clan, la richesse, disant par exemple: "Vous êtes des gens puissants et détenteurs de grandes richesses, vous êtes plus grands en nombre, et mieux préparés. Tout le monde attend de voir ce que vous allez faire."87

Omar ibn al-Khattâb s'adresse ainsi à son favori Abou Bakr:
"Tu es plus digne que nous de cette charge. Tu es le plus ancien, parmi nous, des compagnons du Prophète, et le meilleur d'entre nous en richesse."

Chacun rivalisait avec son voisin, non pas dans la piété et la religion, mais dans la richesse et dans la force du clan. Ils se montraient réfractaires à toute idée d'un pouvoir entièrement bâti sur la nouvelle religion. Quant à comprendre l'impeccabilité du Prophète et la nécessité pour son successeur d'être également sans faute, pour pouvoir hériter de la charge de chef de la communauté musulmane, cela était une chose que l'on ne pouvait plus attendre de ces bédouins que l'islam n'avait pas entièrement pénétrés.

C'est une chose qu'humainement parlant on ne peut leur reprocher. Mais on peut par contre les blâmer du peu de souci qu'ils ont eu d'asseoir le gouvernement c alifal sur des bases plus solides. Plus tard, même Omar regrettera -comme nous l'avons déjà ci té- la hâte que l'on mit pour désigner Abou Bakr à la succesSion du Prophète.

Abou Bakr dira lui-même de son investiture:
"Ô gens! J'ai été désigné comme votre chef et je ne suis pas le meilleur d'entre vous si je fais une bonne chose aidez-moi, et si je fais du mal, corrigez-moi!"88

Personne n'a ignoré le rang et la valeur de Ali ibn Abi Tâleb.
Dans son commentaire du Nahdj al-Balâgha, Ibn abi al-Hadid rapporte la réponse de Omar ibn al-Khattâb à Abdallah ibn Abbâs qui lui avait parlé de Ali, de son grand mérite, de ses antécédents, de ses combats pour l'islam, de sa parenté avec le Prophète et de son savoir:
"J'en jure par Dieu que si ton ami (Ali) détendait le pouvoir, il conduirait les gens vers le Livre de Dieu et la Tradition du Prophète et leur montrerait la voie du salut."89

Ibn Qotayba rapporte une discussion qui eut lieu entre Ali et les partisans d'Abou Bakr, Ali refusant de prêter allégeance au premier calife.
Ali dit: "Je suis plus digne de cette charge que vous; et il vous incomble plutôt A vous de me prêter allégeance."
Omar lui répondit: "On ne te laissera pas partir avant de prêter allégeance..."
Ali dit: "J'en jure par Dieu, Omar, que je n'accepte pas tes propos, et que je ne prêterai pas serment"

Alors, Abou 'Obeyda ibn al-Jarrâh dit à Ali: "Ô mon cousin!
Tu es jeune, et ces gens-ci sont les plus vieux de ton peuple, tu ne possèdes pas leur expérience ni leur connaissance des affaires.
Je pense qu'Abou Bakr est bien plus fort que toi, plus apte et plus résistant Confie-lui cette affaire. Si tu restes en vie longtemps, tu sera certes doté du caractère requis pour cette charge, puisque tu en es l'ayant-droit, par ta vertu, ta religion, ta science, ta perspicacité, ton passé, ta lignée, ton mariage."90

Le Cheikh Tabrassi rapporte les mêmes faits et ajoute que Ali prononça ensuite ces paroles:

"Ô vous les Ansârs et les Muhâdjirouns! Je vous en conjure par Dieu, n'oubliez pas la promesse que vous avez donnée à votre Prophète à mon sujet. Ne faites pas sortir l'autorité de Mohammad de sa demeure et du fond de sa maison, pour la mettre dans vos demeures et vos maisons! Ne repoussez pas les siens, et ne les empêchez pas d'hériter de ce qui lui revenait et de son rang, parmi les gens.



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