Livre sur l'Imam Hassan (A.S)Haine et ambition, enfin, d'autant plus profondes et tenaces qu'on peut les qualifier d'héréditaires, d'ancestrales et de séculaires. Ecoutons à ce propos ce que dit l'écrivain égyptien 'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd qui n'a pourtant rien d'un détracteur inconditionnel des Omayyades: «Hâchim[82] et Omayah[83] rivalisaient déjà , avant la naissance de Mu'âwiyeh, pour le leadership; c'est ce qui poussa Omayyah, contraint et haineux, à quitter le Hijâz pour la Syrie alors que Hachim resta seul leader des Banu 'Abd al-Manâf[84] à la Mecque. Ce fut ainsi la première division entre Omayyades et Hâchimites: ceux-ci établissent leur fief au Hijâz, et ceux-là en Syrie. »Plus tard la notoriété de Abou Sufiyân fils de Harb, fils d'Omayyah grandira au Hijâz où il jouira d'un leadership sublime à côté de celui des Hâchimites. »Lorsque l'appel de Muhammad fut lancé, Abu Sufyân Ibn Harb Ibn Omayyah (le père de Mu'âwiyeh) eut des craintes pour son leadership et se mit à l'avant-garde de ceux qui combattaient le nouvel Appel. Il est rare de trouver une bataille contre les Musulmans dans laquelle Abou Sufiyân n'eût pas sa part active dans la mobilisation des tribus et la collecte d'argent. Le hasard voulut qu'il restât pendant un temps le seul dirigeant de la tribu de Quraich dans la guerre qu'elle menait contre le Prophète. En effet, après la mort d'al-Walid Ibn Mughirah, le chef des Makhzoum, et la conversion des chefs de Taym et d'autres petits clans Quraychites à l'Islam, Asbou Sufiyân resta seul à la tête de la direction de la Jahiliyya[85] et des Omayyedes à affronter le Prophète et ses Compagnons parmi les Muhâjirine (les emigrants Mecquois) et Ançâr (les partisans Médinois). L'enracinement de l'animosité chez les Omayyodes envers le Prophète atteignit un tel degré qu'Abou Lahab fut le seul parmi les oncles paternels du Prophète à comploter et à inciter les gens contre lui; et pour cause: il était marié à une Omayyade, Om Jamil Bint Harb (la propre sur d'Abou Sufyân) que le Coran désigna sous le surnom de "Hammâlat al-Hatab" (la porteuse de bûches) métaphore de l'effort qu'elle avait déployé en vue du mal et de l'attisement du feu de la haine. »Abou Sufiân et son fils Mu'âwiyeh ne se sont convertis à l'Islam que lors de la Conquête de la Mecque. La conversion de cette famille fut la conversion la plus difficile qu'on ait connue après la Conquête. Ainsi, sa femme Hind Bint 'Otbah criait aux visages des gens, après la conversion de son mari à l'Islam: "Tuez cet homme bas, perfide, et vaurien. Quel détestable avant-garde d'un peuple!... Allez! Battez-vous! Défendez-vous et défendez votre pays! »Abou Sufiyân considéra pendant longtemps la victoire de l'Islam comme une victoire sur lui. Un jour alors qu'il jetait sur le Prophète, dans la mosquée, un regard de perplexité et d'étonnement en se disant mentalement "comme j'aimerais savoir par quoi il m'a vaincu!", le Prophète qui devina la signification de ce regard s'approcha de lui... et dit: "c'est par Dieu que je t'ai vaincu, Ô, Abou Sufiyân!. »Dans la bataille de Hunayn[86], Abou Sufiyân assistait à la première défaite des Musulmans et s'enthousiasmait: "Je ne crois pas qu'ils s'arrêtent avant de gagner la mer dans leur faite!", et on dit que dans les guerres contre les Romains chaque fois que ces derniers s'avançaient, il criait sa joie: "Bravo les fils du jaune"[87], et chaque fois qu'ils reculaient, il exprimait tout haut sa déception: "Malheur aux fils du jaune. »Le Prophète avait fait tout son possible pour le rallier à la cause de l'Islam avant et après la conquête islamique. Il épousa sa fille Om Habibah avant la conquête, et après la conquête, il décréta l'immunité de sa maison: "Celui qui y entre est en sécurité...". Il le mit à la tête des "coeurs à rallier" à qui on augmentait la paie dans l'espoir d'éloigner de leurs curs la rancune due à la victoire de l'Islam. »Mais malgré cela, les Musulmans l'évitaient. Ils refusaient de le regarder et de le fréquenter. Il finit par se lasser de cet isolement et voulut y mettre fin. Aussi pria-t-il le Prophète d'engager son fils Mu'âwiyeh comme scribe auprès de lui[88] et de lui donner l'ordre de combattre les polythéistes tout comme il combattait jadis les Musulmans.
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