Livre sur l'Imam Hassan (A.S)Et al-Mawdoudi d'ajouter: «... C'est ce même al-Walid Ibn 'Oqbah que 'Othman nomma en l'an 25 H., gouverneur de cette grande province qu'était Kûfa, à la place de Sa'ad Ibn Abi Waqqâç, et c'est là que tout le monde découvrit qu'il était tellement alcoolique qu'un jour il accomplit en état d'ébriété et à la tête des fidèles la Prière de l'Aube en quatre Rak'ah (au lieu de deux) et se retourna vers les priants pour leur demander: en voulez-vous davantage!?»[137] Couverts par la caution de la plus haute autorité islamique officielle (le Calife), occupant les postes de responsabilité les plus sensibles et les plus influents, auréolés du prestige des plus hautes fonctions dont ils assuraient la charge, ces Tulaqâ', imprégnés des séquelles de la Jâhiliyyeh entachèrent largement et profondément de leur impureté la page jusque-là blanche de l'Expérience islamique. Etant de par leurs positions et leurs fonctions les dirigeants, l'exemple à suivre, les guides et les conducteurs de l'Expérience islamique, ils étaient tout désignés pour conduire celle-ci inévitablement vers la déviation à un moment où la communauté musulmane était en pleine expansion et comptait dans ses rangs beaucoup de nouveaux convertis qui ne savaient pas distinguer ce qui était vraiment islamique de ce qui ne l'était pas. Car même si l'on concédait ou supposait que les "amnistiés" aient pu se dépouiller de leur haine d'antan pour l'Islam et ses institutions anti-jâhilites et accepter volontairement celles-ci, ils étaient mal placés pour s'y conformer parfaitement ou les appliquer correctement, comme cela est indispensable pour tout guide ou dirigeant l'insinuations. Si à l'époque du Prophète, celui-ci ou les Compagnons pieux étaient toujours là pour les rappeler à l'ordre et les obliger à respecter les règles de la religion à laquelle ils étaient censés adhérer, sous le Califat de 'Othman, non seulement ils sont devenus les maîtres de leur conduite, mais bien plus, ils tenaient à leur merci les Compagnons, l'Etat et la Ummah. Ecoutons encore ce que dit 'Aboul A'lâ al-Mawdoudi à ce sujet: «Le fait que 'Othman plaça ces gens, "les Tulaqâ'", au-dessus de tout le monde eut des répercussions profondes et dangereuses. En voici deux: la première tient au maintien de Mu'âwiyeh à la tête d'une région très étendue (...) et considérée sur le plan militaire comme la zone la plus importante de l'Etat islamique à l'époque, car elle avait à sa droite toutes les provinces orientales et à sa gauche toutes les provinces occidentales. Elles avaient donc la valeur d'une digue isolante: si jamais son gouverneur venait à dévier du centre de l'Etat, il pourrait alors isoler les provinces orientales des provinces occidentales. Mu'âwiyeh se cramponna pendant assez longtemps à la tête du gouvernement de cette région pour pouvoir y enfoncer solidement ses racines et fixer ses piliers, à tel point qu'il n'était plus sous le pouvoir du centre principal de l'Etat, ou plutôt celui-ci était devenu dépendant de lui et soumis à lui (...). La seconde était le fait que 'Othman nomma Marwân Ibn al-Hakam au poste de "Secrétariat du Calife", et le considéra comme son conseiller et protecteur, ce qui permit à ce dernier de proférer à l'adresse des Compagnons des menaces difficilement supportables, venant d'un amnistié».[138] Cette mainmise totale des Tulaqâ' sur la direction de l'Etat islamique, ils la devaient principalement - en tout cas initialement - à leur tribalisme. Leur esprit revanchard - autre facette du tribalisme - les poussait à se soucier avant tout de s'emparer totalement de cet Etat islamique qui les avait humiliés et privés de leur gloire jâhilite de jadis. Mais sachant qu'ils n'étaient guère bien placés pour prétendre à la direction de l'Etat islamique tel qu'il fut institué par le Prophète, et qu'ils n'avaient aucune chance de pouvoir rivaliser dans ce domaine avec des hommes pieux dont la vie s'identifiait à l'esprit et à la lettre du Message, ils s'appliquèrent à estomper les règles de la morale islamique et à répandre des valeurs matérielles et temporelles que l'Islam avait combattues et dans lesquelles les prétendants légitimes à la direction de l'Expérience islamique ne sauraient rivaliser avec eux.
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