Livre sur l'Imam Hassan (A.S)



»Puis le Prophète a rendu l'âme et un différend surgit entre les Muhajirine et les Ançâr et certains autres Compagnons à propos de sa succession. Abou Sufiyân s'est réjoui de ce trouble et a cru pouvoir opérer une brèche entre ses fissures, brèche qui le conduirait à prendre la direction des Quraich, et de là la direction de la Ummah tout entière. Aussi s'est-il rendu chez (l'Imam) 'Alî et al-'Abbas (prétendants à la succession), dans l'intention de les inciter (à agir) et de leur proposer son aide en hommes et en chevaux: "Ô 'Alî! Et toi 'Abbas! Comment se fait-il que la succession soit revenue à la plus petite et la plus basse tribu de Quraïch! Par Dieu, si tu le désires, je l'inonde (Abou Bakr) d'hommes et de chevaux... [89]

»Sans doute, était-il loin de s'irriter de voir la succession échapper aux Bani Hâchim. Mieux il ne se serait guère réjoui de voir la succession revenir à eux, auquel cas il n'eût aucun espoir de la leur arracher. Tout ce qu'il voulait c'était raviver un différend par lequel il espérait ouvrir une porte le conduisant à la direction de Quraïch et de toute la Ummah.

»Sa malveillance n'échappa pas à l'Imam 'Alî qui lui rétorqua: "... Ô Abou Aufiyân...! Les Croyants sont les conseillers les uns des autres, alors que les hypocrites se trompent et se trahissent les uns les autres, même s'ils sont proches - de maisons et de corps - les uns des autres".

»Lorsque, enfin, 'Othman accéda au Califat, les Omayyades obtinrent une grande victoire, car il était l'un de leurs chefs et un proche cousin de leurs familles. L'Etat islamique devint un Etat Omayyade aux avantages et au gouvernement duquel personne d'autre que les Omayyades eux-mêmes ou leurs partisans ne pouvait accéder. Ainsi, Marwân Ibn al-Hakam, le Super Viser du Calife distribuait généreusement les biens à ses proches et en privait les masses. Mu'âwiyeh Ibn Abu Sufiyân, le gouverneur de la Syrie s'entourait de proches et de partisans... Lorsque 'Othman mourut, les posses de l'Etat et ses biens étaient, pour ainsi dire, tous entre les mains des Omayyades et des parvenus à leur solde...». [90]

La haine d'Abou Sufiyân pour la Famille et l'ascendance du Prophète et même pour l'Islam qu'il assimilait à cette Famille était d'autant plus inextinguible que toutes les faveurs que le Prophète lui avaient accordées n'ont pas réussi à l'amadouer. Même après le décès du Messager. On aurait dit que c'était une haine noire indissociable de son existence. Lorsque le 3e Calife, 'Othman accéda au Califat, Abou Sufiyân crut pouvoir enfin prendre sa revanche contre la Famille qu'il n'avait jamais cessé de jalouser et contre les croyances auxquelles il l'identifiait:

«Le voilà (le Califat) enfin à vous, dit-il au nouveau Calife en guise de félicitations! Tiens-le donc comme un ballon et fais en sorte que les Omayyades en soient les épieux. Ce qui compte, c'est de régner. Je ne sais guère ce qu'est le Paradis et ce qu'est l'enfer...".[91]

Le tribalisme sectaire du père de Mu'âwiyeh l'empêchait de voir dans l'Islam un Message divin au-dessous de toute considération tribale et d'après lequel le meilleur des hommes est celui qui craint le plus Dieu et agit en conséquence. Pour lui le Message n'était autre que le règne, le pouvoir du clan du Prophète, à l'encontre duquel sa Famille éprouvait une jalousie chronique. En témoigne ce qu'il dit un jour en entrant chez 'Othman à l'époque de son Califat:

«Mon Dieu fasse que le Califat soit jahilite, le règne usurpateur, et les épieux de la terre, les Omayyades».[92]

Mu'âwiyeh sera-t-il moins ingrat que son père?! La faveur dont le Prophète le gratifia en l'amnistiant et en faisant de lui un de ses scribes - ce qui permit au 2ème Calife de le nommer par la suite Gouverneur de Damas - aura-t-il raison de l'esprit sectaire, tribal et haineux dans lequel son père considérait et regardait la Famille du Messager?!

Rien de moins sûr. Autant le sentiment de haine et de jalousie envers la Famille du Prophète était ancien chez les Omayyades, autant ce sentiment semblait profond chez Mu'âwiyeh. La démonstration en est ce récit incontestable de Matraf Ibn al-Mughirah Ibn Cho'bah, que l'histoire nous laisse comme un document irréfutable:



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