Livre sur l'Imam Hassan (A.S)



Selon un autre récit, lorsque l'Imam al-Hassan arrive à Sâbât, avant de regagner son refuge, un homme de la tribu de Bani 'Asad (al-Jarrâh Ibn Sanan) qui l'avait précédé à ce relai, jaillit soudain, attrapa la bride de sa monture, et lui donna un coup d'épée à la jambe, le blessant très grièvement.[123]

S'étant assuré que les désertions, les rumeurs et la subversion avaient entamé le moral des troupes de l'Imam al-Hassan et désorganisé son armée, Mu'âwiyeh entreprit l'exécution d'un nouveau volet de son plan. Il envoya au camp de l'Imam une délégation de trois émissaires pertinemment choisis pour jouer leur rôle de "bons offices". Il s'agissait de 'Abdullah Ibn Kariz, 'Abdul Rahmân Ibn al-Hakam et al-Mughirah Ibn Chu'bah.

Ces émissaires montrèrent à al-Hassan les lettres que des chefs de tribus et des personnalités irakiennes - c'est-à-dire ceux-là mêmes censés être les commandants de son armée - avaient envoyées à Mu'âwiyeh et dans lesquelles ils expliquaient que leur engagement dans les troupes du Califat légal avait pour but de saper celui-ci, le moment venu, de l'intérieur.

L'Imam al-Hassan lut les lettres, reconnut les écritures et s'assura de leur authenticité. Ce n'était pas vraiment une surprise pour lui. Il avait eu plusieurs occasions d'être déçu par ces hommes qu'il s'efforçait courageusement de guider vers le droit chemin et qui cependant lui avait fait souffrir le martyre tout comme ils l'avaient fait avec son père l'Imam 'Alî.

Après avoir présenté ces "lettres-arguments" à l'Imam, la délégation lui fit part de l'offre de Réconciliation de Mu'âwiyeh dans laquelle celui-ci lui laissait le soin de fixer les conditions qu'il estimait convenables. Si les délégués demandaient une réponse rapide de l'Imam, celui-ci n'était guère prêt à la leur donner tout de suite, car la situation exigeait une ultime réflexion et un dernier examen de l'état d'esprit de ses troupes.

Certes, il était conscient de la désintégration de son armée et des incohérences de ses troupes et savait que, telles qu'elles étaient actuellement, celles-ci ne pesaient guère devant les forces de la rébellion. Mais il savait également et mieux que quiconque qu'en tant que Calife légal, il ne pouvait accepter un compromis ou une abdication de son mandat, sans y être vraiment contraint et sans être certain que les circonstances présentes et l'avenir du Message imposaient provisoirement une telle solution.

En d'autres termes, si sa position de Calife légitime requérait qu'il ne cédât pas à la rébellion contre l'autorité islamique légale, son devoir d'Imam prédésigné, de gardien et continuateur de l'Expérience islamique entreprise par le Prophète recommandait sans doute que son attitude présente soit prise en fonction du cheminement futur de cette Expérience.

En tout état de cause, l'Imam al-Hassan n'ignorait pas que chez le fils d'Abou Sufiyân, la volonté farouche de conquérir l'Etat islamique qu'avait fondé le Prophète égalait sa haine noire pour la Famille et les descendants du Prophète ainsi que pour leur partisans, et que si l'occasion lui était offerte, il ferait tout pour anéantir cette Famille et avec elle tous les Musulmans pieux qui oseraient lui rappeler son devoir de ne pas s'écarter des enseignements du Livre et des Traditions du Prophète.

Pour ne pas sombrer dans le piège diabolique que lui tendit Mu'âwiyeh, l'Imam ne donna donc pas de réponse aux émissaires de Mu'âwiyeh, se contentant de prêcher à leur intention leur devoir envers Dieu, leur obligation de penser à l'intérêt général de la Ummah et de leur rappeler qu'ils auraient à répondre de leur attitude vis-à-vis de lui devant Dieu et le Prophète.

Mais c'était prêcher dans le désert que d'espérer un quelconque bien de ces hommes soigneusement désignés par Mu'âwiyeh pour exécuter une mission satanique et un plan préalablement établi. Ainsi, une fois sortie du cabinet de l'Imam, ils se faufilèrent entre les tentes des soldats qui brûlaient d'envie de connaître le résultat de l'entretien, et affectant un air de satisfaction, ils leur annoncèrent perfidement et sournoisement: «Par le fils du Messager, Dieu a empêché l'effusion du sang, nous a évité les troubles et a apporté la réconciliation».[124]



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