Livre sur l'Imam Hassan (A.S)



Du côté de Mu'âwiyeh, animé qu'il était par son ambition pour le pouvoir et sa haine noire pour la Famille du Prophète, et fort de la puissance et de la cohésion de son armée, il avait en principe tout intérêt à engager le plus tôt possible l'épreuve de force contre le camp du Calife en titre en profitant de sa division et de son affaiblissement après l'assassinat de l'Imam 'Alî.

Du côté de l'Imam al-Hassan, les raisons de livrer cette bataille étaient encore plus solides, et plus nombreuses. En tout cas une seule suffisait: le Calife légal avait en principe le devoir de le faire quelqu'en soit le résultat, si cela ne tenait qu'à lui évidemment.

En outre, l'Imam al-Hassan était un homme intransigeant, qui ne badinait pas avec les principes, un esprit combatif qui ne se laissait pas intimider, et il connaissait mieux que quiconque Mu'âwiyeh, son passé et ses arrière-pensées pour savoir qu'il était nécessaire de le combattre.

Ceci dit, il faut comprendre que si, malgré toutes ces raisons, ladite bataille apparemment inévitable tarda à s'engager pour être finalement évitée (grâce au sens aigu du devoir et à la lucidité de l'Imam al-Hassan, ainsi qu'à la maîtrise de soi qui caractérisait tous les Imams d'Ahl-ul-Beyt) c'est parce qu'elle avait cette particularité que son enjeu résidait moins dans son issue immédiate - victoire ou défaite - que dans les conditions de son engagement et ses conséquences à court, à moyen et à long termes.

En un mot, Mu'âwiyeh savait qu'il ne suffisait pas d'exterminer la Famille du Prophète au terme d'une bataille victorieuse pour instaurer un Etat omayyade qu'il n'avait cessé d'ambitionner, et al-Hassan était conscient que sacrifier sa vie et celles de ses adeptes dans un combat désespéré ne sauverait pas le Message de la déviation omayyade.

En effet, concernant Mu'âwiyeh, il n'ignorait pas que le pouvoir qu'il s'apprêtait à conquérir était celui d'un Etat irréversiblement islamique et que s'il voulait en prendre la direction, il faudrait qu'il fasse preuve d'un minimum de respect pour ses institutions et pour ceux qui l'incarnaient et s'y identifiaient.

Il savait que son passé d' "amnistié", de "coeur à rallier"[149] ainsi que celui de sa famille, laquelle s'était illustrée par sa haine farouche pour le Prophète et l'Islam, faisaient de lui à juste titre un prétendant suspect à la direction de l'Etat islamique.

Il n'avait pas oublié que les Musulmans s'écartaient de son père comme d'un "intouchable" et évitaient de le fréquenter après sa conversion forcée à l'Islam.[150] Il se rappelait que la raison principale de la montée de la contestation sous le Califat de 'Othman et le grief principal que les Compagnons faisaient à celui-ci étaient justement la présence d'hommes comme lui aux postes clés de l'Etat islamique.

Conscient donc des risques que comportait pour l'avenir de ses projets l'extermination des membres de la Famille du Prophète ainsi que de tous les Compagnons éminents et les Musulmans pieux qui leur étaient acquis, Mu'âwiyeh s'est ingénié à pousser l'Imam al-Hassan à commettre une faute pour lui faire supporter la responsabilité d'une guerre qu'il n'avait aucune chance de gagner.

C'est pourquoi tout en mettant sur le pied de guerre son armée, tout en s'apprêtant à envahir le territoire contrôlé par le Calife en titre, tout en multipliant les complots pour déstabiliser le camp de l'Imam al-Hassan et isoler celui-ci, il se montrait publiquement très conciliant, soucieux à l'extrême d'éviter l'effusion de sang, très désireux de ramener la paix et de rétablir l'unité de la Ummah, et il déployait toutes les ressources de sa sournoiserie et de sa perfidie pour laisser croire que c'était pour ces raisons qu'il voulait diriger l'Etat islamique et qu'il serait le mieux placé dans les circonstances actuelles pour accomplir cette tâche.



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