Livre sur l'Imam Hassan (A.S)



Lorsque son cortège s'apprêtait à quitter Kûfa, la capitale de son Califat et de celui de son père, les Kufites, hébétés, désemparés, les larmes aux yeux, sortirent dans la rue pour faire leurs adieux à celui qui avait tant fait et souffert vainement pour les conduire vers le droit chemin et susciter chez eux l'esprit de sacrifice.

Le départ de l'Imam avait eut l'effet d'un choc pour les habitants de cette ville qui était encore, il y a quelques jours, la capitale de l'Etat islamique et dont s'était emparé un état de désolation collective depuis l'arrivée de l'armée de Mu'âwiyeh qui y faisait régner, déjà, la terreur. Cette terreur à laquelle s'ajoutaient le transfert du siège du Califat vers Damas, et les propos arrogants que Mu'âwiyeh venait de tenir à l'adresse des Kufites, donna à ceux-ci l'impression que le départ de l'Imam al-Hassan auquel ils assistaient tristement annonçait le début de réalisation d'un cauchemar qui les hantait depuis quelques jours: la fin de l'Etat islamique et de la bénédiction, de la fierté que leur apportait jusque-là, la présence du petit-fils du Prophète.

Une fois arrivé à Médine, le cortège de la Famille du Prophète fut accueilli par les siens avec tous les honneurs dus. Dès que l'Imam al-Hassan se rétablit dans sa ville natale, il se prépara à la poursuite de sa mission d'Imam des Musulmans et de gardien du Message, conformément aux exigences de la nouvelle situation, loin des projecteurs du pouvoir.

Hier comme aujourd'hui, un seul souci l'animait: empêcher la déviation de s'identifier aux nobles préceptes du Message.

Avant le Traité, il s'était efforcé de mobiliser les Musulmans afin d'affronter militairement la déviation et de s'opposer à ses tentatives de faire sien l'Etat islamique. Mais il avait vite réalisé pendant les quelques mois de son Califat que la déviation avait tellement progressé que la corruption avait atteint le corps même de la Ummah grâce aux prérogatives du pouvoir que les ex-Tulaqâ' avaient obtenues sous le Califat de 'Othman.

En outre les Omayyades avaient tellement prisé le pouvoir et mis en évidence leur tribalisme, leur esprit de corps et leur solidarité tribale au mépris de toutes autres considérations religieuses, que "la lutte pour le pouvoir" apparaissait aux yeux de beaucoup de Musulmans comme étant devenue un signe des temps et que le combat mené par l'Imam al-Hassan contre la rébellion de Mu'âwiyeh leur semblait s'inscrire dans un contexte de querelle de chefs et de clans pour le pouvoir.

Après la signature du Traité, l' "Etat islamique" étant devenu irréversiblement un royaume temporel omayyade, l'Imam al-Hassan s'est fixé pour objectif de montrer aux Musulmans la ligne de démarcation qui séparait les frontières des deux états, et distinguait nettement la cause islamique qu'il défendait des considérations tribales et des ambitions pour le pouvoir qui animaient Mu'âwiyeh et les Omayyades.

Ayant abdiqué le pouvoir au profit des Omayyades, et écarté ainsi toute possibilité d'être soupçonné de partager les ambitions de ces derniers pour le leadership temporel de la Ummah, l'Imam al-Hassan se consacra désormais à l'orientation et à l'éducation missionnaire des Musulmans, leur permettant de constater, grâce à sa conduite islamique scrupuleuse, que le seul principe qui l'avait toujours guidé était l'obligation d'appliquer les enseignements du Message dans tous les domaines de la vie individuelle ou collective, personnelle ou sociale, et ce, quelles que soient les circonstances.

Autant Mu'âwiyeh confirma après sa prise du pouvoir la déviation que les ex-Tulaqâ' avaient imposée au cheminement de l'Expérience islamique, autant l'Imam al-Hassan démontrera par son attitude foncièrement islamique, après la signature du Traité de Réconciliation, qu'il incarnait la fidélité à la ligne du Prophète.

Autant Mu'âwiyeh montra - par la violation de ses engagements que rien ne valait à ses yeux la conservation d'un pouvoir usurpé, même pas la Religion, autant l'Imam al-Hassan prouvera, par son respect absolu de l'engagement qu'il avait pris devant les Musulmans de laisser le pouvoir à Mu'âwiyeh, sa vie durant, que rien ne pouvait le détourner de son attachement aux commandements de la Religion, pas plus son droit légitime au pouvoir que la trahison de son adversaire.



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