Livre sur l'Imam Hassan (A.S)Ces fourbes insinuations avaient pour but d'une part de démobiliser l'armée d'al-Hassan, d'autre part d'accentuer ses divisions et faire éclater au grand jour ses contradictions latentes. Elles ne manquèrent pas de produire leurs effets venimeux qui atteignirent le point sensible des Muhakkimah[125], lesquels ne s'étaient joints aux troupes de l'Imam que pour se venger de Mu'âwiyeh. Touchés au vif, ces Kharijites revanchards piquèrent une crise de colère à l'annonce tendancieuse de la délégation omayyade. Leur révolte faillit tourner à l'émeute et aux affrontements intestines. Une fois la délégation repartie et le calme revenu, I'Imam al-Hassan décida après mûre réflexion de réunir ses troupes ou ce qu'il en restait pour sonder leur intention et connaître leur disposition, car après tout ce qui venait de se passer depuis son accession au Califat, il estima que la décision finale qu'il devrait prendre - réconciliation ou combat - pour limiter les dégâts que Mu'âwiyeh était en train de causer au Message, à l'Expérience islamique et à leur avenir, dépendrait largement des motivations, de la combativité et de l'état d'esprit de son armée. Aussi, lorsque ses troupes se rassemblèrent l'Imam al-Hassan leur dit: «Mu'âwiyeh nous propose quelque chose qui n'est ni honorable ni équitable. Si vous acceptez le sacrifice, nous l'affronterons et nous laisserons les épées exécuter le jugement de Dieu à son encontre. Mais si vous préférez la tranquillité, nous accepterons sa proposition et nous obtiendrons pour vous satisfaction...». [126] Paradoxe! Déception! De partout des voix s'élevèrent: «Signez le contrat de réconciliation!» Aucun avis contraire, aucune voix discordante, même dans les rangs des Muhakkimah, censés refuser tout compromis avec Mu'âwiych! Avaient-ils fini par se convaincre eux aussi que la conjoncture actuelle n'était guère propice et qu'une bataille contre la puissance montante de Mu'âwiyeh était, par les temps qui couraient, perdue d'avance? Cet empressement des soldats de l'Imam al-Hassan d'exprimer quasi unanimement leur désir de ne pas se battre, sans surprendre totalement le petit-fils du Prophète, tua en lui tout espoir de tenter à nouveau de mobiliser les Musulmans dans le combat qu'il voulait mener dès le premier jour de son Califat contre la rébellion déviationniste. L'Imam a compris que tous ses prêches, tous les efforts inlassables qu'il avait déployés pour les amener à prendre conscience de l'importance de l'enjeu, de la nécessite impérieuse de défendre la ligne du Prophète et du Califat-Bien-Dirigé, étaient vains, et que par conséquent, pour le moment, engager une épreuve de force inégale et désespérée contre les rejetons d'Abou Sufiyân, d'Abou Lahab et de la Porteuse de bois[127] (Hammâlat al-Hatab), équivalait à court terme à un suicide et à long terme s'avérerait du moins sans grand effet sinon nuisible. LE MAL PERNICIEUX
La préférence des soldats de l'Imam al-Hassan pour la réconciliation avec Mu'âwiyeh faisait vivre au petit-fils du Prophète des moments dramatiques ou plutôt un drame à double cause: la répugnance de l'Imam à traiter avec la déviation d'une part, l'impossibilité - dans laquelle il se trouvait - de mobiliser les Musulmans en vue d'enrayer le danger qui guettait leur religion d'autre part. Si la première cause est tout à fait compréhensible et légitime, la seconde pourrait prêter à interrogation: pourquoi l'Imam al-Hassan ne parvenait-il pas à mobiliser les masses musulmanes pour la défense de sa cause, Rien dans la personnalité prestigieuse de l'Imam al-Hassan ne laissait présager cette situation paradoxale!
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