Livre sur l'Imam Hassan (A.S)



Mais Mu'âwiyeh qui guettait tous les mouvements des chefs de l'armée d'al-Hassan et attendait le résultat de l'action subversive de ses agents, n'a pas tardé à ouvrir à 'Obeidullah, dont il n'ignorait apparemment pas la personnalité égocentrique, une porte de sortie, ou plutôt le chemin de la dérobade, en lui envoyant une lettre dans laquelle il brandissait le bâton et la carotte: «Al- Hassan m'a écrit. Il compte renoncer en ma faveur. Si tu m'obéis maintenant, tu le ferais en maître, autrement tu le feras en suivant».[118]

Le tout accompagné d'une offre alléchante de "mille mille dirhams". 'Obeidullah Ibn 'Abbas dont l'un des traits saillants était la mégalomanie trouva l'aubaine trop belle pour hésiter. La nuit tombée, il se glissa comme un vulgaire voleur vers le camp de Mu'âwiyeh confirmant ainsi son passé de défaitiste fuyard. N'avait-il pas déjà fui sa responsabilité pour sauver sa peau en quittant le Yémen et en y laissant ses deux fils à la merci des bourreaux qui n'hésitèrent pas à les assassiner à sa place?

Au petit matin, le campement de son armée se réveilla en état de choc, ahuri par la désertion du commandant. Quelle fut la réaction des combattants? Les hypocrites et les opportunistes sautaient de joie, les fidèles de l'Imam avaient les yeux en larmes, et tout le monde s'interrogeait sur l'attitude à prendre.

Une grande partie de l'armée finit par suivre l'exemple de 'Obeidullah Ibn 'Abbas et joignit les troupes de Mu'âwiyeh. Pour arrêter l'hémorragie et remonter le moral des soldats, le nouveau commandant désigné d'avance par l'Imam al-Hassan, Qays Ibn Sa'ad réunit les combattants et prononça un discours dans lequel il tenta de minimiser l'importance de l'attitude de 'Obeidullah Ibn 'Abbas:

«Ô gens! Ne soyez pas trop surpris par ce que cet homme soudoyé vient de faire. Ni lui, ni son père ni son frère n'ont jamais fait quelque chose de bien. Son père qui est l'oncle paternel du Prophète avait combattu celui-ci à Badr et a été fait prisonnier. Son frère, nommé par l'Imam 'Alî gouverneur de Basrah ne tarda pas à voler l'argent des Musulmans pour s'offrir des servantes tout en prétendant que son action était licite. Quant à 'Obeidullah lui-même qui fut nommé (par 'Alî) gouverneur de Yémen, il s'est enfui devant 'Abdullah Ibn Busr, le laissant tuer ses fils à sa place. Et le revoilà qui a fait ce que vous venez d'apprendre».[119]

A al-Madâ'în où l'Imam al-Hassan s'apprêtait à marcher à la tête de son armée vers le front, la situation n'était guère meilleure. En apprenant la désertion de 'Obeidullâh Ibn 'Abbas traînant avec lui une meute de déserteurs, l'Imam se sentit frappé d'un coup de poignard dans le dos, administré par l'un de ses plus proches partisans.

Le coup était d'autant plus dur qu'il apprit en même temps que plusieurs commandants de l'armée qu'il dirigeait lui-même avaient écrit à Mu'âwiyeh pour lui demander protection et lui proposer leur allégeance. L'Imam vivait des moments dramatiques, car il se voyait, lui qui ne possédait pour toute arme de persuasion et de dissuasion que l'intégrité, la pureté et la justice islamiques, coincé entre une société vénale et un corrupteur sans scrupule sans morale.

En effet alors que l'Imam al-Hassan poursuivait inlassablement la mobilisation des Musulmans, le fils d'Abou Sufiyân lançait et relançait sans répit et dans tous azimuts ses offensives de corruption en utilisant tous les appâts de la séduction.

Selon al-Çadûq (cité dans al-A'yân):

«Mu'âwiyeh envoya des agents à 'Amr Ibn Hârith, Ach'ath Ibn Qays, Hojr Ibn Abjar et Chabth Ibn Rab'i, pour leur transmettre cette promesse: si tu tues al-Hassan, tu auras cent mille dirhams, des soldats de l'armée de Syrie et une de mes filles».[120]



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