Livre sur l'Imam Hassan (A.S)Il ressort de ces déclarations et de l'ensemble des explications antérieures et ultérieures que le souci constant de l'Imam al-Hassan était de préserver la vie des Musulmans en général et des défenseurs de la Religion - c'est-à -dire de la ligne du Prophète - en particulier, car prévoyant et clairvoyant, il était conscient de ce que beaucoup de ses partisans et de ses détracteurs ne pouvaient réaliser, à savoir: 1- Le sacrifice n'était d'aucune utilité dans les circonstances présentes pour les raisons que nous avons déjà expliquées et qu'Abou A'lâ al-Moudoudi expose schématiquement et à sa façon: «Mu'âwiyeh voulait devenir Calife par tous les moyens. C'est pourquoi il a combattu jusqu'à ce qu'il accédât au Califat. Son Califat ne découla pas du consentement des Musulmans, et les gens ne le choisirent pas (comme Calife). Il les gouverna par sa force et son épée, et lorsque les gens constatèrent que son Califat devint un fait accompli, ils n'avaient plus d'autre choix que de lui prêter serment d'allégeance. Car s'ils s'étaient abstenus de lui prêter serment d'allégeance, il ne se serait pas pour autant écarté du pouvoir, et en outre il y aurait eu du sang versé et de l'anarchie...».[168] L'Imam al-Hassan connaissait et respectait trop bien les méandres de la Chari'a et ses stipulations pour ignorer que le martyre requiert des conditions spécifiques et que si celles-ci n'étaient pas remplies, le sacrifice de la vie équivaudrait moins à un martyre qu'à un suicide, acte que l'Islam condamne sans réserve. 2- La Ummah allait traverser une mauvaise passe et une phase dangereuse dans laquelle la présence des défenseurs sincères des Traditions du Prophète serait d'une nécessité impérieuse, leur sacrifice inutile et leur survie indispensable. Ainsi lorsque quelques notables de ses partisans sont venus le trouver pour lui demander de reprendre la lutte contre Mu'âwiyeh, après avoir constaté que ce dernier n'avait respecté aucune des clauses «Que chacun de vous se tienne bien tranquille chez lui tant que Mu'âwiyeh est vivant. S'il mourait et que nous et vous étions encore vivants, nous demanderions à Dieu de nous guider, de nous aider à faire triompher notre cause (...), car «Dieu est avec ceux qui Le craignent et avec ceux qui font le bien» (Coran, 26: 128)"».[169] APRÈS LE TRAITÉ DE RÉCONCILIATION
Le Traité de Réconciliation fut signé au mois de Rabi' al-Awwal, en l'an 41 de l'Héjire. D'aucuns appelèrent improprement cette année-là l' "Année du consensus" ('Âm al-Jamâ'ah) alors qu'elle devrait être plus adéquatement appelée "l'Année de la Contrainte", l' "Année de la fin de l'Etat islamique et de la naissance du royaume temporel" ou encore l' "Année de la séparation de l'Etat et de la religion". "Année de la contrainte", plutôt que du consensus, car d'une part, comme nous l'avons vu[170] le "califat" de Mu'âwiyeh était beaucoup moins le résultat du consentement libre des Musulmans que celui de la coercition exercée impitoyablement, machiavélique-ment et sans aucun scrupule par le fils d'Abou Sufiyân pour s'imposer à eux coûte que coûte et bien qu'il fût parfaitement serein de leur refus, déclaré ou intime, de son califat: «... Je D'autre part, l'Imam al-Hassan fut contraint d'abandonner le pouvoir, "le royaume"[172] à Mu'âwiyeh pour s'efforcer lui-même de préserver la Religion et de l'empêcher d'être empreinte des murs du "royaume" et de se confondre avec la déviation. alors que Mu'âwiyeh fut contraint lui, d'être couronné plutôt "roi" que Calife, et de se comporter en tant que tel pour obtenir et préserver un pouvoir qu'il ne pouvait pas concilier avec les règles et les principes du Califat islamique dans son acception originelle: «Que la paix soit sur toi, Ô Roi!» lui dit Sa'ad Ibn Abi Waqqâç après la prestation du serment d'allégeance.[173] Mu'âwiyeh lui-même dit une fois: «Je suis le premier des rois».[174] Ainsi, l'acte de Réconciliation constituait en soi et abstraction faite des clauses du Traité, moins un consensus sur la conduite de l'Expérience islamique qu'une consécration de la séparation entre deux lignes: la ligne du Prophète, dirigée par l'Imam al-Hassan et la ligne de la déviation, conduite par Mu'âwiyeh, la première voulant maintenir l'Etat islamique sous les lois de la Chari'a, l'autre tendant à l'orienter vers les règles du royaume temporel. Le seul consensus dont on puisse parler se trouvait en puissance dans les clauses du Traité.
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