Livre sur l'Imam Hassan (A.S)Le Calife en titre, ayant découvert le complot, fut contraint de prendre toutes les précaution nécessaires pour déjouer les tentatives visant à l'assassiner. Il ne sortait pour la prière que revêtu d'une cuirasse. C'est d'ailleurs cette cuirasse qui l'a sauvé une fois d'une flèche lancée contre lui pendant la prière. Et selon al-Kharâ'ij (cité dans al-A'yân): «Lorsque al-Hassan dépêcha un commandant de la tribu de Kindah, à la tête de quatre mille combattants pour affronter Mu'âwiyeh, celui-ci lui fit parvenir, dès son arrivée à al-Anbar, cinq cents mille dirhams avec la promesse de le nommer gouverneur de quelques contrées de Syrie et de la Péninsule arabique. Le commandant ne put résister à cette offre séduisante. Il rejoignit Mu'âwiyeh avec deux cents hommes de ses proches. Et lorsque al-Hassan envoya un autre commandant qui avait juré sa foi - dont les montagnes ne sauraient venir à bout - de ne pas trahir, il emboîta le pas à son prédécesseur, donnant ainsi raison à la prédiction d'al-Hassan qui avait dit après son départ qu'il trahirait».[121] En tout état de cause, depuis la désertion de 'Obeidullah, les nouvelles alarmantes concernant la multiplication des désertions dans la première armée continuaient à se succéder au campement de l'Imam al-Hassan, où on estimait le nombre de soldats déserteurs à 8000 hommes, soit les deux tiers de 1'effectif total qui était de 12 mille combattants. Sachant que l'armée ennemie comptait environ 60 mille hommes auxquels s'ajoutaient vraisemblablement les 8 mille déserteurs de 1'armée califale, le rapport de force, était devenu disproportionné: 68 mille hommes pour 1'armée omayyade contre 4 mille (le reste de 1'armée de 'Obeidullah ) et 8 mille (l'armée de Madâ'în commandée par l'Imam al-Hassan) pour les forces de la légalité. L'Imam al-Hassan était assez avisé et serein pour comprendre que la défection massive enregistrée en quelques jours dans son camp ne pouvait s'expliquer que par un plan de subversion minutieusement préparé à l'avance et exécuté avec la complicité d'un bon nombre de chefs de son armée. Par ailleurs, même l'armée de Madâ'în qu'il commandait lui-même commençait à pâtir des revers qu'avait subis Or, quand les soldats intéressés apprirent la nouvelle des défections massives dans les rangs de la première armée, ils estimèrent que la probabilité de la victoire du camp de l'Imam était devenue trop faible pour qu'on puisse y compter. «Pendant que l'Imam réfléchissait au moyen d'amener son armée à penser plus à son devoir islamique, à l'avenir du Message et à l'intérêt général de l'Islam, qu'aux bas calculs matériels vers lesquels Mu'âwiyeh ne cessait de la glisser, ce dernier n'osant pas encore engager l'épreuve de force contre l'armée du petit-fils du Prophète, et encouragé par les premiers résultats positifs, de son plan de subversion, poursuivait avec de plus en plus de perfidie ce plan dans l'espoir de désagréger complètement et de l'intérieur les forces de la légalité. »L'éloignement des deux armées du camp d'al-Hassan l'une de l'autre et les désertions successives enregistrées dans l'une et l'autre constituaient des atouts supplémentaires pour la poursuite dudit plan, et un terrain fertile pour la propagation des rumeurs. Si les soldats de Maskan continuaient d'entendre chaque jour une nouvelle rumeur et une nouvelle version de l'abdication effective ou virtuelle de l'Imam al-Hassan, les efforts des agents de Mu'âwiyeh se concentraient désormais sur l' armée de Madâ'în où les rumeurs les plus folles et les plus contradictoires de nouvelles désertions de chefs de l'armée de Maskan, et notamment celle du "ralliement à Mu'âwiyeh" du nouveau commandant, Qays Ibn Sa'ad, celui-là même que l'Imam avait nommé pour remplacer le premier déserteur, 'Obeidullah Ibn 'Abbas exaspéraient la nervosité des combattants. »Les agents de Mu'âwiyeh apportèrent la goutte qui fait déborder le vase lorsqu'ils entrèrent à Madâ'în pour annoncer sur un ton faussement alarmiste: «Qays Ibn Sa'ad est tué! Sauve qui peut», ce qui provoqua un début de panique et d'émeute dont profitèrent quelques soldats pour investir les tentes de l'Imam al-Hassan, piller ses effets et essayer même d'arracher le tapis de prière sur lequel il était assis. Dégoûté et effrayé par l'attitude de ces soldats l'Imam se réfugia dans le Cabinet Blanc à Madâ'in».[122]
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