Livre sur l'Imam Hassan (A.S)



Hier, ils étaient inconscients du caractère hautement missionnaire de la lutte que l'Imam al-Hassan avait engagée contre Mu'âwiyeh, de là leur tendance à la défection; aujourd'hui, ignorants de la nature profonde et de la portée réelle des clauses du traité que le petit-fils du Prophète avait pertinemment choisies pour astreindre le chef de file des Tulaqâ à sa place d'usurpateur, ils assimilaient son acceptation de se retirer de l'avant-scène du pouvoir officiel, à une abdication de la direction de la Ummah, donc à un renoncement au devoir, de là leur grogne.

Or, il y a sur le plan juridique islamique une différence nette entre "être contraint de laisser le pouvoir à un usurpateur" et abdiquer son poste d'Imam ou de Califat. On pourrait bien passer le pouvoir à un autre sous la contrainte sans pour autant renoncer à sa qualité de détenteur de la légalité.

L'Imam al-Hassan n'a pu ni dans son esprit ni dans ses actes envisager à aucun moment l'abdication; autrement, il n'aurait pas été ce qu'il était, tel que nous l'avons vu tout au long de sa vie: un héritier digne du Prophète et de l'Imam 'Alî.

«Car en tant qu'Imam légal désigné par le Texte - comme il le concevait et avec lui tous les Chiites imamites - son mandat d'imamat était une qualité indissociablement lié à son existence et à son essence. Personne ne pouvait la lui usurper, pas plus qu'il ne pouvait la concéder ni se décharger des responsabilités qui en découlaient. Sinon cela aurait été une infraction à la décision divine le désignant à ce poste. De même que le Prophète ne peut se séparer de sa qualité de prophète, de même l'Imam ne peut se défaire de sa qualité d'Imam. C'est du moins ce à quoi les Chiites croient fermement concernant l'imamat, croyance corroborée par des arguments solides qui leur sont propres».[153]

«Même si l'on supposait que l'Imamat de l'Imam al-Hassan ne découlât pas du Texte, mais d'un "consensus unanime" des Musulmans qui lui prêtèrent serment d'allégeance et le désignèrent pour le Califat, là encore il n'aurait pas pu s'arroger le droit de concéder le Califat, sauf cas de force majeure: par exemple incompétence dans la direction des affaires des Musulmans, ou agissements inconvenables susceptibles de porter atteinte au prestige et à la sainteté du poste. Or l'histoire ne signale rien de tout cela dans la personnalité et dans la vie de l'Imam al-Hassan, lequel bien au contraire fit preuve à maintes occasions, de ses qualités d'esprit conséquent, de dirigeant compétent, d'homme déterminé et clairvoyant, ainsi que d'autres qualités requises pour tout chef d'Etat ou de gouvernant».[154]

En acceptant de conclure le traité de réconciliation, I'Imam al-Hassan n'entendait guère consacrer Mu'âwihey Calife légal de la Ummah, mais chef de file de la déviation. La déviation de l'Expérience islamique opérée par les Tulaqâ' sous le Califat de 'Othman conduisait la Ummah vers les valeurs de "royaume temporel" alors que l'Imam 'Alî, les Compagnons pieux et enfin l'Imam al-Hassan luttaient de toute leur force pour la maintenir sur la ligne de la Khilâfah ou dans les Traditions du Prophète.

Lorsque l'Imam al-Hassan remarqua que les valeurs du royaume temporel devenaient un signe des temps et que les Musulmans se montraient de plus en plus sensibles à ces valeurs et de moins en moins conscients de ce qui séparait la ligne islamique originelle de la déviation, il orienta toute son action pour que cette déviation dise enfin son nom et soit nettement distinguée de la voie initiale que le Prophète avait tracée pour les croyants.

Un coup d'oeil sur les clauses du Traité de Réconciliation et sur les différentes déclarations et commentaires de l'Imam al-Hassan relatifs à ce sujet, montre clairement que ce dernier a pris soin de n'accorder à Mu'âwiyeh que le "pouvoir" d'un "royaume" - obtenu de facto et acquis de plus par contrainte - et de lui récuser tout droit à la Khilâfah.

Ainsi, répliquant à quelqu'un qui lui reprochait d'avoir accepté l'humiliation des Croyants pieux en signant ce Traité, il lui dit:

«Ô Abou Âmer! Ne dis pas cela! Je n'ai pas humilié les Musulmans. J'ai seulement détesté qu'il meurent pour le pouvoir.».[155]



back 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 next