Livre sur l'Imam Hassan (A.S)«Cousin! Je mets à ta disposition douze mille cavaliers arabes... En mettant 'Obeidullâh Ibn 'Abbas à la tête de la première armée qui le précéda au front, l'Imam al-Hassan tenait compte sans doute avant tout, du besoin impérieux de ses troupes de se sentir rassurer en marchant derrière un commandant au-dessus de tout soupçon à un moment où tout le monde savait que Mu'âwiyeh fondait sa stratégie de la conquête du Califat sur la corruption et le "coudoiement" des dirigeants et des notables vivant sous le gouvernement califal. Or, il ne venait à l'idée de personne qu'un homme tel que 'Obeidullâh dont les deux fils avaient été odieusement et sauvagement assassinés au Yémen sur ordre de Mu'âwiyeh puisse être un jour susceptible de composer avec ce dernier. Toutefois, prévoyant et serein, l'Imam voulant se mettre à l'abri de toute surprise, n'avait manqué de le faire seconder, comme nous l'avons vu, par deux remplaçants. La présence de 'Obeidullâh Ibn 'Abbas à la tête de la première armée d'al-Hassan, venue à sa rencontre, ne découragea pas Mu'âwiyeh de poursuivre sans relâche sa politique machiavélique qui lui assurait un avantage de taille sur l'Imam al-Hassan pour qui une seule chose comptait: incarner l'intégrité, la rectitude, la véracité et l'honnêteté qu'exige le Message de celui qui en assure la garde et la représentation. Donc avant d'engager un combat loyal à l'issue incertaine contre la première armée du Calife, Mu'âwiyeh décida d'y provoquer une désintégration intérieure en jetant le discrédit sur son commandement. Profitant de l'éloignement de cette armée de son quartier général, il laissa courir parmi les troupes de 'Obeidullâh Ibn 'Abbas une rumeur à l'apparence crédible, selon laquelle il y aurait un échange de correspondances entre l'Imam al-Hassan et le gouverneur rebelle de Syrie, visant à la conclusion d'un traité de réconciliation. Les mercenaires et les agents de Mu'âwiyeh entendaient ainsi entamer la détermination des combattants et les décourager de risquer inutilement leur vie.[117] La rumeur se répandit suffisamment pour engager l'ensemble de l'armée de la première ligne dans des discussions quant à la véracité de la nouvelle, et ébranler le commandant 'Obeidullah lui-même dans sa conviction de l'opportunité de sa mission. Al-Hassan de son côté trop occupé à l'envoi de messagers et à la tenue de réunion en vue de mobiliser le plus grand nombre d'hommes disponibles n'eut pas connaissance des ravages qu'avait faits cette rumeur dans les rangs de sa première armée, dont le commandant ne s'était pas donné la peine de s'enquérir auprès de l'Imam du bien-fondé de la rumeur, étant donné qu'il avait été déjà secoué par les nouvelles du défaitisme et du manque d'empressement des Kufites à s'engager derrière l'Imam. Aussi 'Obeidullah se disait-il qu'il s'était enlisé dans une entreprise peu fiable, estimant que les quelques milliers d'hommes qu'il commandait ne pourraient tenir tête à une armée infiniment plus nombreuse et plus soudée. Comment s'en sortir? Démissionner? Aucune raison valable ne pouvait justifier une telle démarche, car il avait été nommé par l'Imam lui-même et sa démission équivaudrait à un manquement au devoir. Le seul prétexte qui lui restait, était de reconnaître son incapacité et d'avouer son défaitisme, ce qui ne manquait pas de blesser son orgueil et le vouerait au mépris des gens.
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