BILAL d'AFRIQUEPar conséquent, l'hérésie et la déviation s'introduisent dans la nature innée sous l'effet du milieu, de l'environnement et de l'ensemble des circonstances de lieu et de temps. Toutefois cette déviation et cette hérésie n'éradiquent ni n'anéantissent la nature innée, mais la détournent de sa voie ou de sa fonction originelle et l'affectent dans une autre fonction, étant donné qu'il est impossible de la supprimer: «Telle est la nature qu'Allâh a originellement donnée aux hommes - pas de changement à création d'Allâh».(9) De là apparaît à l'évidence le rôle primordial des Prophètes dans la vie de l'humanité, car l'arrêt de la fonction de la nature innée aboutit aux flétrissures de la doctrine du monothéisme, et par voie de conséquence, à la dégradation de la vie sociale de l'humanité, sous l'effet de la domination des doctrines polythéistes. Et là les Prophètes interviennent pour réveiller la nature innée, détruire les accumulations des voiles et libérer l'esprit de ses chaînes. Décrivant la mission des Prophètes, l'Imâm 'Ali (p) écrit: «Allâh a envoyé Ses messagers aux gens périodiquement afin de leur faire respecter le pacte de Sa Nature (Création), de leur rappeler ce qu'ils ont oublié de Ses Bienfaits, de leur communiquer Ses Preuves, de faire ressortir ce qui est enterré dans leurs esprits, de leur montrer les Signes de Sa Puissance dans la voûte céleste élevée au-dessus de leurs têtes et sur la terre qui leur sert de demeure, et à travers les ressources qui assurent leur subsistance, et les échéances de leur périssement... ».(10) Ce texte dévoile clairement la nature de la mission des Envoyés, laquelle consiste à éveiller la conscience des gens afin qu'ils se réveillent et sortent de leur apathie, de leur insouciance et pour qu'ils se conforment aux exigences du monothéisme, lequel est inscrit dans leur nature innée. Car en fait le Messager d'Allâh ne demande pas aux gens de croire à des doctrines étrangères à leur for intérieur, mais à leur nature innée en dépoussiérant celle-ci et en la débarrassant des "voiles" qui l'ont entourée et des sédiments successifs apportés par les croyances déviationnistes. Lorsque l'Imâm 'Ali (p) dit que le Messager a pour mission de "ressortir ce qui est enterré dans les esprits", il entend la clairvoyance originelle, la conscience naturelle ou la vue intérieure, et c'est de cette façon et par ce moyen qu'Allâh «les fait sortir des ténèbres vers la lumière».(11) Bilâl avait suivi la croyance de ses maîtres, comme il les avaient suivis dans tous les autres domaines de la vie, mais dès qu'il a entendu le Message de l'Islam le voile qui masquait son coeur et son esprit s'est dissipé et le lien originel entre la tendance au monothéisme immanente à la nature humaine et le Message monothéiste que le Prophète (P) a apporté s'est rétabli immédiatement. Dès lors, comme on le verra, ni la torture impitoyable à laquelle il sera soumis ni la menace de la mort qui semblait imminente ne pourront briser ce lien. Lorsque Bilâl entendit le Message de l'Islam, il sembla découvrir le sens de la vie, la signification de son existence et une parfaite concordance entre les tendances de sa nature et les préceptes islamiques. Bilâl n'avait ni une pensée libre, ni une instruction au-dessus de la moyenne, ni une conscience plus éveillée que celle de son entourage. S'il s'est détaché de l'ensemble de la société pour se placer parmi les premiers à répondre à l'Appel de l'Islam, à avoir une prise de conscience de l'aberration de la voie dans laquelle il marchait, c'est sans doute parce que les voiles qui masquaient sa nature innée étaient moins épais que chez bien d'autres. Son origine africaine ne pourrait-elle pas expliquer cette présence ou cette transparence de la nature originelle où l'inné reste le caractère prédominant même lorsqu'il se trouve en état latent ou revêtu de l'acquis? Bilâl était le premier représentant de l'Afrique parmi les premiers adeptes de l'Islam naissant. Sa conversion à cette religion monothéiste universelle était on ne peut plus spontanée et volontaire, loin de toute incitation matérielle, psychologique ou sociale. Depuis lors et jusqu'à nos jours cette attirance spontanée des Africains pour l'Islam ne s'est jamais démentie, malgré toutes les tentatives faites à travers les siècles pour les en détourner et malgré les incitations sous toutes formes et le lavage de cerveau systématique en vue de les orienter ailleurs et vers d'autres horizons doctrinaux et d'autres croyances. D'autre part, restés proches de la nature, et imprégnés sans doute par les lois harmonieuses qui la régissent, les Africains sont peut-être attirés par la concordance parfaite entre le législatif et le constitutif dans l'Islam, ou en d'autres termes, par le réalisme de la législation islamique qui «vise dans ses lois et règlements des buts qui s'accordent avec la réalité humaine, sa nature, ses penchants et ses caractéristiques générales»,(12) sans imposer à l'homme des codes de conduite qui ne reflètent pas sa nature et ses inclinations, car elle incarne minutieusement la nature de la constitution de l'homme, et représente l'autre face de cette constitution. Tous les règlements, les lois et les règles morales de l'Islam ont des racines qui s'enfoncent dans l'essence de l'homme, c'est-à -dire dans sa nature innée, car ils remontent en fin de compte au monothéisme, lequel est une affaire de nature innée et celle-ci constitue le fondement de la société monothéiste».(13) C'est sans doute ce que la nature de Bilâl, restée pure et transparente malgré les voiles qui l'ont masquée pour un temps, a saisi d'emblée, et c'est ce qui explique la promptitude et la spontanéité de la conversion à l'Islam de ce premier représentant de l'Afrique. Telle set peut-être l'une des premières leçons à tirer de la lecture de la biographie de Bilâl. L'éditeur
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