LES RECITS DU CORANUn tel "bienfaiteur" ou un tel "donateur généreux", n'est pas dans, le fond différent d'un avare qui refuse de dépenser ce qu'il possède. En effet, l'avare recherche à satisfaire son soi et reste égocentrique en s'efforçant de s'attirer tout ce qui réalise un gain pour lui-même. Or une telle attitude est considérée comme un trait d'aberration. Celui qui prodigue son argent pour se forger une position sociale ou pour qu'on lui témoigne de la gratitude, est empreint de la même marque d'aberration, car tout comme l'avare, il recherche à satisfaire son moi et agit par intérêt. Tous les deux sont donc égocentriques. La seule différence qui les départage, c'est que le donateur recherche une satisfaction psychologique personnelle alors que l'avare recherche la satisfaction matérielle personnelle. C'est pourquoi, le récit qui nous occupe ici n'a pas abordé la question de l'offre de la nourriture séparément de son aspect sain; il a présenté le "nourrissement" de l'indigent, de l'orphelin et du captif, associé au monologue intérieur des héros du récit, qui se sont dit, comme s'ils s'adressaient, dans leur for intérieur, aux bénéficiaires, et sans le leur dire ni le leur montrer: «Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu Seul; nous n'attendons de vous ni récompense, ni gratitude».[184] * * * Le deuxième trait de l'art romanesque qui marque cette partie du récit, c'est le procédé de répétition concernant la crainte qu'inspire, aux pieux, le Compte, le Jour Dernier. Ainsi, après avoir évoqué la nourriture que les héros avaient offerte pour l'amour d'Allah, le récit s'est attaché à prêter immédiatement, à ces derniers, les propos suivants: «Nous redoutons de la part de notre Seigneur un Jour menaçant et catastrophique».[185] Or on sait que le récit a déjà mentionné, le fait que ces héros redoutaient ce Jour à une autre occasion: «ils tiennent leurs promesses, ils redoutent un Jour dont le mal sera universel».[186] Cette répétition veut signifier que chacune de leurs actions ou chacun de leurs gestes est associé à la crainte du Compte du Jour Dernier, et confirme par la même occasion que le ""nourrissement"" est un acte accompli uniquement pour satisfaire Allah, et ce à tel point qu'ils craignent en permanence de devoir Lui rendre des comptes pour tout geste dont se dégage la moindre odeur d'égoïsme. Il y a un troisième trait artistique qui mérite d'être souligné et appelle à la réflexion, à savoir le procédé de dialogue que le récit a utilisé à propos du "nourrissement" pour l'amour d'Allah et rien d'autre. En effet, le récit a recouru au procédé de narration lorsqu'il a abordé la question de la tenue de la promesse, alors qu'il a présenté celle du "nourrissement" sous forme de dialogue. Dans le cas du "nourrissement", le récit a relaté la crainte que le Jour du Compte inspire aux pieux: «Ils tiennent leurs promesses et ils craignent un Jour dont le mal sera universel».
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