LES RECITS DU CORAN



Concernant le milieu d'ici-bas, le récit l'a rayé (d'une façon indirecte) de la mémoire de l'homme, et l'a réduit en un seul but idéologique et psychologique «en récompense de leurs ouvres», c'est-à-dire que l'action pour Allah est le seul justificatif de la préparation luxueuse des besoins vitaux dans la vie de l'Au-delà.

Si la nourriture, par exemple, constitue (dans le milieu terrestre) un simple moyen permettant à l'être humain de s'acquitter de ses devoirs d'adoration, elle se transforme (dans le milieu de l'Au-delà) en un autre moyen d'adoration également, mais d'un type différent. Mais comment comprendre cette différence entre les deux moyens?

Le rapport de l'être humain avec Allah demeure un pur besoin rationnel ou psychologique, que ce soit dans ce bas-monde ou dans l'autre.

Quant au besoin vital, c'est-à-dire biologique, tel que le manger etc... il est dans le cadre de la vie terrestre un moyen traversé par un conflit, et dans le cadre de la vie de l'Au-delà un moyen dépouillé de tout conflit.

Ainsi, lorsque nous ajournons la consommation d'un plat délicieux, nous aurons dépassé la phase de conflit entre le désir de manger le plat et la volonté d'ajourner la satisfaction de ce désir. L'exemple d'un tel ajournement est lorsque nous accomplissons le jeûne ou lorsque nous nous trouvons devant un plat dont la licité n'est pas encore établie pour nous, ou lorsque nous devons acquitter un devoir urgent. Dans tous ces cas, on est amené à ajourner la satisfaction d'un besoin vital et à dépasser la phase de conflit entre la satisfaction et l'ajournement de la satisfaction de ce besoin ou de ce désir.

On aura dépassé cette phase de conflit, lorsqu'on sera totalement convaincu que la nourriture n'est nécessaire que dans la mesure ou la limite où l'organisme en a besoin, et que l'accomplissement du jeûne ou d'un devoir urgent, ou l'abstention d'un plat dont la licité est douteuse, constituent le choix positif qui concorde avec la notion de lieutenance sur la terre (notion qui signifie que la seule raison d'être de l'homme sur terre est l'adoration d'Allah et l'application de Ses Instructions).

En revanche, dans la vie de l'Au-delà, un tel conflit n'existe évidemment pas, et en conséquence, le choix n'existe pas non plus. La nourriture demeure un moyen mécanique (comme la circulation sanguine, par exemple) dont le fonctionnement n'est pas doté d'un dispositif d'arrêt et de marche.

En outre, ce moyen ou instrument, s'il a acquis un tel mode de satisfaction, c'est parce qu'il constitue "une récompense" des oeuvres d'adoration dans la vie d'ici-bas, ce qui signifie que l'action d'adoration - lequel est un besoin rationnel et psychologique - est la seule signification de l'existence de l'Homme.

De là, les relations sociales dans la vie de l'Au-delà, avec tout ce qu'elles comportent de significations psychologique et rationnelle demeurent le trait qui enveloppe le comportement décrit par le texte romanesque en guise d'épilogue: «Ils n'entendront là ni parole futile, ni incitation au péché, mais une seule parole: "Paix!.. Paix!..."».[112]

Si nous transposons la nature des relations sociales dans l'Au-delà (relations marquées, selon le récit par l'absence de paroles futiles et de péché, d'une part, et par l'échange de mots de salutation, de paix et d'amour, d'autre part) dans notre vie terrestre, nous réalisons leur haute valeur, ainsi que l'importance artistique d'une telle présentation romanesque.



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