LES RECITS DU CORANOr, dans le cas des personnages des Jardins inférieurs, ce privilège d'avoir à la portée de la main les fruits du Paradis, lorsqu'ils sont assis et accoudés sur leurs lits ou coussins, n'existe pas. La question qui se pose alors est pourquoi le fruit revient encore pour constituer un privilège pour les personnages des deux Jardins supérieurs? Et pourquoi le récit a-t-il entouré de silence cet élément (le fruit) pour ce qui concerne les personnages des deux Jardins inférieurs? La réponse à ces deux questions requiert un examen approfondi d'une série de procédés artistiques auxquels a recouru le récit et que nous abordons tout de suite. * * * Nous avons remarqué que les croyants promis aux deux Jardins supérieurs jouissent de privilèges dont sont privés ceux de la catégorie inférieure, en ce qui concerne l'accoudement sur les lits du Paradis. En outre nous avons vu apparaître un nouveau privilège accordé aux premiers, à savoir la proximité des fruits qui leur sont destinés et qui se trouvent à la portée de leurs mains lorsqu'ils sont tranquillement et paisiblement accoudés sur leurs lits ou coussins. Certes, il est possible que les personnages de la seconde catégorie jouissent du même privilège d'avoir à la portée de la main les fruits qui leurs sont destinés, surtout si l'on suppose que le récit ayant noté ce privilège chez les personnages de la première catégorie, fait l'économie de la mentionner à nouveau, lors de la description du milieu des personnages de la seconde catégorie, laissant au lecteur le soin de déduire une telle possibilité. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que les récits coraniques recourent toujours à l'économie d'expression et évitent la répétition chaque fois que le lecteur est susceptible de deviner lui-même ce que le récit omet de répéter ou mentionner. Cependant et malgré la plausibilité de cette hypothèse, nous pressentons que ce privilège demeure le domaine réservé des personnages de la première catégorie, sachant surtout que le récit s'applique à mettre en avant une distinction entre deux degrés de la piété, ce qui rend absurde l'idée que le récit, tout en cherchant à attirer l'attention des lecteurs sur un privilège qu'il attache à la première catégorie de pieux, en omettant de la mentionner dans la description du milieu des personnages de la seconde catégorie, procède en sorte que ces lecteurs déduisent eux-mêmes que ces derniers jouissent eux aussi de ce privilège. Une telle déduction aurait été possible dans le cas contraire où l'élément supprimé, l'est dans la description des personnages de la première catégorie et non dans celle des personnages de la seconde catégorie, étant donné que par définition les premiers, la catégorie des privilégiés jouissent de plus de privilèges que la seconde catégorie et qu'ils ne devraient pas par conséquent être privés de privilèges accordés à cette dernière. Et c'est ce que nous avons vu effectivement dans la description, faite par le récit, des lits de la première catégorie, dont les endroits ou les aspects extérieurs (forme et couleur) n'ont pas été décrits ou mentionnés, alors que, concernant la seconde catégorie, au contraire, l'accent a été mis sur la peinture des aspects extérieurs: «Ils seront accoudés sur des coussins verts et sur de beaux tapis».[87] Dans un tel cas le récit a omis la description extérieure (la couleur verte et la beauté des lits), laissant au lecteur le soin de le déduire, pour une raison simple: si la seconde catégorie jouit de la belle couleur des lits, la première catégorie doit a fortiori en jouir. En bref le privilège accordé par le Ciel aux héros des deux Jardins supérieurs, le privilège d'avoir les fruits à leur portée, représente sans aucun doute un élément qui sert à départager les deux catégories de pieux.
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